Les extrêmes droites se déclarent pour la plupart « fondamentalement anti-capitalistes » et toutes se déclarent anti-marxistes. Rares sont celles qui assument leur véritable fond idéologique d’un capitalisme décomplexé. Le #RN lui même se déclare « anti mondialiste ». Disons le on ne sait pas très bien ce que cela veut dire; a priori, ce serait l’équivalent du « capitalisme dans un seul pays »… Cet anti mondialisme à un pays symbole: les USA. Et sur ce sujet, ils font preuve d’un anti américanisme primaire et surtout sans logique. Les USA sont certes un pays impérialiste agressif, mais ils ne sont pas les seuls: pays européens, Chine, Russie, etc… sont de même nature.
Mais dans l’esprit de ces extrêmes droites, les USA paraissent comme le « grand Satan » avec en figure de proue: le dollar. D’où un enthousiasme général quand se profile un événement contraire aux intérêts de cette monnaie, créant par là même une rumeur , des affirmations de nature tout à fait fantasmatique. C’est le cas en ce moment avec l’entrevue du dirigeant chinois Xi Jinping avec son homologue dictatorial Poutine. Il a été question de roubles, de yuan, et d’échanges internationaux.
Il n’en fallait pas plus pour que nos têtes de gondoles fachosphériques s’enflamment.
I) D’une déclaration de Poutine à une rumeur délirante
1) La rencontre Sino russe
Du 20 au 22 mars, Xi Jinping, dirigeant chinois s’est rendu à Moscou pour rencontrer son homologue russe V. Poutine. De multiples entretiens ont eu lieu, ponctuées par des déclarations officielles qui peuvent (doivent?) inquiéter.
L’une d’entre elle a attiré l’attention de la fachosphère mondiale et donc française, et par là même la nôtre. En voici un bref extrait qui en résume le contenu général:
Il s’agit bien évidemment d’une attaque directe contre le dollar et sa suprématie dans les échanges internationaux.
Mais ceci n’est pas nouveau.
Et la collaboration sino russe est ponctuée d’accords de façade et de coups bas en sous main, car chacun à des intérêts et des alliés très concurrents. Nous reviendrons dessus dans la deuxième partie de cet article.
2) Le fantasme
Immédiatement, les hashtags #dedollarisation et #Yuan s’envolent dans les twitts de la fachosphère (graphiques réalisés grâce à l’excellent TalkWalker.)
Les sujets connexes de ces deux hashtags, et les « influenceurs » qui l’utilisent sont prévisibles:
Et si on compare ces deux hashtags, cela devient très clair:
3) Les relais de la rumeur
Nous avons désormais une bonne idée des sujets traités autour de ceux-ci et du type d’influences qui propulsent ces sujets. Nous avons pu en distinguer plusieurs catégories:
- Les comptes classiques de l’extrême droite complotiste (Philippot/Asselineau/E. Gave/C. Galactéros)
- Les comptes rouges bruns (« Anice Lajnef », Bertrand Scholler, Carène Tardy, Pozzo di Borgo)
- Les comptes suprémacistes noirs proches de Kemi Seba/soralosphère qui lient cet événement avec le franc CFA
- Les comptes propulseurs de cryptomonnaies. L’intérêt de ces comptes pour ce sujet est uniquement économique. Ils espèrent , par la peur que ce sujet peut inspirer, attirer des investisseurs potentiels vers ces arnaques pyramidales que sont les cryptomonnaies. Nous ne les traiterons pas plus dans ce sujet.
Les trois premiers types sont généralement hystériquement pro poutine… Ils se sont souvent aventurés sur les sujets de l’antivaxisme et de diverses théories du complot. Ils sont souvent plus ou moins liés, ne serait ce que par des sujets communs. Ils se retwittent régulièrement mutuellement.
En voici des exemples :
Chez les 5èmes couteaux de la fachosphère:
Chez les kémites:
4) Les sous-entendus
Et enfin un compte choisi arbitrairement dont nous avons observé plus attentivement les twittos réagissant à celui-ci, le fameux « Bellechasse »:
Pourquoi ? Tout simplement parce que aucun de ces bons théoriciens aussi spécialistes en économie qu’ils l’ont été en virologie, en physique quantique, en politique intérieure ou en géopolitique n’est foutu d’expliquer pourquoi c’est « inévitable », que c’est « un coup de maître », bref d’expliquer les tenants et aboutissants sur lesquels ils basent leurs analyses à deux roubles. Pire que cela, ils sont dans le sous entendu. On dirait que tout ces raisonnements sont purement intuitifs. Observer ces commentaires va nous permettre donc de dégager des grands sujets qui semblent réjouir ces grands bons à rien, mauvais en tout.
A cet effet, nous avons donc regroupés des exemples de twitts nous semblant appartenir à une seule argumentation:
L’Afrique, le franc CFA
Pour ces spécialistes, le franc CFA va bientôt être remplace par le Yuan. C’est pour eux la fin de la « françaffrique ».
Un monde mutipolaire
Pour ceux ci, c’est la fin du monde unipolaire étasuniens et l’avènement d’un monde multipolaire sous l’égide des BRICS.
Multipolaire2
Ces fins géopoliticiens semblent sentir la fin de l’hégémonie américaine, sujet intimement lié au précédent.
Retour du souverainisme, fin du « mondialisme »
Toujours lié aux deux sujets précédents, cette déclaration de Poutine leur semble être l’avènement du retour des nations et la fin de la « finance apatride » (un vieux fantasme d’extrême droite).
La dédollarisation
Corollaire évident de tels évènements engendrerons des bouleversements financiers/monétaires
Dédollarisation bis
Et par conséquent, comme d’après ces braves gens l’économie est une science solide, la monnaie ne doit pas moins l’être. Et pour cela retourner à l’étalon or. Nous reviendrons un peu plus en détail sur ce fantasme très fascinant à l’extrême droite.
Les poutinolâtres
Pour ceux là, ils ne feront même pas semblant de se fendre d’une pseudo analyse intuitive. juste une prière au dieu Poutine.
II) Faits, analyses
Tous ces braves gens ont donc, de bonne ou de mauvaise foi imaginé un monde meilleur sous l’égide des BRICS.
Et donc de la Chine.
Mauvaise nouvelle. La Russie pratique le crime de guerre, , le totalitarisme est son credo en arrêtant, déportant, tuant les opposants du Kremlin. Les médias y sont sous contrôle. Et la vie quotidienne n’est douce que dans les villes de Moscou et St Petersburg, servant de vitrines aux pro poutine français, ignorant la misère crasse qui règne dans le reste de la Russie.
Mauvaise nouvelle. La Chine fait pareil, déporte, génocide (Ouighours), pratique encore les camps de concentrations pour les opposants, les lao gaï. Sans parler du « crédit social« .
Tout ces braves gens qui semblent idolâtrer la Russie et la Chine se prendraient au minimum 15 années de taule en Russie, ou seraient fusillés en Chine, charge à leur famille de payer les balles; si ils critiquaient là bas le « système »…
Toujours pour ces braves antivax si critiques du pass sanitaire, ils semblent oublier fort opportunément que la Chine pratiquait un apartheid féroce d’isolement sanitaire. Et la Chine, comme la Russie, ont instauré des politiques de vaccination très avancées. Par contre ces mêmes braves gens ont bien gobé la propagande russe à ce sujet.
On peut donc se poser des questions sur la logique de tous ces propagandistes.
Mais allons plus loin.
1) Considérations politico économiques sur la russie et son homologue chinoise
Disons le, le partenariat stratégique sino-russe est réel et prétend porter une vision du monde alternative (et hostile) à celle de l’Occident. De façon plus concrète, la RPC soutient discrètement l’invasion russe en refusant d’adopter des sanctions, en alimentant le complexe militaro-industriel russe et en proposant récemment un plan de paix russo-ukrainien qui met l’accent sur les garanties de sécurité pour la Russie. Certes. Sauf que c’est un peu plus compliqué que cela.
- Imaginons que l’Espagne fasse une telle déclaration. Est ce que quelqu’un imaginerais la suprématie du dollar menacée? Non et on en rirait. Pourtant, le PIB de la Russie, c’est celui de l’Espagne. Et pire, son PIB par habitant est bien inférieur à celui de l’Espagne. Les espagnols étant 3 fois plus riches.
- Les inégalités russes sont galopantes.
En 2020, près de 60 % des richesses nationales étaient détenues par 1 % de la population, contre 22 % en France. - Le rapport de force sino russe est déséquilibré : en 2022, l’économie de la Russie était environ 10 fois plus petite que celle de la Chine, selon les estimations de PIB de la Banque mondiale.
- En matière de population et de PIB, le rapport est structurellement de 1 à 10 en faveur de la RPC.
- Les échanges économiques sino russes sont complètement déséquilibrés: Fourniture d’énergie, de minerais et de matériel de défense côté russe, exportation de machines-outils, de produits pharmaceutiques et de composants électroniques côté chinois. Avec cet accord, la Russie est en train de devenir la pompe à essence de la Chine.
- Chine qui ne compte pas que cette relation de dépendance énergétique dure. Elle développe rapidement une électrification nucléaire et travaille à marche forcée vers la fusion.
- La remilitarisation de l’Arctique par la Russie a pour but de réaffirmer sa maîtrise d’une route maritime où Pékin affirme ses ambitions, brise-glace à l’appui.
- La Chine n’a pas reconnu l’indépendance de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie après la guerre russo-géorgienne de 2008. Pas plus qu’elle n’a pas reconnu l’annexion des quatre provinces ukrainiennes prises par la Russie en septembre 2022… Elle n’a pas non plus voté contre les condamnations de l’ONU envers la Russie (pas plus que l’Inde ou le Brésil, les soit disant partenaires indéfectibles du Kremlin.
- Quant au fameux plan de paix chinois, il est suffisamment flou pour laisser l’ambiguïté sur la reconnaissance ou non de l’absorption du Donbass par la Russie.
- Les « nouvelles routes de la soie » (OBOR puis BRI) lancées en 2013 étaient précisément destinées à secouer et contourner l’hégémonie russe : les investissements et les prêts massifs, la construction d’infrastructures ferroviaires et logistiques ainsi que l’installation d’une base militaire chinoise au Tadjikistan ont suscité des craintes très fortes à Moscou. Le partenaire stratégique chinois cherche en effet délibérément à marginaliser la Russie dans la région.
- La présence agressive chinoise en Afrique n’est pas là que pour contrer l’influence occidentale, mais aussi russe.
- C’est avant tout pour gêner la Chine que la Russie a milité en faveur de l’adhésion de l’Inde à l’Organisation de Coopération de Shanghaï (OCS), en 2016. Pour éviter d’être affaiblie, la Chine a répliqué en demandant l’adhésion de son allié pakistanais en même temps dans l’OCS. Intégrer l’Inde à l’OCS, c’est inviter le grand rival systémique de Pékin au sein d’une structure où la Chine risquait de dominer la Russie.
2) Le fantasme de l’or
Nous l’avons vu plus haut, un fantasme récurrent concernant les discussions sur les monnaies: yuan, dollar, euro, c’est l’adossement sur l’or. C’est récurrent comme le montre ces exemples:
Et cela va parfois très loin comme dans la théorie du complot dite « NESARA/GESARA« . Cela s’étend parfois à d’autres métaux précieux, comme l’argent.
Plus sérieusement en 2011, le Front National préconisait une monnaie internationale avec un étalon polymétallique:
Et très récemment encore, une rumeur a traversé internet sur un soit-disant adossement du rouble à l’or.
Les raisons réelles de cet engouement ne nous sont pas connus et nous n’avons pas trouvé à ce jour d’étude sur ce sujet. On peut supposer que ce fantasme rejoint celui d’une hypothétique stabilité et aussi d’un fantasme de maîtrise de la monnaie en dehors des flux financiers « apatrides ».
3) Pourquoi la fin du dollar est un mirage
Tout d’abord, rappelons le, les théories du complot servent un objectif politique. Le fantasme de la dédollarisation vient servir les idées de fin de la « finance apatride » , mais servent aussi de soutiens à des états (Chine/Russie) dont les fonctionnements correspondent aux désidératas des extrêmes droites. Loin d’une image, apaisée, pacifique et prospère, rappelons de façon pourtant évidente que les nationalismes ce sont des sociétés militaristes, agressives, impérialistes et dont les économies dirigées servent ces buts et uniquement ceux ci. Le bien-être des citoyens n’en fait pas partie!
La Chine et la Russie ont des économies complètement liées à leurs pouvoirs respectifs. Elles servent ces pouvoirs. La Russie qui est soit disant en « économie libre » a arrété de publier ses indicatifs économiques le 24 février 2022 pour cacher son déclin économique. Or l’économie est désormais, pour le meilleur et le pire, internationale. Et cette économie capitaliste fonctionne -plus ou moins- selon certaines règles obéissant à des principes économiques. Et avant tout pour celui ci: le bu du capitalisme est de faire le plus d’argent possible ce qui induit un profit maximum par un investisse le plus minime possible et un rendement le plus important possible.
Et si une dédollarisation progressive est envisageable, celà ne nous semble pas envisageable, ni sur le court, ni sur le moyen terme.
Voilà pourquoi:
- L’utilisation du yuan dans les transactions mondiales est très limitée. Sur la base des chiffres compilés par la Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunications, Bloomberg a noté que: « l’activité du renminbi, comme on l’appelle également, a atteint son deuxième niveau le plus élevé en 2021 ». Toutefois, cela représente une part obstinément modeste de 2,7 % du marché contre 41 % pour le dollar, qui occupe la première place depuis des décennies. L’euro est utilisé dans 36,6 % des transactions mondiales, la livre sterling dans 5,9 % – plus du double de l’utilisation du yuan, bien que le Royaume-Uni soit une économie beaucoup plus petite – et le yen japonais est utilisé autant que le yuan, à 2,6 %.
- Plus important encore, malgré la forte augmentation de l’importance de l’économie chinoise à l’échelle mondiale, l’importance du yuan en tant que monnaie s’est à peine améliorée par rapport à son point haut de 2015, où il a atteint la quatrième place.
- Le yuan est la seule monnaie émise par un leader économique mondial qui dispose de contrôles des capitaux et de prix fixes. En tant que tel, tout détenteur de la monnaie chinoise est confronté à la menace constante d’une dévaluation brutale et à l’impossibilité d’utiliser librement la monnaie dans les paiements. La Chine a fortement dévalué en 2015, en 2020.
- Pire encore, parce que la politique monétaire de la Banque populaire de Chine est encore plus agressive que celle de la Réserve fédérale. L’expansion de la masse monétaire en Chine a été plusieurs fois supérieure à celle des États-Unis pendant deux décennies, avec une demande mondiale de yuan nettement inférieure.
- Le yuan (le renminbi) est actuellement au plus mal face au dollar.
- Même les grandes compagnies pétrolières chinoises privilégient le dollar américain pour les transactions internationales. En examinant l’intérêt ouvert de l’indice des matières premières de Shanghai, appelé indice du petroyuan, l’utilisation du yuan dans les transactions pétrolières mondiales est extrêmement limitée.
- Détail amusant pour les obsédés de l’or, les réserves d’or apparemment importantes de la Chine représentent moins de 0,3 % de sa masse monétaire et ses réserves en dollars américains, sans aucun doute importantes, de 3 350 milliards de dollars, couvrent à peine ses engagements en devises. Le yuan n’est donc pas moins « monnaie de singe » que le dollar!!!
- Si les producteurs de pétrole et de matières premières d’autres pays, en particulier d’Amérique latine, ont accepté la monnaie chinoise dans le passé, c’est en raison des importants engagements de dette qu’ils ont contractés auprès du géant asiatique, et non pour des raisons pratiques d’utilisation de la monnaie de réserve.
- Un yuan trop cher pourrait casser leur croissance à l’instar du yen surévalué pour le Japon, il y a 25 ans.
- Les BRICS ne sont toujours pas un concurrent des économies occidentales. Rappelons que le terme de BRICS a été inventé par Jim O’Neill, un économiste de Goldman Sachs. Un des projets des BRICS était la « Nouvelle Banque de Développement » pour concurrencer la banque mondiale et le FMI. Quel est le résultat de ces initiatives ? Assez médiocre, il faut le reconnaître. Par exemple, la nouvelle banque de développement n’a pratiquement pas déboursé de prêts si bien que l’économiste de Goldman Sachs à l’origine du concept de BRIC a parlé d’un « projet décevant ». Surtout, lorsque Poutine a décidé d’envahir l’Ukraine, la banque a définitivement coupé ses liens avec la Russie. Même bilan pour le fond de réserves qui n’a pas été très utile.
- Cet été la Russie était soit-disant sur le point de développer une nouvelle monnaie de réserve mondiale aux côtés de la Chine et des autres pays des BRICS afin de contester la domination du dollar américain. Il s’agirait d’émettre une nouvelle monnaie basée sur un panier devises des pays membres de ces pays pour diversifier les avoirs de leurs banques centrales. Une sorte de DTS mais cantonnés aux BRICS. Pour rappel, les droits de tirages spéciaux, créés en 1969 par le FMI pour remplacer l’or dans les transactions internationales sont basés sur un panier de devises composé de dollar, d’euro, de livre, de yen et du yuan. En fait, il est assez peu probable qu’un tel projet se concrétise. En effet, pour lancer cette monnaie, il faudrait que le Brésil, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud approfondissent leur coopération avec la Russie. Or, même si ces pays n’ont pas soutenu activement l’invasion de l’Ukraine, ils se sont légèrement éloignés de la Russie, dans une difficile position d’équilibriste. Comme on l’a dit précédemment, même la banque de développement des BRICS a coupé les ponts avec la Russie… De plus, une telle monnaie conduirait naturellement à une domination du yuan dans le panier de devises puisque la Chine est indiscutablement le pays le plus puissant du groupe. Or, l’Inde et la Chine ne sont pas vraiment alliés et le premier n’accepterait pas de voir les entrées et les sorties de capitaux dans la roupie, être déterminées par la Banque centrale chinoise. En effet, alors que l’Inde risque de supplanter démographiquement la Chine, les tensions militaires s’intensifient ces dernières années dans la région du Ladakh. Modi a également interdit de nombreuses sociétés technologiques chinoises. Il est donc peu probable que les deux géants, futurs rivaux pour devenir le concurrent numéro 1 des Etats-Unis décident de partager une monnaie commune, liant ainsi leur destin financier. Bref, la probabilité de voir une monnaie « BRICS » dans les années à venir est très faible. N’écoutez pas les trolls russes qui sévissent par centaines sur Twitter pour nous faire croire que la Russie a réussi à rallier d’autres puissances dans sa croisade contre l’OTAN.
- Les marchés financiers chinois sont à mille lieues d’avoir la largeur, la profondeur et l’ouverture de leurs homologues européens et a fortiori américains, avec en particulier le marché de la dette souveraine chinoise qui n’a encore que très peu de profondeur en comparaison de son homologue américain.
- Les autorités publiques chinoises n’ont jamais prétendu avoir pour velléité de remplacer le dollar en tant que monnaie de réserve mondiale.
CONCLUSION
Depuis longtemps, la domination du dollar agace bien du monde. Les sanctions créent une opportunité politique, mais elle se heurte à la logique économique. Pour jouer un rôle international, une monnaie doit s’appuyer sur des marchés financiers très larges et efficaces. «Efficace» signifie une base légale stable garantie par des tribunaux impartiaux. Or cette efficacité est en contradiction directe avec l’orientation récente des autorités chinoises, bien décidées à contrôler le secteur privé, en particulier la finance et les nouveaux riches, qui pourraient se rêver en oligarques. La reprise en main est spectaculaire. Une phrase du président Xi Jinping peut tout changer en quelques minutes. De plus, si les droits des investisseurs étrangers se sont un peu améliorés, les différences de traitement restent palpables, y compris devant les tribunaux.
Les extrêmes droites sont parmi les plus enthousiastes d’un éventuel changement de monnaie de référence, mais paradoxalement -tout du moins de façon seulement apparente- ce sont leurs conceptions politico économiques, très compatibles avec le Kremlin ou la Chine qui JUSTEMENT empêchent ce changement. Le capitalisme mondial n’a pas pour intention immédiate et apparente de se convertir à leurs vues…
La Chine n’est toujours pas prête à embrasser pleinement l’ouverture des capitaux. Le PCC craint trop de voir le yuan s’envoler ce qui dégraderait la compétitivité prix des exportations chinoises. Or, tant que la Chine n’acceptera pas de renoncer au contrôle de son taux de changes, les pays exportateurs de pétrole resteront hésitants à investir dans des actifs libellés en yuan. En effet, accepter la monnaie chinoise serait surtout utile pour investir en Chine.
En fait le yuan présente tous les éléments négatifs des monnaies fiduciaires – impression massive, absence de soutien réel, incitation de la banque centrale à éroder le pouvoir d’achat – et aucun des avantages du dollar, de l’euro et de la livre – libre fluctuation des prix, sécurité juridique et des investisseurs, et système financier ouvert.
Contrairement aux croyances de la fachosphère, ce n’est donc pas demain que le dollar sera détrôné. Et ce n’est pas les déclarations du Tartarin du Kremlin qui y changerons quelques choses à part dans les croyances des laudateurs français.