03 juillet 2018 | Temps de lecture : 34 minutes

Propagande et roman national chez les néos conservateurs français (« Causeur »)

Comment l’extrême droite néo conservatrice tente de changer l’histoire

Qu’est ce que Causeur, la feuille de chou d’Elisabeth Levy, nous fait avec le roman national ? En quoi est-ce une propagande néo-cons?

Depuis quelques décennies les droites extrêmes s’obstinent à vouloir effacer le passé (et le présent) antisémite français. C’est une affaire tout à fait singulière.

Au point que certains se lancent dans une véritable réhabilitation du Pétainisme et de l’histoire de l’antisémitisme en France, en général. Suite à un article de «Causeur», nous avons décidé de mettre notre nez là dedans. Et surprise, nous n’avons certainement pas été seuls à être interloqués par une citation de cet article.

Causeur et le roman national : le révisionnisme des néo-cons’

Article et citation que voici:

En même temps, ce n’est pas la première fois que « Causeur » se fera recadrer sur des délires d’extrême droite.
Un thread d’un twittos a particulièrement attiré notre attention car il avait eu la même idée que nous (ou nous que lui ? 😉 ) afin de démonter cette nouvelle rhétorique un peu étrange de l’extrême droite française : défendre la France comme si elle n’avait pas eu de passé violemment antisémite.

Et pour ce faire, lister un peu les faits attestant malheureusement du passé (et du présent) antisémite de la France. Nous l’avons donc contacté afin qu’il accepte de nous «prêter» ses connaissances sur le sujet, et il a accepté, donc nous le remercions bien chaleureusement. Nous en profiterons pour explorer succinctement le petit monde de la fachosphère néo conservatrice auquel appartiens « Causeur » et ses sbires. Après « Dreuz », il était temps. Temps d’expliquer l’idéologie qui sous tend cette fachosphère, et temps d’élargir le sujet à d’autres acteurs que Dreuz. Même si rassurez vous, on ne les oubliera pas.
Oh bien sûr, le premier «argument» qu’utiliserons nos contempteurs sera que nous sommes à nouveau en train de nous «autoflageller», de «détester notre histoire», de faire du «masochisme ethnique» (et oui on parle comme cela chez les fafs madame). Mais tout ceci n’est que propagande inepte. Cet article se base sur deux faux piliers historiques. Or nous nous regardons les faits du passé qui servent (parfois) à éclairer notre présent. Avec méthodologie et remise en place dans un contexte. Bref : faire de l’histoire et non du «roman national» qui n’est autre que du joli mensonge historique pour grand naïfs. Ou dangereux propagandistes…

I) L’émergence d’une «extrême droite philosémite»

Fachosphère et fachosphère sont dans un bateau

Comme nous l’expliquions précédemment, une bonne partie de l’extrême droite s’obstine à vouloir nier le passé antisémite français. Oh rassurez-vous pas TOUTE l’extrême droite ! Nous avons encore nos Boris le lay, nos soral et toute la soralosphère complotiste qui s’active consciencieusement afin de faire croire à un complot juif, pardon, sioniste, mondial. Nous voilà rassuré !
Et il est d’ailleurs assez significatif que cette partie de la fachosphère soit celle qui s’oppose le plus frontalement aux idées des zemmour/lévy et compagnie sur le sujet de cette réhabilitation. Pour ces gens-là, les juifs restent coupables d’un péché originel, ils sont coupables de tous les maux, et si ils n’ont rien fait, on l’inventera !
Guère surprenant donc que ces mêmes sites fasse florès avec de vieux faux comme «le Talmud Démasqué», «La Conjuration antichrétienne» d’henri delassus ou «le Protocole des sages de sion».

Cette même complosphère dénonce les USA et leurs machinations perpétuelles et omniprésentes ; ils dénoncent l’impérialisme américain. Bien sûr ils auront tendance à copiner avec la Russie, le régime d’Assad, le régime Iranien et tout ce qui peut leur sembler être opposé à « l’Empire », à « IsraHell », et au « complot sioniste ». Bien entendu, ils vont défendre en buvant le calice jusqu’à la lie, les dégueulasseries du régime de Poutine, d’Assad, des mollahs et compagnie.

Et figurez-vous que l’on trouve de ces gens dans des partis de gauche… Nous appelons cela des rouges-bruns.

Soyons clair cette «complosphère» rouge brune s’est développée en réaction au développement de l’idéologie néo conservatrice. Mais à l’instar des «néocons»,  la complosphère défend une idéologie messianique. Et il faut dire qu’ils s’opposent sur à peu près tous les éléments de ce messianisme :

  • Le modèle économique
  • Leurs axes respectifs du « bien » (USA/Israël Vs Russie/Syrie/Iran)Et les deux nient faire partie de la fachosphère alors qu’ils en sont juste deux pôles apparemment opposés. Les complotistes se pensent carrément «de gauche», et les néocons se disent juste «conservateurs».
  • Et enfin ils ont ceci en commun qu’ils n’ont trouvé aucun leader incontesté, à ce jour, pour fédérer leur branche.

Les sites d’extrême droite pro néocons, se sont farouchement opposés à nos conclusions sur le fait que des sites pro Trump et pro Netanyahou ; (comme «Dreuz» par exemple) étaient d’extrême droite. En nous opposant des arguments très simples, pour ne pas dire gravement simplistes :

  • «L’extrême droite crache sur l’Amérique et nous sommes profondément pro-américain.

  • L’extrême droite dénonce la mondialisation, le capitalisme, le libéralisme, et nous sommes des néo-conservateurs, des libéraux, grand défenseurs du capitalisme.

  • L’extrême droite revendique le dirigisme d’état, la centralisation administrative des décisions industrielles, le planning économique et le repli sur soi, alors que Dreuz est un farouche partisan du marché libre, de la libre circulation des capitaux et des biens, et de la non intervention de l’état dans les affaires privées.

  • Par ailleurs, aucun autre site que Dreuz – à ma connaissance – ne dénonce avec autant de régularité le programme du Front national, particulièrement son programme économique et de politique étrangère. Pour « un site proche de l’extrême droite », dénoncer le FN, c’est ballot. Pas vrai Sénécat ?

  • Le Front national est proche de l’Iran et de la Russie, et nous sommes les ennemis des régimes totalitaires, dirigistes et fermés. Nous croyons dans les libertés fondamentales, le droit naturel et les systèmes ouverts.

  • Enfin, Sénécat n’a probablement pas remarqué, mais à ce point parti dans les contresens il n’est plus à ça près, nous sommes un site pro-israélien, et l’extrême droite a, disons, un … certain rejet pour le sionisme et Israël. L’extrême gauche aussi d’ailleurs.»

Car AUCUN de ces éléments listés ne peut vous exclure d’appartenir à l’extrême droite !

Après tout, comme nous disons pour galéjer :

«Ce qu’il y a de bien avec l’extrême droite pro-israélienne, c’est que c’est la seule extrême droite qui n’est pas antisémite»… CQFD

2) Une extrême droite ultra libérale

On peut sans trop se tromper faire coïncider ce mouvement idéologique (à défaut d’être intellectuel) avec l’émergence de l’extrême droite Israélienne et l’écrasement de toute opposition de gauche en Israël. L’assassinat d’Yitzhak Rabin en 1995 a été le début d’une fracturation totale entre extrême droite religieuse et les laïcs en Israël. Depuis la réemergence de Netanyahou au sein du Likoud et son élection celui-ci s’arrange fort bien d’alliances avec des partis fascisants suprématistes comme «Le Foyer Juif», la coalition «Judaïsme unifié de la Torah» et «Shas».

Dans le même temps apparaissent des idéologies ultra libérales d’extrêmes droites dont la doxa est parfaitement compatible avec le «néo sionisme» triomphant en Israël.
Dans les années 70 commence à émerger une nouvelle conception politique aux USA nommée «néo conservatisme». Ce mode de pensée se manifeste très largement dans la politique de Reagan («la Doctrine Reagan» ), et atteindra son apogée sous le gouvernement Bush. Dans le même temps, dans le milieu des années 80, l’URSS s’effondre. Les USA se retrouvent seule super puissance et appliquent sans retenue ce mode de pensée que l’on peut résumer ainsi :

  • la volonté d’employer rapidement la force militaire ;
  • un dédain pour les organisations multilatérales ;
  • une faible tolérance pour la diplomatie ;
  • une focalisation sur la protection d’Israël et donc le Moyen-Orient ;
  • une insistance sur la nécessité pour les États-Unis d’agir de manière unilatérale ;
  • une tendance à percevoir le monde en termes binaires (bon/mauvais).

La maxime néoconservatrice  (décrite par exemple dans: Wattenberg, Benjamin ‘Ben’ (2001-03-19), « Melt. Melting. Melted » (column), Jewish World Review.
Ryn, Claes G (Jan 19, 2004), « The Appetite for Destruction », 19 janvier 2004, American Conservative.) est que les États-Unis sont la première nation universelle, incarnant des principes rationnels et démocratiques qui devraient appliqués partout.

Parmi les idées emblématiques des néo-conservateurs, on peut citer la théorie du «chaos créateur», particulièrement développée par Michael Ledeen, ancien correspondant à Rome de The New Republic, en l’occurrence d’un projet consistant à instaurer au Proche-Orient un état de guerre et d’instabilité permanent qui permettrait aux Américains et aux Israéliens de maintenir dans la région de leurs objectifs géostratégiques, quitte à en redessiner la carte. Les néo-conservateurs ne font pas de la stabilité du monde un bien à maintenir mais au contraire prônent les vertus de la déstabilisation.

Jean-François Coustillière, Pierre Vallaud, Géopolitique et Méditerranée, Volume 1, éd. L’Harmattan p. 12.

Il faut bien comprendre que ce mouvement «néocons» est un messianisme politique.Les néoconservateurs attaquent sans relâche tous ceux qui prêchent une politique d’accommodation et de détente avec l’URSS. Pour eux, l’Amérique, c’est « l’Empire du bien ». Ils alertent l’Amérique sur le danger croissant qui la menace, réclamant une hausse du budget militaire ainsi que la fin des accords de limitation des armements nucléaires. La mission de l’Amérique, disent-ils, est de défendre les démocraties. Et Israël pour commencer… ou les régimes alliés qui, sans être démocratiques, contribuent à la lutte contre le totalitarisme soviétique (Taiwan, Corée du Sud, Turquie, etc.). Et pour vaincre l’URSS, il ne faut pas négocier, encore moins marchander, puisque cela n’aboutit qu’à légitimer «l’empire du mal» aux yeux du monde et à prolonger son existence – par des transferts de technologies, des ventes de céréales, etc. – mais adopter au contraire une attitude dure, visant à accentuer les contradictions du régime afin de le changer. Cette idée de changement de régime, plutôt que d’accommodation, sera reprise par les néoconservateurs des années 1990 et 2000 pour les petits «empires du mal» (Irak, Iran, Corée du Nord, etc.).

En 1996 sort un livre nommé « Le Choc des civilisations » par Samuel Huntington.

Très largement discrédité par tous les universitaires, il est par contre adopté comme livre de chevet par les néo conservateurs du monde entier et notamment par les «néo cons» français en 2001 suite aux attentats du WTC.
Le «choc des idéologies» a laissé la place au «choc des civilisations» selon la formule de Samuel Huntington. Le monde post-soviétique se diviserait entre l’aire de la «chrétienté occidentale» et celle de la «chrétienté orthodoxe et de l’islam». Cette dernière n’a pas connu ni reçu les valeurs politiques fondamentales de la démocratie représentative occidentale (pluralisme social, laïcisation du politique, état de droit, institutions parlementaires, individualisme juridique et politique, libéralisme économique), et tend à les refuser, les percevant comme une émanation de l’impérialisme occidental. Cette division culturelle serait dorénavant, aux yeux du politologue américain, la source principale des conflits dans le monde, spécialement entre les pays musulmans et les Etats-Unis.

Cette théorie a servi de justification idéologique à la «guerre contre le terrorisme» menée par l’administration Bush contre plusieurs pays dont l’Irak et l’Afghanistan suite aux attentats du 11 septembre. Elle s’est accompagnée sur le plan intérieur d’une politique sécuritaire aux USA et dans de nombreux pays occidentaux dont la France.

Si la grande majorité des universitaires et chercheurs considèrent cette thèse comme une caricature à juste raison ; la caricature aura sa propre caricature en la thèse «d’Eurabia».
Car les plus à droite des partisans du «choc des civilisations» et en particulier en France, iront même jusqu’à soutenir la théorie fumeuse complotiste de Bat Ye’or ; «Eurabia».

II) La France des néocons

Il faut rappeler que l’extrême droite a toujours eu un mouvement de valse-hésitation sur ce sujet. Même aux pires moments, l’extrême droite a toujours eu ses «juifs folkloriques». Mais cet élan actuel général de «réconciliation» de l’extrême droite d’avec les juifs restent complètement novateur. Et il nous vient des USA.

Le mouvement néocons en France

Cette émergence doctrinale aux USA coïncide avec un changement apparent de la doxa du Front National en France. En effet, le vieux le Pen, dans le même temps, passe d’un reaganisme assumé (positions néo conservatrices donc) à une défense de l’état providence qu’il avait jusque-là fustigé.

Sa fille gardera le même cap socio-économique.

C’est ainsi que, la nature ayant horreur du vide, que les théories des « Néocons » seront repris par d’autres idéologues en France que le FN.

En France le mouvement néocons, comme tous les mouvements d’extrême droite est profondément décliniste. D’après ses idéologues et particulièrement Marcel Gauchet, sous l’influence de mai 68, la société française s’est débarrassée des traditions préétablies pour devenir une société strictement individualiste dégagée des contingences sociétales. Seules comptent les «droits de l’homme» qui poussent à cet individualisme et un abandon de toute organisation sociétale. D’où une expression chère chez les néocons : «droitsdelhommisme».

«L’abolition de la peine de mort dans les démocraties européennes est la manifestation la plus éclatante de ce renversement du rapport entre l’individu et l’Etat. Mais la dynamique égalitaire et universaliste inhérente à la démocratie ne produit que nivellement et atomisation. Au nom de l’unification de l’humanité, elle finit même par s’attaquer à la Nation elle-même, pourtant le cadre de toute existence politique, le «principe unificateur de nos vies»: la construction européenn, qui ne crée aucune nouvelle «forme politique» de gouvernement, est toute entière tendue vers la l’absolutisation de la garantie des droits individuels.»

«L’Europe des Lumières est selon Milner le «régime de l’illimité»: à l’intérieur, son souci essentiel est la satisfaction sans fin des intérêts de l’individu abstrait; à l’extérieur, son obsession est de favoriser l’expansion sans limites du droit et de la paix. Elle cherche ainsi à étendre son type de société à l’humanité entière. Un obstacle, pourtant, se dresse sur sa route: les porteurs du nom juif, incarnation par excellence du «limité», de la singularité, de la filiation.

Cette Europe-là ne peut souhaiter que la destruction d’Israël, Etat juif à l’heure où règne l’universalisme abstrait; Etat qui incarne, par excellence, la «frontière» à une époque où l’Europe les abolit – en bref un Etat-Nation «à l’ancienne», incarné, charnel. C’est de cette Europe que provient aujourd’hui le danger principal pour les Juifs. Le vieux nationalisme européen, celui qu’a pu incarner un Charles Maurras, reprochait autrefois aux Juifs d’être les agents du cosmopolitisme, errant à la surface de la terre sans patrie ni frontières. Mais aujourd’hui, c’est l’Europe qui incarne cet «illimité», ce cosmopolitisme destructeur des singularités que dénonçait Maurras. Et c’est elle qui menace les Juifs, car ils disposent maintenant d’une patrie. Milner, commente Birnbaum, établit une forme d’équivalence entre Maurrassiens et Juifs. Il semble bien dire qu’il faut désormais choisir Maurras contre Voltaire.»

Nos néocons fustigent les droits de l’homme, le multiculturalisme, le « relativisme » et prennent parti pour la transmission des valeurs et la réhabilitation de l’autorités. Et pour ces idéologues, la bataille commence tout d’abord par l’école. Et on comprend mieux alors la passion des différentes petites officines néocons pour ce qu’ils se passe à l’école. On rappellera pour exemple les opérations de grenouillage de l’IFRAP dans ce marécage. Il faut défendre la démocratie contre elle-même en sauvant ce qui peut l’être: l’Ecole, la Nation, la Culture, voire la Religion, l’histoire par le récit du «roman national». Ne subsiste, en somme, que la hantise de la décadence. Comme les néocons américains ils dédaignent le droit international et se concentrent sur l’existence hypothétique de «valeurs occidentales» dont la spécificité est décrite dans le livre de Huntington et décrite par celui-ci comme un diptyque «judéo grec». D’où leur défense inconditionnelle d’Israël, même (et devrions nous dire surtout) dirigée par un régime néocons lui-même qui ravis leurs penchants idéologiques.

L’écueil essentiel de cette pensée est son échouage complet en matière de description de la réalité. Sur tous les sujets sociaux économiques (comme celui de l’école par exemple) toutes les études montrent un phénomène strictement inverse à ce que décrivent les néocons français. Les inégalités explosent quel que soit le pan de la société observée.

Mais paradoxalement c’est ce qui fait leur succès car au lieu de critiques socio-économiques efficaces et solidement charpentées, ils ont substitué à celle-ci un jugement moral pontifiant difficile à évacuer de l’inconscient collectif qu’il est simple à comprendre. Devant l’effondrement apparent des idéologies et des théories, les néocons français ont apporté du sens au chaos apparent du monde dans lequel nous évoluons. L’évidence devant laquelle «c’était mieux avant» se substitue à toute réflexion ou étude judicieuse. C’est pourquoi on ne voit jamais des Lévy, des Zemmour ou des Finkielkraut parler «études statistiques» ou théorie, mais étaler de façon pontifiante des pseudos évidences qui ne s’appuient sur aucune réalité sociale, économique ou historique. On ne s‘étonnera pas que ce mode de pensée s’adapte particulièrement au système médiatique de «l’infotainment» qui ne cherche pas à éclaircir le spectateur mais du buzz pour le distraire. Tout concourt pour leur succès.

Au vu de ce corpus idéologique désignant le «monde musulman» (comme si celui ci existait et possédait une quelconque homogénéité…) comme « l’empire du mal », on ne s’étonnera guère de la proximité idéologique que les néocons français entretiennent avec la «nouvelle droite» française.

2) L’extrême droite de « l’axe du bien »

Revenons à nos moutons. Cette extrême droite est atteinte d’un étrange tropisme, non seulement la France aurait protégée les juifs, mais MÊME sous Pétain elle a fait du mieux qu’elle pouvait…

Le meilleur exemple en est Eric zemmour, qui reprend inlassablement cette antienne.

Exemple :

« On peut en juger. La fin de la conférence est sur le web. Interpellé par Bernheim, Zemmour y défend une des thèses de son livre: l’influence salvatrice du régime de Vichy –l’État Français, dirigé par le Maréchal Pétain, auquel les Allemands concédèrent une souveraineté théorique après 1940– sur le destin des juifs français. Ce serait grâce à Vichy, son existence même et sa pratique, que les «israelites» français (Zemmour affectionne ce vocabulaire daté) eurent la vie sauve, tandis que les juifs étrangers, majoritairement immigrés de l’Est, les «ashkenazes» (Zemmour use avec une obsession quasi-raciale de ce terme) étaient livrés à la déportation.

Une pratique de realpolitique nationale et cynique, que Zemmour, au fil de ses propos, ne désapprouve en rien. Il admet que les lois raciales de Vichy étaient antisémites: l’abrogation du décret Crémieux, dénationalisant les juifs d’Algérie, ne visait-elle pas sa propre famille! Mais ces lois n’étaient pas exterminationnistes, et, ajoute-t-il, elles pouvaient se comprendre, tant il existait dans le peuple français une rancœur envers les juifs à la veille de la guerre. »

Et d’ajouter :

«À l’époque, on estime que les juifs ont pris trop de pouvoir, qu’ils ont trop de puissance, qu’ils dominent excessivement l’économie, les medias, la culture française comme d’ailleurs en Allemagne et en Europe. Et d’ailleurs c’est en partie vrai (…). Il y avait des Français qui trouvaient que les juifs se comportaient avec une arrogance de colonisateur. Et arrive encore l’immigration des juifs d’Europe de l’est et de l’Allemagne. La France est le pays qui a reçu le plus de réfugiés. Et c’est la France qui a subi le plus de conséquences. Les médecins français se plaignaient que les médecins juifs leur volent leur clientèle. Il y avait des concurrences terribles. il y avait des trafics. Il y avait l’affaire Stavisky. Tout ça n’a pas été inventé par les antisémites. Et les juifs français étaient les premiers à se plaindre des problèmes que causaient les juifs ashkénazes.»

Le même continue dans l’abject avec une réhabilitation de Maurras :

«En censurant ainsi le nom de Maurras, certains voudraient accréditer l’idée que les fameux «États confédérés» (Juifs, protestants, francs-maçons, métèques) gouvernent encore la République qu’ils ne s’y prendraient pas autrement!»

Sauf que tout ceci n’est que propagande qui ne s’appuie sur AUCUNE étude sérieuse, et aucun fait. Bien au contraire les historiens ayant étudié ce problème concluent, avec d’irréfutables faits à l’appui, à l’explication inverse.

 

3) «Le choc des civilisations» / «Eurabia»

Il n’est pas à négliger que les néocons français usent et abusent de ce « modèle » théorique pour infondé et largement démoli qu’il soit.

C’est le cas de Zemmour qui reprend la phraséologie de la théorie grotesque « d’Eurabia » » et « Causeur » en fait carrément la promotion.

Au passage, on notera que « Causeur » fait également la promotion d’ « Ayn Rand » qui se serait levée à l’instar de « Bat Ye’or » contre le « fascisme islamique »… Mais qui est cette personne ?
Une sorte d’héroïne romantique du mouvement néo conservateur, dont l’influence est sans égale aux USA et vient de culminer avec l’élection de Trump.

Comme vous l’imaginez elle n’est donc connue en France que par les néocons français. Comme Causeur.

causeur: Ideologie de bat ye'or et d'Ayn Rand
causeur: Ideologie de bat ye’or et d’Ayn Rand

On écoutera avec intérêt cette émission issu du média « Hors-série » pour mieux comprendre ses thèses et son influence.

On dépasse désormais le « néo conservatisme » pour entrer de plein pied dans l’extrême droite la plus «nature peinture» : bouc émissaire, passé fantasmé, complotisme, nationalisme, militarisme, etc…

C’est le fondement de cette extrême droite pro israélienne que nous décrivons très succinctement dans notre dossier sur les extrêmes droites : farouchement ultra libérales, pro Likoud et extrême droite américaine, atlantiste et interventionniste. Farouchement raciste également…
Et dans cette optique de défendre un «petit empire du bien», à l’instar des « néo cons » américains, nos eurabiens se sont trouvés comme hobbies de refaire l’histoire à leur sauce. D’où les multiples interventions de Zemmour pour réhabiliter Pétain et faire croire à une grande mansuétude du régime pétainiste envers les juifs.

Il manque à cette «France néocons» le messianisme américain, qu’elle ne peut adopter complètement comme sienne. Leur idéologie se combine avec le traditionaliste nationalisme français qui leur enjoint de «réhabiliter» l’histoire de notre pays, quitte à le falsifier.

Et si les néoconservatistes américains sont déjà extrêmement virulents envers les musulmans, avec les français on touche cette fois au délire que l’on ressent depuis plusieurs années dans notre société.

Grâce en soit rendue à Bat Ye’Or…
Le succès qu’a connu cette théorie complotiste dans les milieux de la «nouvelle droite» leur ont fait oublier leurs traditionnels ennemis : homosexuels et féministes pour aujourd’hui en faire des étendards de la lutte contre l’Islam. D’où des positions qui paraissent schizophréniques.
Le naturel revient parfois au galop quand les homosexuels réclament «trop» de droits et qu’un mouvement comme « me too » « impose » « trop de féminisme » à leur gout. Là on les voit se rassembler à nouveau pour mettre le holà.

Et c’est ainsi que dans cette optique de «recontruire un roman national» plus conforme à leurs vues que cette semaine «Causeur» dans la plume de son inénarrable « cheftaine » (dixit) déclare:

« Cela fait près de vingt ans que le ‘nouvel antisémitisme’ s’invite régulièrement dans notre actualité. » « Et parce que, contrairement au BHL de « L’Idéologie française », nous retenons de notre passé que la France a été la première terre de résistance à la haine des juifs et que cela a contribué à faire d’elle ce qu’elle est. De l’émancipation à l’affaire Dreyfus, c’est en France que les juifs ont le plus tôt fait l’expérience de la liberté. Et c’est dans la France Pétainiste et antisémite que des juifs ont survécu en nombre significatif, suffisamment en tous cas pour participer ensuite à la lutte des classes des deux côtés, le parti de la révolution (puis de l’université) pour les uns, celui du capitalisme (par la case Sentier) pour les autres.» Elisabeth Lévy

Nous avons ici un magnifique exemple de détournement de l’histoire pour en faire un « roman national », c’est à dire une fiction. Cet extrait est quadruplement faux.

  • On ne peut pas extraire une question historique de ce qui la précède, ni de ce qui la suit. On ne peut pas extraire un évènement sauf à lui donner un sens propre qu’il n’a pas si on le remet dans son contexte.
  • Or contrairement à ce que radotent le couple fascistoide zemmour/lévy, la France a bien un passé antisémite. C’est indéniable. Et si quelques justes ou quelques personnalités comme Zola marquent l’histoire de leur courage, il ne s’agit malheureusement que de contre exemples à la règle. Règle que nous ne qualifierons pas de «générale» …
  • Et enfin on relèvera le faux grossier concernant la France Pétainiste.
  • Et nous rappellerons au passage que leurs «vérités» sur le «nouvel antisémitisme» ne résistent pas un à un examen approfondi.

 

III) La France antisémite

Nous allons donc décrire des faits historiques montrant le passé antisémite de la France.

Proust

Mais avant toute chose, revenons sur un point assez curieux de la déclaration tonitruante d’E. Lévy. Car il est tout de même fort de café que l’article de Causeur commence par une référence à Proust. Proust lui-même juif d’origine alsacienne… Mais qui eu un comportement pour le moins trouble…en ce qui concerne les juifs justement…

Premier exemple qui n’est pas fortuit puisque il est justement cité : l’affaire Dreyfus. Proust fût un «dreyfusard» de la 1ère heure. Oui certes, MAIS :

Même si sa recherche de vérité passe par une stratégie frauduleuse (sans rapport avec ce qui s’est vraiment passé, la feinte n’a existé que sous la plume de Proust), Picquart n’en demeure pas moins un héros. Autrement dit, Proust, écrivain dreyfusard, s’est servi des armes des antidreyfusards pour atteindre son but romanesque.

Cela annonce le développement ultérieur de l’œuvre de Proust. L’écart entre la vie et l’œuvre d’un écrivain est un des grands thèmes d’À la recherche du temps perdu. Tout au long de son œuvre, Proust n’hésite jamais à souligner ses propres contradictions. Ainsi, juif et dreyfusard, Proust a évoqué le dégoût, mais aussi le plaisir esthétique, que lui procurait la lecture quotidienne du journal antisémite l’Action française de Charles Maurras et de Léon Daudet. Lorsque, dans Jean Santeuil, le narrateur remercie ceux qui ont réveillé les juifs trop disposés à « comprendre » l’antisémitisme et les dreyfusards trop enclins, par masochisme, à « comprendre » le jury qui avait condamné Zola, c’est aussi à lui-même que Proust pense.

Attitude pour le moins ambiguë.

Certains auteurs vont jusqu’à affirmer que Proust avait intégré un sentiment antijuif inhérent et généralisé de l’époque :

Dans un essai au titre pamphlétaire, «Proust antijuif», l’écrivain italien Alessandro Piperno dresse un réquisitoire raffiné contre ce Français à l’écriture «pleine de pièges». Il explore les «contradictions» d’un artiste «guère soucieux de revendiquer ses origines» et qui aurait intériorisé le «préjugé antijuif », tel qu’il fleurissait à la fin du XIXe siècle, avant la catastrophe hitlérienne. Depuis la Révolution, les juifs de France sont pris dans un mouvement d’assimilation républicaine, qui les détache de la tradition judaïque, parfois jusqu’à la honte et à l’effacement. Selon la terminologie moderne, pour s’intégrer, le juif alors doit nier le juif en lui. Sous ses dehors sophistiqués, Piperno fait à Proust, cet «homme cruel», une leçon de morale et un procès en nihilisme. Son crime? Son narrateur ne s’engage jamais et il n’interrompt pas les fadaises antijuives à la Drumont du baron de Charlus. Faudrait-il chercher noise à Proust (Piperno s’en abstient) parce que son narrateur chante, avec un lyrisme barrésien, la «saveur terrienne» de la duchesse de Guermantes – saveur terrienne, qui, elle, ne ment pas, comme on sait?

Ambigüité certes. Mais que l’on peut appréhender sans trop de problème en recontextualisant l’époque.
Mais sur le reste ?
L’histoire et les faits historiques sont bien cruels envers le duo zemmour/lévy et leurs adeptes.

2) Le « roman national »

Selon les tenants de l’extrême droite, la doxa officielle de la « création de la France » date du baptême de Clovis. Cette thèse ne résiste absolument pas un milliardième de seconde à une analyse historique d’un niveau de sixième ; mais pour des raisons idéologiques et inhérentes à la pensée d’extrême droite, les différents mouvements d’extrême droite sont catégoriques sur ce point. Se rappeler de notre dossier sur les extrêmes droites qu’un des points fondamentaux de la caractérisation d’une pensée d’extrême droite commence par un passé idéalisé, fantasmé et « romantique » . d’où un rappel des notions de «pseudohistoire» et de «protochronisme»  qui sont des marqueurs indélébiles de la pensée d’extrême droite !

Et nous allons aujourd’hui faire semblant d’y croire afin de leur faire boire le calice jusqu’à la lie !

Et tout d’abord, il convient de rappeler aux partisans des «RACINES CHRETIENNES DE LA FRANCE » que lorsque les premiers Juifs arrivent dans ce qui est aujourd’hui la France, le christianisme n’existe pas.

 

3) Le Haut Moyen Age

On commence au VIe siècle.

  • En 533 le fils de Clovis promulgue la première expulsion des Juifs du royaume puisqu’ils refusent de se convertir et que condamner les juifs à la mort en cas de mariage mixte ne suffit pas à les convaincre.
  • Lors des conciles d’Elvira (305), de Vannes (465), des trois conciles d’Orléans (533, 538, 541), avec le concile de Clermont (535), l’Église interdit aux Juifs de faire des repas en commun avec des chrétiens, de faire des mariages mixtes et proscrit la célébration du sabbat, le but étant de limiter l’influence du judaïsme sur la population.
  • En 576, suite à un incident entre un chrétien et un juif, la population détruit la synagogue. Population. D’après Fortunat, l’évêque Avit de Clermont exige des 500 Juifs de sa ville qu’ils se convertissent avant d’exiler à Marseille les récalcitrants..
  • En 582, Chilpéric 1er établit un édit ordonnant «à tous les Juifs de Paris d’être baptisés sous peine d’avoir les yeux crevés et de venir présider lui-même à son exécution». Son ancien conseiller juif Priscus est assassiné par un filleul du roi, un juif converti (Récit de Grégoire de Tours – 587). La synagogue d’Orléans est détruite lors d’émeutes et reconstruite aux frais et aux dépens des juifs par l’exécutant de l’autorité royale.
  • En 633, rebelote. Les Juifs de Paris refusent de se convertir. Hop. Expulsion ordonnée par le fameux bon Roi Dagobert.

La fin du Haut Moyen Age connaît heureusement peu de persécutions anti juives.

4) Le Moyen Age central

Le début de cette période connaît également assez peu de persécutions la doctrine officielle de l’église interdisant de telles pratiques. Malgré bien sûr des exceptions :

Mais les choses vont bientôt changer.

  • L’appel à la croisade d’Urbain II, au concile de Clermont Ferrand, en 1095, déclenche des persécutions de la part des paysans envers les communautés juives de France et de Rhénanie, malgré les oppositions et interdictions de l’Église. Les participants de la croisade populaire ne sont pas les seuls impliqués, des barons croisés y prennent également part.

Dans les chroniques juives du Moyen Âge, ces persécutions sont connues sous le nom de Gezerot Tatnou, c’est-à-dire « Décrets de l’année [hébraïque] 856 ».

C’est la première fois que ces persécutions ont une note COMPLOTISTE.

Le moine Raoul Glaber, par exemple, accusera (sans preuves) des juifs qui auraient incité les musulmans à détruire les lieux saints de Jérusalem. Ce n’est pas tout. Une rumeur prétend que Godefroy de Bouillon aurait « juré de ne pas partir en Croisade avant de venger le sang du Christ, de sorte qu’il ne restera pas [de Juifs] en vie derrière lui ». Steven Runciman, Histoire des Croisades, Tallandier, 2006, p. 131. L’empereur Henri IV, avisé de cet engagement par Kalonymos ben Meshoullam, le chef de la communauté juive de Mayence, promulgua une ordonnance interdisant de telles actions. Godefroy affirma par la suite qu’il n’avait jamais eu l’intention de tuer des juifs mais par sûreté, les communautés de Mayence et de Cologne lui envoyèrent une somme de 500 marcs d’argent.

Norman Golb, The Jews in Medieval Normandy : a social and intellectual history, Cambridge, Cambridge University Press, 1986.

 

Sigebert de Gembloux écrit qu’avant de se lancer dans une guerre au nom du Seigneur, il est essentiel que les Juifs se convertissent, et que ceux qui refusent soient privés de leurs biens, massacrés et chassés des villes. Ibid.

Richard de Poitiers a écrit que la persécution juive était répandue en France au début des expéditions vers l’Orient Ibid.

Les premières flambées de violence ont éclaté en France, particulièrement à Rouen en 1096. [Simon Schwarzfuchs, « Norman Golb. Les Juifs de Rouen au Moyen Age », Revue de l’histoire des religions, vol. 204,‎ 1987 ].

. Certains juifs ont fui vers l’est pour leur échapper. [Robert S. Robins et Jerrold M. Post, Political Paranoia: The Psychopolitics of Hatred, Yale College, 1997, p. 168.]

Au plus fort de la suspicion des Chrétiens envers les Juifs, des milliers de croisés français, quand ils arrivent au bord du Rhin, se trouvent à court de provisions. Pour reconstituer leurs stocks de vivres, il se mettent à piller les biens des Juifs, en même temps qu’ils les obligent à se convertir au christianisme.

The Amazing Adventures of the Jewish People, Springfield, Behrman House, Inc., 1984.

On évalue à 5.000 le nombre de juifs massacrés par les foules.

  • Les massacres recommencent en 1146, lors de la deuxième croisade à l’instigation d’un ancien moine cistercien Raoul (ou Rodolphe). Des attaques contre les Juifs, des massacres, des pillages, des apostasies forcées se déroulent à Worms, Mayence, Bacharach et Wurtzbourg, Strasbourg et Aschaffenbourg. À cette époque, les Juifs d’Allemagne ont encore le droit de porter des armes. Rabbi Éphraïm bar Jacob de Bonn rapporte que le château de Wolkenburg, vidé de ses habitants non Juifs et de sa garnison militaire, fut confié à la communauté juive de Cologne, dont la majeure partie put ainsi être sauvée.

Quatre chroniques en hébreu traitent de la première et de la deuxième croisade et de leurs conséquences tragiques pour les communautés juives :

  • les chroniques de Rabbi Salomon bar Siméon,
  • les chroniques de Rabbi Eliézer bar Nathan,
  • l’Anonyme de Mayence,
  • « un livre du souvenir » de Rabbi Éphraïm bar Jacob de Bonn qui porte sur la seconde croisade.

Mais grâce à l’intervention énergique de Bernard de Clairvaux, les persécutions cessent et n’atteignent pas l’ampleur de celles de la première croisade.

Une prière rédigée à l’époque montrera l’ampleur des persécutions :

Prière Av HaRahamim, témoin des persécutions antisémites sous les croisades
Prière Av HaRahamim, témoin des persécutions antisémites sous les croisades

Cette notion de complot dans les persécutions anti judaïques changerons radicalement la nature et l’ampleur de celles-ci par la suite. Au point que certains historiens relient la Shoah avec ce changement idéologique datant de la première Croisade et en particulier les massacres de Rhénanie. Voir:
Medieval Concepts of the Past: Ritual, Memory, Historiography, page 279
Chapter 13, The Rhineland Massacres of Jews in the First Crusade, Memories Medieval and Modern, by David Nirenberg

  • Au XIIe siècle, face à la menace de conversions forcées, des chefs de famille juifs préfèrent tuer leur famille et se suicider. Ces actes de désespoir révulsent les chrétiens qui en ont connaissance. Ils sont peut-être à l’origine d’une rumeur selon laquelle les juifs égorgeraient des enfants chrétiens et utiliseraient leur sang pour la fabrication du pain azyme. Au XIIème siècle commencerons les accusations de « meurtre rituels ». Plusieurs dizaines de Juifs sont envoyés au bûcher à Blois sous cette fausse accusation en 1171.
  • Petite ellipse. Nous sommes en 1182, les caisses royales sont vides comme un cul de chapeau. En plein Shabbat, Philippe Auguste fait arrêter tous les Juifs de Paris, il s’empare de la totalité de leurs biens et leur accorde la liberté contre une forte rançon. L’année suivante, le Roi a besoin d’un peu plus de thune. Les Juifs sont expulsés du Royaume, leurs biens immobiliers sont saisis et revendus aux chrétiens pour remplir les royales caissettes de sonnante et trébuchante monnaie.

Pendant un siècle on observe régulièrement la même sinécure. Les Rois autorisent les Juifs à revenir et une fois qu’ils sont là, on saisit la totalité de leurs biens puis on expulse ! (Et ils reviennent, ces cons.)

  • En avril 1233, le pape Grégoire IX crée et désigne un tribunal d’exception («Inquisitio hereticae pravitatis») ayant pour objet de condamner au sein du royaume de France, «les hérétiques et les catholiques non sincères».
  • En 1236, les croisés ont attaqué les communautés juives d’Anjou et du Poitou et ont essayé de baptiser tous les Juifs, ceux qui ont résisté ont été tués. Environ 3,000 Juifs ont été assassinés.
  • En 1240, les Juifs sont expulsés de Bretagne.
  • Arrive ce bon vieux Saint Louis. En 1242, la couronne française saisit des centaines de Talmud et procède à des autodafés. Huit ans plus tard, Loulou est en croisade et se retrouve prisonnier des méchants musulmans en Égypte. Les Juifs sont accusés, massacrés et expulsés.
  • En 1215, le concile de Latran impose le port de la rouelle qui deviendra obligatoire en France en 1269, à la fin du règne de Louis IX. Ce même 4ème concile va frapper les juifs d’interdiction « d’usure excessive », « d’interdiction de proférer des blasphèmes contre le Sauveur, d’interdiction d’accès aux charges publiques et enfin d’obligation de port d’un habit distinctif ».
    Mais son origine, comme l’avance Ulysse Robert dans son article « La roue des juifs depuis le XIIIe siècle », « paraît être […] française et avoir été en usage dans le diocèse de Paris, au moins dès le commencement du XIIIe siècle »
Edit du roi de France: Louis VII,banissant du royaume les juifs relaps
Edit du roi de France: Louis VII,bannissant du royaume les juifs relaps

L’historien et théologien Guy Bedouelle estime que:

« l’exclusion sociale qui s’ensuit est plus grave peut-être que les hécatombes ponctuelles, les massacres isolés, parce qu’une mentalité de ghetto »

va être imposée aux Juifs d’Occident. Guy Bedouelle, «La chrétienté et la « question juive » (1475-1520)», dans A. Safran, D. Banon, Mgr J.-L. Bruguès… [et al.], Judaïsme, anti-judaïsme et christianisme : colloque de l’Université de Fribourg, 16-20 mars 1998, Éditions Saint-Augustin, 2000, 209 p.

  • A la fin du XIIIe siècle, on rejoue le truc du «je te pille, je t’expulse et je te dis de revenir pour recommencer». On en profite pour faire payer aux Juifs d’innombrables taxes et on leur en fait même payer une pour quitter le royaume quand ils sont expulsés. (C’est à ce moment là qu’apparaissent dans certains royaumes chrétiens une taxe faisant payer aux juifs l’air qu’ils respirent. Si si.)

5) Le «Bas moyen-âge» ou «moyen âge tardif»

  • En juillet 1306, le roi Philippe le Bel expulse les juifs de France, en confisquant au passage leurs biens et possessions. 100 000 Juifs environ sont expulsés et prennent en majorité le chemin de l’Espagne.
  • En 1315, Louis X rappelle les Juifs expulsés de France neuf ans auparavant pour une durée limitée. Les impôts payés par les Juifs sont plus lucratifs pour le trésor royal que la spoliation pure et simple de leurs biens.
  • En 1322, c’est en Languedoc & en Bourgogne qu’à lieu la sixième grande expulsion des Juifs.
  • En 1348, la grande peste. Les juifs sont désignés comme boucs émissaires. Elle provoqua des émeutes antijuives en Provence. La synagogue de Saint-Rémy-de-Provence fut incendiée (elle sera reconstruite hors de la ville en 1352). Des Juifs furent brûlés à Serres, en Dauphiné.
  • Le 14 février 1349, près de deux mille Juifs furent brûlés à Strasbourg, d’autres furent jetés dans la Vienne à Chinon
  • En 1380, assassinats de juifs à Paris et Nantes
  • En 1382, émeutes contre les Juifs
  • En 1394, la couronne française signe une septième expulsion. Un édit d’expulsion définitive. Les Juifs ont 45 jours pour partir, leurs biens sont saisis, ils sont massacrés et leurs bébés sont enlevés pour être convertis.

6) De la Renaissance à la Révolution

Il n’y a alors PLUS UN SEUL Juif en France pendant plus de deux siècles. Ils ne seront de retour qu’au XVIIe avec le rattachement de l’Alsace-Lorraine au Royaume de France.

(Enfin si, pendant cette période il y’a UN Juif en France : le médecin particulier de Marie de Médicis. C’est le seul.)

  • Il y a ensuite deux expulsion supplémentaires. Respectivement signées par Louis XIV puis Louis XV, pour expulser les Juifs de certaines colonies (Louisiane & Antilles).
  • Pour faire simple, à la Révolution Française, il y a deux grandes communautés juives en France :

– Les Juifs d’Alsace-Lorraine, soumis à des impôts énormes et systématiques. Avec des persécutions régulières.

– Les Juifs de Bordeaux / du Pays-Basque. Ils sont considérés comme Chrétiens mais sont bel et bien Juifs. Ils ont été acceptés dans le coin après la Guerre de Cent ans, parce que ça arrangeait bien la Couronne de pouvoir reconstruire la région.

Ce sont des juifs expulsés par la couronne espagnole suite à la reconquista.

7) Les Lumières et la Révolution

Les philosophes des Lumières étaient en général peu favorables aux Juifs, avec quelques exceptions comme Diderot, qui voyait dans le peuple juif un moyen d’ouverture au monde.

Article de Diderot sur les juifs dans l'Encyclopédie
Article de Diderot sur les juifs dans l’Encyclopédie
  • A la veille de la Révolution, environ 40.000 Juifs vivent en France, principalement en Alsace-Lorraine, dans le Bordelais/Pays-Basque.

Dans ce nombre, il y a aussi les Juifs provençaux, qui habitent dans les États Pontificaux. Ce n’est pas vraiment la France mais cela va rapidement le devenir. Avignon, Cavaillon, Carpentras, etc. toutes ces cités abritent de vastes communautés.

Ces communautés sont TRÈS isolées les unes des autres. En Alsace-Lorraine, ce sont des ashkénazes, ils vivent reclus dans leurs villages et n’ont que très peu de contacts avec le monde extérieur, chrétien comme juif.

Dans le Sud-Ouest c’est une autre histoire. Officiellement, les Juifs de cette région sont chrétiens. Ce sont des descendants de Marranes, des Juifs Espagnols/Portugais convertis de force. Ils vivent avec cette double identité. Le samedi c’est synagogue, et le dimanche c’est messe. Bien entendu, tout le monde le sait. Cette double vie est un secret de polichinelle. Mais qu’importe. Ces séfarades sont totalement ouverts sur leur environnement. Ils vivent en mixité, obtiennent de hautes responsabilités municipales, commercent à travers le monde, etc.

Ce n’est pas rien. Rappelons que les Juifs sont, à l’époque, censés être cantonnés à quelques rares métiers, énormément de professions leurs sont interdites. C’est d’ailleurs de là que vient ce mythe du Juif et de l’argent. L’usure étant interdite dans le christianisme, les Juifs sont devenus les seuls banquiers. Bref, vous l’aurez compris : les ashké sont des pecores dans leurs bleds en Alsace et en Provence, et les Sef sont des bourgeois bordelais. EN GROS.

La Révolution arrive bla-bla-bla, on ne va pas vous raconter ce que vous savez déjà. Avec la Révolution, la France «émancipe» les Juifs (et les Protestants aussi, au passage hein !).

L’Assemblée adopte ce fameux:

«Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ ordre public établi par la Loi».

Après plus d’un millénaire de persécutions, les Juifs deviennent des citoyens NORMAUX.

Mais pourquoi. Que cache cette émancipation alors que l’antijudaïsme est encore très présent dans la société française ?

L’Assemblée a de nombreuses fois reporté cette décision, de peur de déchaîner les passions. Mais en 1791, grâce à Clermont-Tonnerre et à l’Abbé Grégoire c’est chose faite. #MazelTov Le Décret a été voté un peu «sous la contrainte» de la logique. Il n’est pas possible de prôner l’égalité en ne l’appliquant pas. Et pourtant, dans la société, cette idée dérange fortement. De plus, les Juifs avaient leurs propres tribunaux, leurs propres écoles, etc, et il était inconcevable pour cette France centralisée de laisser une chose pareille se faire. Du 21 au 24 décembre 1789, la question juive est à nouveau débattue à l’Assemblée. Mirabeau, l’abbé Grégoire, Robespierre, Duport, Barnave et le comte de Clermont-Tonnerre mettent en œuvre toute leur éloquence pour faire décider l’émancipation.

Il y a ces phrases, fortes, prononcées à l’Assemblée :

«Il faut tout refuser aux Juifs comme nation et accorder tout aux Juifs comme individus ; il faut qu’ils ne fassent dans l’État ni un corps politique ni un ordre ; il faut qu’ils soient individuellement citoyens. Mais, me dira-t-on, ils ne veulent pas l’être. Eh bien ! S’ils veulent ne l’être pas, qu’ils le disent, et alors, qu’on les bannisse. Il répugne qu’il y ait dans l’État une société de non-citoyens et une nation dans la nation.»

Assemblée nationale, séance du mercredi 23 décembre 1789, M. le comte de Clermont-Tonerre.

Phrases très révélatrices.

Cette vision assimilationniste dans l’espace public de Clermont-Tonnerre ne doit pas cacher sa tolérance des pratiques juives dans l’espace privé, cette phrase de son discours décisif étant précédée de :

«Quant à leur insociabilité, on l’exagère… Y a-t-il une loi qui m’oblige à manger du lièvre et à en manger avec vous ?».

Les Juifs espagnols, portugais et avignonnais, qui avaient depuis 1787 joui de tous les droits civils comme Français naturalisés, sont déclarés citoyens à part entière par une majorité de 150 voix (28 janvier 1790).

Et là arrêtons nous un instant. Et revenons à nos moutons néocons.
Vous avez bien lu. D’où vient l’émancipation des juifs en France? De la grande Révolution et de son application des fameux « droits de l’homme » tant honnis par nos néocons de « Causeur ». Paradoxal et amusant.

Napoléon, sous le premier Empire rétablira des pratiques vexatoires pour les juifs dont le « Serment More Judaico« . Ces mesures seront progressivement abolies sous la Restauration et la Monarchie de Juillet.

S’ensuit une grande période de prospérité pour les Juifs. Ils sont enfin libres. Libres de s’installer où ils veulent, de pratiquer la profession qu’ils veulent, libre de vivre sans être victime des répressions populaires ou étatiques. De nombreux Juifs en viennent à considérer la France comme la nouvelle Terre-Sainte. D’autres en profitent pour abandonner leur foi et devenir laïcs, plus français que les français. Les Juifs sont majoritairement fiers de ces nouveaux droits et entendent en profiter. On observe alors chez de nombreuses familles Juives une ascension sociale rapide et forte. Les Juifs sont dans leur quasi-totalité lettrés, cultivés et polyglottes, dans une société où la majorité de la population est encore analphabète. Nombre d’entre eux arrivent très haut dans l’échelle sociale, pendant que nombre de Juifs très pauvres arrivent d’Europe de l’Est où ils subissent répressions et massacres.

C’est LÀ qu’est véritablement forgé le mythe contemporain du Juif. Il a de l’ambition, il est puissant, riche, il est présent dans les différentes sphères du pouvoir politico-médiatique. Dans le même temps, des milliers de réfugiés Juifs arrivent…

Bref. C’est sur, le Juif veut grand-remplacer. C’est à ce moment que l’antijudaïsme chrétien mute en antisémitisme. Le Juif n’est plus détesté pour sa foi mais pour sa « race ». (Il convient de préciser que le même phénomène se met en place outre-Rhin hein, ce n’est pas une exclusivité française !)

8) Du XIXème siècle à la seconde guerre mondiale

Arrive la fin du XIXe siècle.

Plusieurs ouvrages donnent un semblant de crédit à des idéologies d’un nouveau genre, totalitaires, racistes et antisémites, en rupture avec les principes démocratiques hérités de la Révolution, qui respectaient les individus dans leur infinie diversité.

  • Le premier d’entre eux, publié en 1853-1855, est l’œuvre du comte français Arthur de Gobineau. Intitulé « Essai sur l’inégalité des races humaines », il professe  que l’humanité serait le produit impur du métissage des races originelles. Cet essai sera exploité à satiété par les leaders racistes et notamment par Hitler.
  • La théorie de la sélection naturelle, exposée par Charles Darwin dans L’Origine des Espèces, en 1859, inspire un «darwinisme social» qui voit dans les luttes civiles, les inégalités sociales et les guerres de conquête rien moins que l’application de la sélection naturelle à l’espèce humaine. Notons bien que ce n’est ni Darwin, ni son oeuvre ni son livre qui théorisent ce « Darwinisme social ». Celui-ci est décrit par Herbert Spencer, philosophe et sociologue anglais. Celui-ci considère la société humaine comme un organisme vivant, à l’instar des extrêmes droites. Mais diverses évolutions dogmatiques le conduiront à se diriger vers le minarchisme. Mais il n’appliquera pas aux « races »ce principe. Il faudra attendre Francis Galton, cousin de Darwin. De son coté; Darwin lui-même luttera avec vigueur à l’application « brutale » de la sélection naturelle au sein des sociétés humaines, publiant en 1871 La Filiation de l’homme et la sélection liée au sexe contre le spencérisme

 

  • 1871. Défaite française contre la Prusse. Nombre de personnes, politiques ou non, accusent « la juiverie » d’avoir corrompu les français/organisé la victoire germanique, etc.

Celle-ci inspire en 1886 au journaliste Édouard Drumont l’ouvrage le plus abject qui soit : «La France juive», essai d’histoire contemporaine. Dans ce volumineux pamphlet, l’auteur oppose pour la première fois la race supérieure des prétendus «Aryens» aux «Sémites» (juifs).

"La France juive" (affiche édition illustrée)
« La France juive » (affiche édition illustrée)

Il n’hésite pas à discerner l’influence juive dans tous les avatars malheureux de l’histoire de France. C’est ainsi qu’il prête à Napoléon 1er une ascendance juive qui expliquerait le désastre dans lequel l’empereur a plongé son pays ! La banque Rothschild, présente à Londres, Paris, Vienne et Francfort, devient pour les nationalistes comme pour certains socialistes le symbole vivant du «juif cosmopolite qui suce le sang des peuples». Drumont lui attribue la responsabilité voulue du krach de 1882 de « l’Union Générale ».

« La France Juive » est, d’après l’historien Michel Winock, la première unification:

«dans une perspective historique — tour à tour sociale, religieuse, politique — [des] trois sources principales des passions antijuives : l’antijudaïsme chrétien, l’anticapitalisme populaire et le racisme moderne» Michel Winock, Nationalisme, antisémitisme et fascisme en France, Seuil, 2004, 416 p. p. 119.

L’ouvrage, qui devient la référence « intellectuelle » de l’antisémitisme jusqu’à la parution des « Protocoles des Sages de Sion », développe un antisémitisme racial (opposition entre « aryens » et « sémites »), économique (selon l’auteur, la finance et le capitalisme sont aux mains des Juifs) et religieux (en référence au peuple déicide).

Dans les années 1890, Édouard Drumont étend son influence à la faveur du scandale de Panama, où sont impliqués plusieurs financiers juifs. Son journal, « La libre parole » (500.000 exemplaires !) attise les querelles autour de l’affaire Dreyfus.

Ce polytechnicien Juif, Capitaine de l’armée française, est accusé d’avoir espionné pour le compte de la Prusse. Il est condamné au bagne à perpétuité. L’affaire déchire le pays, bref, on ne va pas vous la refaire hein.

L'Affaire Dreyfus par Caran dAche: "ils en ont parlé"
L’Affaire Dreyfus par Caran dAche: « ils en ont parlé »

On vous laisse admirer un peu l’état d’esprit de cette «France à la pointe de la résistance contre la haine du Juif».

On a aussi ce genre de chansonnette sympathiques, pour lutter contre la haine du juif. Sur un air qui serait inspiré d’un chant dénommé Le Midi Bouge, tout est rouge, d’origine provençale et datant de 1870, les militants d’Action française ont adapté ce chant, vraisemblablement peu après la création des Camelots du Roi. Ces derniers, bras armé de l’Action française, sont nés le 16 octobre 1908. Ils s’appliqueront à faire connaître ce chant qui est un condensé de leur doctrine. Les paroles auraient été composées par Maurice Pujo:

« La France bouge »

Refrain
Un’ deux ! la France bouge
Elle voit rouge
Un ! deux !
Les Français sont chez eux.

4
Les travailleurs ont faim
Le Juif dit : – Pas de pain.
Mais, à rafales,
Pour sauver nos écus
Voici des balles
Peuple, ne bouge plus !
Refr. : Non, non !
8
Oui, la France aux Français,
A mes loyaux sujets !
Je tiens le glaive
Pour que le travailleur
En paix achève
Son honnête labeur.
Refr.: Un’ I deux !
1
Le Juif ayant tout pris
Tout raflé dans Paris
Dit à la France
Tu n’appartiens qu’à nous
Obéissance
Tout le monde à genoux.
Non, non !
La France bouge.
Non, non !
Assez de trahison.
5
Juif insolent, tais-toi,
Voici venir le Roi,
Et notre race
Court au devant de lui:
Juif, à ta place!
Notre roi nous conduit
Refr. Non, non
9
Notre jeunesse en fleur
Vous a donné son coeur
Roi magnanime !
Menez-la jusqu’aux cieux
De cime en cime
Sur vos pas glorieux.
Refr : Un’ ! deux !
2
Tant pis, dit le rabbin
Je tiens tout dans ma main,
J’ai la police
Et pour violer la loi,
Une justice
De magistrats sans foi
Refr. : Non, non!
6
Assez de Panamas !
Assez de Thalamas !
Toute ta clique
De pédants, de brigands
O République,
Nous la mettrons dedans !
Refr.: Un’ ! deux l
10
Hardi ! France d’abord !
Français, mieux vaut la mort
Que l’esclavage.
Gloire à qui tombera !
Tous à l’ouvrage !
La France renaîtra.
Refr : Un’ ! deux !
3
De brûler vos vaisseaux
Avec vos arsenaux
Le Juif est maître,
Sous les canons prussiens,
Dreyfus le traître
Pousse vos citoyens.
Refr. Non, non !
7
Le roi revient d’exil:
O France, dira-t-il,
Reine du monde,
Te voilà donc aux mains
Du Juif immonde,
Coureur de grands chemins ?
Refr. : Un’ ! deux l
11 (plus lentement)
Demain sur nos tombeaux
Les blés seront plus beaux :
Formons nos lignes !
Nous aurons, cet été.
Du vin aux vignes
Avec la royauté.
au tempsRefr.. Un ! deux I

Les phrases:
« Assez de Panamas !
Assez de Thalamas !  »

Font référence respectivement au « scandale de Panama » et à « l’Affaire Thalamas« .

Nous avons aussi des candidats qui ne se cachent guère de leurs opinions:

Willette candidat antisémite 1889
Willette candidat antisémite 1889

L’antisémitisme devient progressivement une des valeurs de la droite, puis une valeur cardinale de l’extrême droite à la fin de la première guerre mondiale.

Arrive alors le XXe siècle. Avec l’antisémitisme particulièrement virulent qu’on peut lui connaître, notamment à partir de l’entre-deux-guerres et qui conduit à la Shoah.

Pendant toute la troisième république l’antisémitisme flambe en France.

9) Le Pétainisme et la collaboration

Antisémitisme qui conduit la France, son État et sa Police, a rafler des familles entières, a les déchoir de leur nationalité, pour les exterminer. Cette France qui livre aux nazis des milliers d’enfants Juifs alors que l’occupant ne lui demande que les adultes.

L’État français dirigé par Philippe Pétain va hisser l’antisémitisme au rang d’idéologie officielle avec :

  • les lois sur le statut des Juifs;
  • la création du Commissariat général aux questions juives
  • les arrestations et l’internement des juifs dans les camps (de concentration, d’internement ou de transit, selon le vocabulaire de l’époque)
  • saisie des biens juifs et l’aryanisation
  • la déportation vers l’Allemagne.

Il y a en 1940 environ 300 000 Juifs en France, parmi lesquels 150 000 citoyens français et 150 000 étrangers.

Les historiens, Tal Bruttmann, Robert Paxton décrivent une administration qui fit preuve d’un zèle particulier dans l’antisémitisme pendant la période pétainiste.

Entre 75 000 et 90 000 Juifs, dont près de 11 000 enfants, ont été déportés de France de mars 1942 à août 1944, la plupart vers le camp d’Auschwitz.

74 convois au total sont partis en direction des camps de concentration ou d’extermination, le premier de Compiègne le 27 mars 1942 et le dernier de Clermont-Ferrand le 18 août 1944.

Il est vrai qu’en France, moins de juifs ont été déportés que dans d’autres pays d’Europe. Le pourquoi ce fait n’a quasiment pas été étudié malheureusement. Un des rares historiens à l’avoir fait est Jacques Sémelin dont la thèse est résumée ici.

On notera tout de même que Sémelin semble lui aussi tomber dans l’écueil de la légende «Vichy a protégé les juifs», thèse complètement battue en brèche par les découvertes et analyses de Paxton. Les thèses conjuguées des deux historiens laisseraient à penser que cette survie fut du d’bord à des comportements individuels, à la géographie, au maintien de la zone libre quelques années.

Mais à tout prendre ce chiffre est-il si exceptionnel ?
D’après cette étude ce chiffre est tout relatif:

Bilan de la Shoah en Europe
Bilan de la Shoah en Europe

Et certains pays ne déporterons AUCUN juif.

Et dans tous les cas les thèses de zemmour restent fausses comme l’explique Paxton dans cet article.

 

10) De 1945 à nos jours

A la fin de la seconde guerre mondiale, l’antisémitisme est toujours là. Plus silencieux, plus rampant. La honte de ce qui s’est passé durant la Shoah fait taire la France en public, surtout quand on entend instaurer ce mythe d’une France résistante.

Bien qu’après la Seconde Guerre mondiale, il ait été difficile de s’afficher comme antisémite, l’antisémitisme n’a jamais complètement disparu en France, dans les milieux d’extrême droite, ainsi qu’à l’extrême gauche. Ses manifestations les plus connues se sont longtemps situées dans les milieux de l’extrême droite française, notamment dans les écrits d’auteurs et de journalistes comme Henry Coston ou, de manière plus occasionnelle, François Brigneau, ainsi que dans des affaires médiatisées comme l’affaire de Carpentras, ou encore la déclaration négationniste de Jean-Marie Le Pen selon laquelle les chambres à gaz seraient « un point de détail de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale ».

Depuis, l’antisémitisme c’est développé, s’est complexifié, avec deux branches principales qui toutefois se nourrissent à la même source du fantasme d’une domination juive, du Juif fortuné et perfide.

 

CONCLUSION

Comme nous avons pu le constater; les thèses des néocons sur l’antisémitisme en France sont réduites à néant et n’ont aucune valeur. Réécriture de l’histoire, ignorance du contexte, des événements connexes, il est bien évident qu’avec cet article et en particulier pour cette citation, « Causeur » ne fait pas oeuvre encyclopédique, ni même de vulgarisation,  mais bien de propagande digne de la « Pravda ».
Et en particulier lorsque E. Lévy ose écrire:

Le sens commun de Causeur
Le sens commun de Causeur

On tousse. Justement aucune étude ne montre cela, au contraire elles montrent précisément le contraire; mais « au cas où », Causeur se prévaut du « bon sens commun », celui à qui ont peu faire dire tout et surtout n’importe quoi. Celui au nom duquel le théoricien fasciste et raciste Renaud Camus (en compagnie de Finkielkraut, bon ami d’E. Lévy) peut affirmer sans rire:

Récemment un « débat » très controversé à eu lieu sur France Culture sous l’égide de Finkielkraut entre renaud camus, égérie de l’extrême droite et créateur du fumeux (et très raciste) concept de « grand remplacement »; à Hervé Le Bras, démographe et historien. Une fois les fantasmes sans preuves de camus exposés, Le Bras lui a opposé la rigueur de la science et des chiffres qui annihilent le pseudo raisonnement de camus. Peine perdue, voici ce qu’à répondu le très délirant camus face à ces évidences incontestables:

J’aurais tendance à élargir le débat si je puis dire, et à contester la notion de chiffre”.
Je suis en accord très profond avec le philosophe Olivier Rey qui souligne l’incapacité du chiffre à rendre compte du monde”.

“C’est la science elle-même que je remets en cause (…) la science a toujours été du côté du pouvoir”.

LA SUÈDE, NOUVELLE TERRE DE FANTASMES RACISTES POUR LA FACHOSPHÈRE

EXIT les statistiques, les sciences, la méthodologie, voici venu le temps du bon gros sens et du doigt mouillé qui affirme précisément ce que je dis…

Pour la bonne bouche, nous sommes allé voir que mangeaient les lecteurs de « Causeur ». Nous avons donc noté les sujets des unes de toutes les archives de ce média.  Nous les avons regroupé par thèmes afin de voir quels étaient les sujets de prédilection de ce média. Le résultat est assez limpide. Et il donne une bonne idée de la connotation idéologique de celui-ci.

Sujets Nombre de « Unes » consacrées
« Guerre culturelle » 51
« Divers » 17
Islamisme 12
Féminisme, mais pas trop 7
Immigration 6
Ecole/université/Education 5
Macron 3
Laïcité/Islamisme 2
Antisémitisme/Islamisme 1

On y constate immédiatement les « points de fixation » idéologique du néo conservatisme et de la fachosphère en général.

Alors dites-nous Causeur, à quel moment exactement, peut on dire que la France est un exemple et un précurseur concernant la lutte contre la haine des Juifs ?

POUR EN SAVOIR UN PEU PLUS:

  • Qu’est ce que le Néoconservatisme?
  • Histoire des juifs de France (site personnel, très complet et très intéressant)
  • Robert Paxton, « La France de Vichy », 1940 – 1944, Le Seuil, 1974
  • Esther Benbassa, « Histoire des Juifs de France », Paris, Seuil, coll. Points Histoire, 2e éd. revue et mise à jour, 2000.

PS Les auteurs de cet article remercient le Twitteur « Paphydromel »!

 

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