06 juin 2021 | Temps de lecture : 16 minutes

Les fondus du satanisme : Baphomet et le complotisme mystique (1)

Satanique, nique, nique, nique…S’en allait tout simplement.

Comment le complotisme actuel a rendu Baphomet et le satanisme conspiro-compatible?

Une des problématiques du conspirationisme d’extrême droite actuel ou plus globalement de l’extrême droite actuelle, c’est sa dimension religieuse et mystique. Comme nous l’expliquions dans notre dossier sur les extrêmes droite, cette galaxie d’idéologies politiques ont un profond point commun: celle en la croyance d’un « âge d’or » idéal, fantasmatique où la masse du « peuple » serait en osmose avec son dirigeant.

Un complotisme mystique

La société serait alors dans un état idéal d’équilibre voulu par Dieu lui-même:

Une conception exactement contraire aux « philosophes des Lumières ».

Il n’y a que deux moyens de salut : un moyen préventif qui est l’autorité ; et un moyen curatif, l’expiation. L’autorité est la condition du maintien de l’unité. Il faut que la société religieuse et la société civile soient soumises à l’ordre voulu par la providence divine.

Le moyen dans la société religieuse est 1’infaillibilité pontificale et dans la société civile la souveraineté.

Chaque nation possède un caractère, et ce caractère fait son type de gouvernement. L’homme ne saurait constituer un nouveau type de gouvernement par sa libre détermination, il usurpe ainsi le gouvernement voulu par Dieu. La Révolution française ne peut être que « satanique » puisqu’elle entend mettre l’homme à la place de Dieu.

Le caractère national est constitué d’un ensemble de maximes religieuses et politiques qui sont devenues des « dogmes nationaux » et qui forment une « raison nationale ». Le souverain a pour devoir d’en imposer le respect par les prêtres, les hauts fonctionnaires et les magistrats.

Le légitimisme est une vision organiciste de la société, vers la tradition conservée du Moyen Âge. Il est une réponse du « conservatisme social » aux idéaux portés par la Révolution française qui furent fondés sur l’universalisme et l’individualisme. L’organicisme met en avant l’unité du corps social comme organisme formant un tout, et la primauté de la société sur l’individu.

Ils souhaitent la restauration de l’Ancien Régime en France. Ils priment un catholicisme intégriste, l’Eglise reprendrait ainsi sa place au sein de l’Etat. En effet, Napoléon Ier avait en quelque sorte, évincé l’Eglise par une rupture avec le Pape. Pour les légitimismes, la modernité est le facteur de désordre social, c’est pour cela qu’ils veulent le rétablissement des traditions du Moyen Âge.

Le légitimisme est donc une notion politique fondée sur une croyance religieuse intégriste et fondamentaliste.

Cette dimension mystico religieuse implique nécessairement que ceux qui luttent contre cet « ordre naturel idéal » ne soient que des dupes plus ou moins conscientes du diable. C’est ce que l’on retrouve plus ou moins dans les propositions du RN quand il prétend inscrire dans la constitution les « racines chrétiennes de la France » (n’oublions pas que Marion anne perinne le pen est une fervente pratiquante de l’église intégriste de St Nicolas du Chardonnet) ou dans les déclarations de Zemmour quand il prétend que le rétablissement du catholicisme est la meilleure barrière contre « l’islamisation de la société »).  Ce fondamental peut -être plus ou moins « light » selon celui/celle qui l’exprime, mais ici nous nous intéresserons à ceux qui en font carrément la mélasse la plus épaisse.
Nous allons donc nous intéresser à ceux qui ne jurent que par une image faussement mystique fabriquée de toute pièce au moyen-age, puis réinterprétée en une sauce encore plus épaisse au 19ème et plus tard, nous voulons parler de la figure du « Baphomet ». Et oui ce qui est intéressant, c’est que cette figure démoniaque ne provient pas de la Bible, a été crée tardivement et dès sa création, c’est en quelque sorte une « fake news ».

Un message de Satan

1) Baphomet ou la fake news médiévale

La première mention du nom Baphomet semble être une déformation du nom de Mahomet dans une lettre de 1098 d’Anselme II d’Ostrevent de Ribemont (compagnon de Godefroid de Bouillon et porte-étendard du Vermandois) relatant le siège d’Antioche lors de la première croisade :

« Sequenti die aurora apparente, altis vocibus Baphometh invocaverunt ; et nos Deum nostrum in cordibus nostris deprecantes, impetum facientes in eos, de muris civitatis omnes expulimus.»

« Alors que l’aube pointait, ils invoquèrent bruyamment Baphometh ; et nous priâmes silencieusement notre Dieu en nos cœurs, alors nous attaquâmes et ils furent rejetés des murs de la cité. »

En fait, personne ne connait l’origine du mot. Il semble que ce « Baphomet » vienne donc du nom « Mahomet ». Ce nom provient d’une déformation latine des premiers traducteurs du Coran.

En langue française, c’est probablement dans la Chanson de Roland (1080) que le nom « Mahomet » apparaît pour la première fois, sous les formes « Mahumet » ou « Mahum ». Cette œuvre, comme bien d’autres récits chevaleresques, témoigne de l’animosité qui oppose alors croisés et musulmans.

Cette mise en scène du prophète en révèle surtout la profonde méconnaissance, selon John Tolan : « Ces chansons imaginent que Mahomet est l’un des dieux des Sarrasins. Elles imaginent qu’ils adorent des statues de Mahomet, quand d’autres auteurs du XIIe siècle disent, eux, que Mahomet était le faux prophète des Sarrasins. Il y a tout une biographie polémique qui se met en place en Occident. »

C’est donc, dès le départ une profonde incompréhension/confusion qui est à l’origine de la création de cette figure « mystico-diabolique » du Baphomet.

On retrouve à nouveau  en 1195 ce nom de « Baphomet » dans le poème Senhor, per los nostes peccatz du troubadour Gavaudan en pleine période des Croisades, comme l’occitanisation de Mahomet . C’est lors du procès des Templiers en 1307, sous le règne de Philippe IV le Bel que ce nom resurgit et cette fois de façon abondante. Les Templiers, à la chute des États latins d’Orient en 1291 ont été nombreux à s’exiler en France et représentent une force militaire et financière puissante face à un pouvoir royal affaibli par les dettes. Ils ont, entre autres, été accusés d’apostasie, pour avoir en Orient renié le Christ et adoré « Baphomet ». Le nom de l’idole supposément adorée par les Templiers apparaît à la fois dans l’accusation et dans certains aveux obtenus lors des interrogatoires menés par l’Inquisition. Selon Heinrich Finke, on trouve d’ailleurs également la forme Magometus dans les interrogatoires du procès.

Il existe des dizaines et des dizaines d’interprétations étymologiques crées sur ce moment. Plus ou moins fantaisistes: Baphe-métous, baptême de sagesse ; Bios-phos-métis, vie-lumière-sagesse ; Bapho ou Bafo, nom d’un port de Chypre dont le Temple fut très peu de temps le propriétaire ; Abufihamat, corruption de l’expression arabe « le Père de la compréhension », Maphomet « L’Incompris », ou encore de l’arabe Ouba el-Phoumet, « Père de la bouche », etc.

Sauf que l’on sait aujourd’hui que les accusations portées contre les Templiers étaient crées de toute pièce par Philippe le Bel. Et qu’il semble bien que les Templiers n’aient jamais adoré une telle figure satanique.

Selon les termes de Julien Théry, repris par Alain Demurger dans son étude récente,

« Le destin du Temple fut scellé dans une logique qui n’était pas la sienne mais bien celle de la monarchie française, l’histoire de la confrontation entre Philippe le Bel et la papauté, l’histoire des liens privilégiés construits à cette occasion entre Dieu, la France et son « roi très-chrétien ». »

Le déroulement du procès hors du royaume de France démontre clairement la volonté de Philippe IV le Bel à obtenir par tous les moyens la suppression de l’ordre du Temple. Si on s’attarde sur des événements plus proches de nous, il apparaît évident qu’un État possède la capacité de nuire à une organisation ou à un groupe d’individus, s’assurant même une adhésion de la population à la vision du gouvernement. Il semble établi que c’est ce qui s’est produit dans ce cas-ci car il est difficile de prétendre que les templiers soient coupables de ce dont le pouvoir royal les accuse. On peut surtout trouver dans cette affaire la preuve de l’efficacité de la torture sur la résistance morale et physique du commun des mortels. Un lien peut être également établi entre les aveux et la torture lorsque l’on compare les résultats des interrogatoires entre le royaume de France et le royaume d’Angleterre, d’autant plus que les deux pays sont similaires sous bien des aspects à cette époque.

Les charges reprochées aux templiers permettent également d’avoir un sérieux doute sur leur culpabilité, celles-ci étant typiques des accusations d’hérésie souvent employées à cette époque. L’objectif est de jouer sur les craintes profondes de la population, se focalisant sur un individu ou un groupe en particulier, tel que les juifs. Il est aussi à noter qu’aucun templier ne s’est montré prêt à mourir pour les faits qu’on leur reprochaient, contrairement aux hérétiques des xiie – xive siècles. Nombre d’entre eux sont plutôt morts en clamant leur innocence, tels que Jacques de Molay.

Mais ce n’est pas mieux par la suite, car Baphomet va devenir une figure de proue pour le complotisme anti maçonnique du 19ème et au 20ème siècle.

Le chiot satanique

2) Le canular de Taxil

Une cohorte d’écrivaillons anti maçonnique ont utilisé leur plume pour décrire leur soit disant passage au sein de la Franc maçonnerie. Et ils décrivent tous la figure du Baphomet adorée par les maçons du « 29ème dégré »: Serge Abad-Gallardo (apparu dans le documenteur « Hold Up » et proche des sédévacantistes), Cyril Dougados (candidat du parti chrétien-démocrate), Alberto Bárcena Pérez (un universitaire complaisant avec le Franquisme),  Manuel Guerra Gómez par exemple. On ne compte plus les ouvrages sur ce sujet tous écrit par des auteurs ultra réactionnaires proches des sédévacantistes ou d’autres églises intégristes.

Sauf que tous ces plumitifs oublient de chercher quelles sont les premières références sur ce 29ème degré et sur l’apparition de Baphomet au sein de rituels franc maçons. C’est dommage car ils auraient ainsi une idée de la valeur de leurs références.
Il faut remonter en 1885. Connaissez vous l’histoire d’un des plus grand faux du 19ème siècle: le « canular de Taxil?
Voici son histoire détaillée:

En 1873, Léo Taxil fait, de son propre aveu, ses débuts dans la carrière de fumiste, en précisant (plus tard): « Parmi les adages de l’Art culinaire, on trouve cité souvent celui-ci : ‘On devient cuisinier mais on naît rôtisseur’. Il en est de même pour la Fumisterie : on naît Fumiste[2][2]Léo Taxil, 19 avril 1897.».

 

Le problème c’est qu’aujourd’hui les complotistes anti maçonniques refusent de comprendre que ce fût un gigantesque canular destiné à abuser les catholiques, mais aussi quiconque y croirait.

Ce qui permet à de nombreux plumitifs, blogueurs, youtubeurs, de faire leur beurre sur la crédulité du chalant comme Taxil avant eux.

Taxil aujourd’hui

Taxil fini par avouer toute la supercherie et avoir crée de nombreux alias, dont celui de « Bataille » et « Sarah Vaughan », mais l’affaire ne s’arrêta pas là et Taxil fut responsable en grande partie du succès des théories antimaçonniques.
Et comme vous avez pu le constater sur une capture d’écran publiée plus haut on retrouve à nouveau notre Baphomet au cœur du canular de Taxil. C’est celui-ci qui le fera entrer de plein pied dans la légende des complotistes anti maçonnique. C’est aussi là qu’on lui attribue sa forme définitive.
En effet les archives du procès des Templiers sont assez diverses sur ce sujet. C’est Alphonse-Louis Constant, dit Éliphas Lévi,  ecclésiastique français et figure de l’occultisme qui lui donnera sa forme définitive dans un dessin connu datant de 1854.

Le Baphomet d’Eliphas Levi

L’ecclésiastique s’est probablement inspiré de descriptions provenant des Évangiles. En effet, dans le Nouveau Testament, l’Évangile selon Matthieu mentionne à plusieurs reprises une séparation du bien et du mal par un clivage gauche / droite. La gauche symbolisée par des boucs représentant le mal, et la droite incarnée par des brebis s’identifiant au bien, symbole du Christ sous le nom de Fils de l’homme.

  • Nouveau Testament (Matthieu, chapitre 25, versets 32 à 34) : Toutes les nations seront assemblées devant lui. Il séparera les uns d’avec les autres, comme le berger sépare les brebis d’avec les boucs ; et il mettra les brebis à sa droite, et les boucs à sa gauche.
  • Nouveau Testament (Matthieu, chapitre 25, verset 41) : Ensuite il dira à ceux qui seront à sa gauche : Retirez-vous de moi, maudits ; allez dans le feu éternel qui a été préparé pour le diable et pour ses anges. Car j’ai eu faim, et vous ne m’avez pas donné à manger ; j’ai eu soif, et vous ne m’avez pas donné à boire.

C’est cette image que reprendra Léo Taxil pour illustrer ses articles et livres. Et elle devient dès lors indissociable de Baphomet.

3) La fausse lettre de Pike à Mazzini

Indissociable de l’affaire Taxil: « l’affaire Pike ». On trouve aujourd’hui un nombre incalculable d’images associant Albert Pike (et par extension la franc maçonnerie) au culte de Baphomet:

Pour commencer rappelons nous que l’iconographie est crée de toute pièce!
Qu’est ce que cette histoire de lettre? Et bien c’est un grand classique chez les conspirationnistes:

La fausse lettre de Pike à Mazzini

Albert Pike est un grand maître de la franc maçonnerie du 19ème siècle. Taxil le cita dans son canular en prétendant que celui ci communiquait avec Lucifer. Taxil crée de toute pièce un faux document dénommé « Lettre de Pike à Mazzini » qu’il publie dans son ouvrage « Le Diable au 19ème siècle » sous le pseudo de « Docteur Bataille ». Mais n’eut qu’un médiocre succès jusqu’en 1958, quand l’écrivain conspirationniste William Guy Carr publie un livre « des pions sur l’échiquier ». Il reprend la canular de Taxil sur la lettre de Pike et prétend aisni dénoncer une « gigantesque cabale illuminati/sioniste/nazi/communiste. » D’après Carr, la lettre est censée décrire à l’avance trois guerres mondiales visant à instaurer le règne de Lucifer par la mise en place d’un gouvernement mondial. Dans « Des pions sur l’échiquier », William G. Carr affirmait que la lettre se trouve cataloguée au British Museum, or ce qui est vraiment catalogué au British Museum c’est la publication de « Le diable au 19ème siècle », du « docteur Bataille », qui contient la prétendue lettre. Carr prétend que la lettre contiendrais notamment le passage suivant:

The Second World War must be fomented by taking advantage of the differences between the Fascists and the political Zionists. This war must be brought about so that Nazism is destroyed and that the political Zionism be strong enough to institute a sovereign state of Israel in Palestine. During the Second World War, International Communism must become strong enough in order to balance Christendom, which would be then restrained and held in check until the time when we would need it for the final social cataclysm.

« La Deuxième Guerre mondiale devra être fomentée en tirant parti des différences entre les fascistes et les sionistes (en politique). Cette guerre devra être conduite de telle sorte que le nazisme soit détruit et que le sionisme politique devienne suffisamment puissant pour créer un État souverain d’Israël en Palestine. Durant la Seconde Guerre mondiale, le communisme international devra devenir assez puissant pour contrebalancer le christianisme, qui sera alors maîtrisé et tenu en échec aussi longtemps que nous en aurons besoin avant le cataclysme social final. »

Une telle citation ne se trouve nulle part dans la lettre de Pike publiée dans « Le diable au 19ème siècle ». De plus, l’emploi des termes « Fascists » et « Nazism », qui n’existaient pas en 1871 (le congrès de Bâle n’aura lieu qu’en 1897 tandis que le parti politique NSDAP originel de l’appellation « nazi » sera lui créé en 1920) démontre selon les historiens qu’il s’agit d’un faux avec un recul suffisant. Cependant, les tenants de la théorie du complot maintiennent que Pike devait les connaître, puisque ces mouvements, selon eux, auraient été inventés par les illuminati.

C’est un auteur, Terry Melanson (créateur du site « Conspiracy Archive ») qui tirera au clair cet imbroglio, tandis que le British Museum niera avoir jamais eu possession d’une telle lettre (et pour cause).

4) Les soit disant statues de Baphomet

Nous allons prendre deux exemples.

a) Washington, suppôt de Satan

Le premier est une statue de Washington qui affole littéralement les conspirationnistes:

On retrouve cette iconographie des milliers de fois si ce n’est pas des dizaines de milliers de fois. Elle met en perspective la position respective de Baphomet et de G. Washington. Sous entendu: les USA sont une nation crée par les francs maçons, les francs maçons adorent le diable donc les USA sont une nation dirigés par des satanistes… C’est aussi simple que cela.

Cette comparaison est même reprise dans le livre à succès de Dan Brown « le symbole perdu« .

Sauf qu’il y a une très grosse faille dans cette comparaison.
La statue de l’homme d’état américain est connue sous le nom de « Washington Intronisé ». Elle fut terminée en 1840 par le sculpteur Horatio Greenough qui s’est inspiré de la statue de Zeus de Phidias.
Et oui vous avez bien lu…1840. Et c’est là que l’on se rappelle de la date du dessin représentant Baphomet sous sa forme définitive? 1854… 14 ans après. Donc tout d’abord on se souvient que cette forme définitive n’existe pas avant 1854, et que la statue de Washington précède celle ci de 14 ans. Si il y a inspiration , c’est Eliphas Lévi qui s’est inspiré de la statue et pas le contraire. On peut même imaginer qu’Eliphas s’est lui même inspiré de la statue de Phidias.

b) La statue de Baphomet du culte satanique

En 2018, le « Temple Satanique  » érige une statue de de Baphomet devant la Cour Suprême de l’Arkansas. Panique à bord.

Les facéties du Temple Satanique

 

En 2009, la polémique dite du « Monument des Dix Commandements » éclate en Oklahoma. En 2009, le représentant de l’État de l’Oklahoma, Mike Ritze, a parrainé un projet de loi pour l’ installation d’ un monument aux dix commandements dans la capitale. Sa famille a fourni 10 000 $ pour financer le monument, qui a été installé fin 2012 avec le soutien du gouverneur de l’Oklahoma, Mary Fallin . Sa présence sur le terrain du Capitole déclenche un concert de contestation pour protester contre l’empiétement du religieux, la liberté de culte. Les citoyens de l’Oklahoma, Bruce Prescott, James Huff et Cheryl Huff, ont déposé une plainte devant un tribunal d’État pour l’installation du monument religieux des Dix Commandements sur une propriété publique. Le défendeur était la Commission de préservation du Capitole, qui avait autorisé l’action. Même si aucun argent public (fiscal) n’avait été dépensé pour le monument, les plaignants ont fait valoir que l’utilisation d’un terrain public était également une violation de l’article II, section 5 de la Constitution de l’Oklahoma.

Une deuxième action en justice a été déposée par les athées américains en 2013, cette fois devant un tribunal fédéral, alléguant que le monument violait également la clause d’établissement du premier amendement . La poursuite a été rejetée par la Cour fédérale de district pour défaut de qualité pour agir, et Prescott v. Capitol Preservation Commission a été tranchée alors qu’un appel était en instance, rendant probablement l’affaire sans objet. 

Avant la décision Prescott, le Temple satanique basé à New York , citant l’obligation constitutionnelle du gouvernement de ne soutenir aucune religion en particulier, avait annoncé qu’il demanderait une statue à financement privé en l’ honneur de Baphomet sur le terrain du Capitole. Le monument controversé a finalement été retiré du parc du Capitole dans la nuit du 7 octobre 2015. Le Temple satanique a alors retiré sa demande de placer Baphomet sur la propriété publique de l’Oklahoma.
La statue a été exposée sur un camion à plateau garé devant le bâtiment du Capitole de l’État de l’ Arkansas pendant plusieurs heures le 16 août 2018 pour un événement organisé pour protester contre le monument des Dix Commandements sur le terrain du Capitole de l’Arkansas . Après qu’une demande formelle d’installer Baphomet ait été refusée, en violation de la Clause de protection égale , les membres du Temple satanique ont obtenu un statut légal pour contester le monument des Dix Commandements.

Car non, définitivement non, le Temple Satanique ne croit pas au Diable, ni en Dieu d’ailleurs… Il s’agit en fait d’une organisation qui utilise la satire, les stratagèmes théâtraux, l’humour et l’action en justice dans leurs campagnes publiques pour « générer l’attention et inciter les gens à réévaluer leurs peurs et leurs perceptions » et pour « mettre en évidence l’hypocrisie religieuse et l’empiètement sur la liberté religieuse « . La participation de l’organisation aux affaires publiques comprend des actions politiques ainsi que des efforts de lobbying en mettant l’accent sur l’exposition du privilège chrétien lorsqu’il interfère avec la liberté religieuse personnelle. Il considère le mariage comme un sacrement religieux qui devrait être régi sous la protection du premier amendement de la liberté religieuse qui devrait prévaloir sur les lois de l’État.  Parce que le groupe considère l’ inviolabilité du corps comme une doctrine clé, il considère également toutes les restrictions à l’ avortement , y compris les périodes d’attente obligatoires , comme une atteinte aux droits des satanistes de pratiquer leur religion. Le Temple Satanique ne croit pas en un Satan surnaturel ; au lieu de cela, il emploie le Satan littéraire comme métaphore pour promouvoir le scepticisme pragmatique , la réciprocité rationnelle, l’autonomie personnelle et la curiosité.  Satan est ainsi utilisé comme un symbole représentant « l’éternel rebelle » contre l’autorité arbitraire et les normes sociales.
Bref: calmez vous un peu les complotistes intégristes!

5) Le « Baphomet Suisse »

Un des chefs de file des complotistes suisses est « François de Siebenthal« . Le site « Heidi.news » l’a épinglé il y a quelque temps pour son complotisme délirant. Nous l’avions nous même épinglé il y a quelques temps avec les autres groupes de la Fédération:

Bref l’homme est connu. Et pas en bien.
Le 5 octobre 2020, Siebenthal publie une de ses vidéos dont il a le secret. Il est présent devant une statue (nous y reviendrons) qu’il accuse d’être un symbole du satanisme omniprésent. Car selon ce monsieur, le diable est partout, les « pédosatanistes » sont partout et ne font rien qu’à lui mettre des bâtons dans les roues, à lui et à ses petits copains de « Agora TV News » et « Whatabeautifulworld ». Ceux qui vous en parlerons le mieux sont nos cop(ine)ains du « Internet Sociopath Club« . Ils analysent chacune de leurs publications, mouvements, réactions et connaissent tout des covidiots suisses, dont Siebenthal fait partie.
Ayant pris partie aux cotés du « club », nous nous sommes fait repérer nous aussi comme des « pédosatanistes » dans un message complètement délirant. Tout ceci ressemble singulièrement aux escrocs de « wantedpedo », auxquels nous avons eu aussi plusieurs fois affaires.
Dans la même veine que la religion 2.0 QAnon, ces grands délirants dénoncent des complots imaginaires. Ce ne serait pas grave s ceux ci ne prenaient pas dans leurs filets des personnes en souffrance, détruisant par là même les seules chances d’amélioration de situations complexes.
Plus graves ces gens sont extrêmement nocifs pour la cause qu’ils prétendent défendre pour des raisons que nous avions détaillées sur un post facebook, accompagné d’un article:

Un article terrible qui mérite d’être lu (en anglais mais google traduction fait un bon travail).
Cet article a été rédigé par un psychologue qui s’occupe depuis des décennies d’enfants maltraités/abusés/violés. Il y explique que les groupes complotistes style #QAnon ou « WantedPédo » en France sont des groupes qui apportent plus de dommages que de bien.
Tout d’abord parce que contrairement à ce qu’affirment ces groupes les réseaux pédophiles sont extrêmement minoritaires dans la responsabilité de ces crimes. Epstein est l’arbre qui cache la forêt des 90% d’enfants agressés au sein de la famille.
Deuxio ils développent des explications au comportement des pédophiles complètement à l’envers de ce qui est montré par les faits sur le terrain. Enfin, en y mettant de la violence dans leur volonté de répression, ils inhibent certains pédophiles à avouer leurs crimes ou bien à se faire prendre en charge sans qu’ils n’aient encore commis de crimes.
Paradoxalement donc ces groupes FAVORISENT la violence et la pédophilie.
Voilà où nous en sommes en résumé avec ces gens là.
Revenons au sujet qui nous intéresse aujourd’hui et donc à la fameuse vidéo de Siebenthal. Nous avons capturé la vidéo pour la couper et ne garder que ce qui concernait notre sujet du jour. Le reste de la vidéo incite au suicide par ennui profond. Siebenthal y chouine tout le long essayant de démontrer péniblement que le monde entier des « pédosatanistes » empêche le bon peuple de connaitre son travail.
On sait ce que tout ce discours de caliméro vaut. Ces gens ne vivent que par la plainte.
Mais le début est intéressant, Siebenthal tourne autour d’une statue (un peu singulière, reconnaissons le) dans la bonne ville de Vevey. Il prétend trouver là la preuve du « pédosatanisme » ambiant omniprésent de ce monde:

On note que Siebenthal tombe de suite dans l’écueil que nous avons expliqué dans cet article. La statue represente (entre autre) un bouc, DONC il s’agit de Baphomet. Naïveté insondable ou fanatisme délirant. Un peu des deux sans doute. Ce qui est un comble, c’est qu’un citoyens suisse ne soit pas allé chercher ce que représente RÉELLEMENT cette statue. Car cette statue est connue.
Vevey est une petite ville sur le lac Léman qui possède un patrimoine en statues assez important, comportant notamment, pour les plus connues, une statue de de Charlie Chaplin, de Freddy Mercury, d’hippocampes et la fameuse statue qui nous intéresse:

La chevauchée de Bacchus

Certains auront déjà compris en voyant le nom de l’oeuvre: « Première chevauchée de Bacchus ». En fait du délire de Siebenthal, il n’est rien de vrai. Les enfants entourant le dieu Bacchus ne regardent pas le bouc, mais bien le dieu Bacchus lui-même monté sur le bouc. L’auteur est sculpteur animalier connu Edouard-Marcel Sandoz. Le bouc est un animal traditionnellement associé à Bacchus et à diverses divinités de la nature comme Pan. Le bouc lui fut attribué probablement en raison du gout de ces animaux pour les bourgeons de la vigne. Bacchus est aussi très souvent représenté comme cornu, symbole de force et de puissance.
Ce n’est qu’au moyen age tardif que la chrétienté se mit de mélanger le bouc et Satan. Et ce n’est qu’encore plus tard que Eliphas Lévy se mit de mélanger ce noble animal au symbole du Baphomet.
On est donc bien, bien loin d’une représentation satanique.
Aie caramba, Siebenthal, encore raté!

CONCLUSION

Le complotisme d’extrême droite entraîne un « revival » de l’intégrisme chrétien et donc de ces représentations les plus archaïques, dont celles de Baphomet. Bien entendu, ceux ci vont mélanger ces représentations à celle du new age, cher aux complotistes. Ce qui explique cette fascination toute récente pour le Baphomet qui n’est jamais que la création ex nihilo du romantisme politique du 19ème siècle. Le 19ème a exhumé quantité d’histoires réelles pour en faire des mythes et à transformé des mythes en histoire réelles.

C’est ce que nous avions décrit dans notre dossier « Extrême droite ». Michelet a ainsi exhumé le procès des Templiers pour en faire une histoire à sensation, digne de participer du roman national. Et le pendant nationaliste « de gauche » n’est pas plus glorieux, ni sérieux.  A tout le moins, il est indispensable de prendre en compte cette notion de « romantisme » et de New age pour comprendre cette fascisnation toute actuelle des extrêmes droites pour le satanisme en généralet Baphomet en particulier.

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