31 mars 2023 | Temps de lecture : 5 minutes

La tournée des popotes de Gérard Fauré

Gérard Fauré est désormais un nom bien connu. Le Dealer des stars a le sens de la formule, un franc parler et une gouaille uniques. Mais c’est aussi un personnage ambigu dont le parcours, encore aujourd’hui, révèle des accointances très à droite. La dérive complotiste du personnage laisse dubitative. Croit-il vraiment aux reptiliens? Qu’est ce qui est vrai, qu’est ce qui est faux ?

Nous n’allons pas tenter de debunker chaque affirmation du personnage. En revanche, nous allons plutôt nous attarder sur le paysage autour de lui, quelles tribunes il trouve pour diffuser ses messages.

montage gérard fauré debunkers
La tournée des popotes

Gérard Fauré, figure de tous les milieux

Dealer des stars

Nous n’allons pas nous attarder sur la biographie de Gérard Fauré. D’abord parce qu’il en parle tout le temps, il en a même fait des livres. Ensuite il est plus ou moins la seule source. Surtout, dans cette vie bien remplie, on ne saurait trop quoi garder, ni ce en quoi on peut croire. On ne va pas vous cacher que nous recommandons de prendre quelques précautions avec tout ce qu’il dit, et particulièrement après ses affirmations sur l’adrénochrome.

Néanmoins, on sait que Gérard Fauré a grandit au Maroc, qu’il a eu une vie de gangster, qu’il a été le dealer du tout Paris et qu’il a passé un moment en prison. On s’attardera deux secondes sur une chose qu’il revendique régulièrement : sa participation au SAC, le Service d’Action Civique.

Le SAC est ce qu’on peut appeler une milice barbouzarde, issue du service d’ordre du RPF, le parti de de Gaulle. Active de 1960 à 1981, on leur attribue la tuerie d’Auriol et de multiples violences. Le SAC est connu pour ses actions de briseurs de grève, avec parfois des morts à la clé. On leur doit également la création de l’UNI, principal syndicat universitaire.

Fauré raconte avoir participé à des braquages pour le compte du SAC et avoir fréquenté Charles Pasqua (vice-président du SAC). On ne va pas se mentir, en terme de culture de droite, ça se pose là.

Un complotiste télégénique

Gérard Fauré est très apprécié par les médias, il lâche des anecdotes croustillantes. Et dans la foulée, tous les présentateurs font mine de regretter de l’avoir invité. En 2018, au lendemain d’une émission où il présentait son premier livre, le magazine GQ se demandait s’il fallait continuer de l’inviter.

Les années passent, et celui qui avait eu les honneurs d’un portrait dans Libé est désormais abonné à la presse people et de divertissement. Voyons ensemble ses principaux passages tv :

  • Le 8 novembre 2018, dans C’est que de la tv (produit par Hanouna) présenté par Valérie Benaïm
  • Le 15 novembre 2018, il est l’invité des Grandes Gueules.
  • Le 30 novembre 2018 dans Balance ton post, il se prend le bec avec Hapsatou Sy.
  • Le 31 mai 2021, dans Touche pas à mon poste, il vient faire la promo de son second bouquin
  • Le 9 mars 2023, toujours dans Touche pas à mon poste, il est invité à venir s’expliquer sur les bruits qu’il fait courir sur la consommation supposée de Baba. C’est à cette occasion qu’il s’illustre sur l’adrénochrome, repris en  choeur par Myriam Palomba.

Chacun de ses passages TV correspond à la sortie d’un de ses livres. Nous avons donc affaire à un écrivain en promotion qui fait la tournée des plateaux qui veulent bien l’accueillir. Car finalement, c’est lui qui est demandeur de cette visibilité.

Une appétence pour les canaux d’extrême droite

Entre temps, il ne se fait pas prier pour aller faire sa promo sur des canaux de réinformation. Il y livre les mêmes récits à base de révélations croustillantes sur les vices du showbiz et évidemment de la classe politique. Mais chut ! On ne peut pas trop en parler …

Comment ça? Palmade est cocaïnomane ?

Le problème de Fauré, c’est qu’il est rangé des voitures depuis une paire d’années. Il a publié son premier livre un an après sa libération, et répète partout en avoir fini avec le milieu. Sauf que son récit repose sur les révélations qu’il a à faire, et qu’il n’a plus grand chose de neuf à raconter. Avec l’affaire Palmade, il s’improvise expert et en remet une couche sur tout ce qui avait été dit dans un climat d’overdose médiatique. Palmade cocaïnomane ? C’est tout sauf un secret. Alors va pour l’adrénochrome, et nous voici avec une séquence télégénique qui fait le buzz.

L’ex-dealer peut répéter à l’envie que ses propos n’engagent que lui, ils sont surtout une signature. À l’image de l’encre invisible projetée sur les billets de banque pendant un braquage, la théorie de l’adrénochrome ancre le personnage dans un environnement, avec des références précises.

Aparté sur les politiques et la cocaïne

C’est un serpent de mer, tous les hommes de pouvoir se roulent dans la schnouf. Politiques, vedettes, journalistes, intellectuels, les mœurs de l’élite désignée sont remises en question : tous toxicomanes et pédophiles. Comme si il était nécessaire d’en atteindre à la moralité d’une personne pour pouvoir s’y opposer légitimement. Une manière de dépolitiser les questions politiques.

Macron « le poudré »

Emmanuel Macron concentre aujourd’hui toutes les colères. Nombre d’attaques à son encontre relèvent de ses mœurs supposées : la transidentité de Brigitte Macron, son homosexualité, sa consommation de cocaïne. Les rumeurs se répandent comme une traînée de poudre et laissent a minima un doute. Après tout il n’y a pas de fumée sans feu. D’ailleurs, le saviez-vous, l’ambassade de Colombie est voisine de l’Élysée.

Laurent Fabius lui avait trouvé un surnom : le petit marquis poudré. Bien sûr, ce sobriquet ne faisait pas référence à une prétendue toxicomanie, mais plutôt à son égo.

Évidemment, après quelques années de rumeurs, il ne reste que « le poudré ». Comme vous pouvez le voir ci-dessus, nous avons trouvé plusieurs occurrences en l’espace de quelques minutes, des comptes complotistes ou d’extrême droite.

En ce qui nous concerne, nous avons largement de quoi combattre Emmanuel Macron sur le terrain politique, il n’est pas avare en réformes et en provocations.

Même rumeurs pour Sarkozy

Ses tics l’avait trahit ! Hé oui que voulez-vous, on ne trompe pas un regard averti. Les addictologues auto-proclamés étaient déjà formels, Nicolas Sarkozy consomme de la cocaïne. De toute façon, comment feraient les présidents pour tenir sans ça ? Nicolas Bedos avait déjà savonné la planche en le qualifiant de VRP cocaïné.

Il faut reconnaître que l’ancien président de droite n’était pas aidé, son fils Louis milite pour la dépénalisation de toutes les drogues.

Notez d’ailleurs que Gérard Fauré a également incriminé Jacques Chirac à l’époque où il était maire de Paris.

L’angle mort

Pour autant, la toxicomanie n’est évidemment pas absente de ces milieux. Les politiques ont d’ailleurs été jeunes (enfin, on le suppose), et chaque campagne est l’occasion de s’adonner au jeu passionnant de leur rapport avec les stups.

Le problème de toutes ces drogues, c’est qu’avec le temps et une consommation importante, elles ont des conséquences. Et les puissants ne sont pas épargnés. C’est l’histoire de Laurent Birgogne, un proche de Macron ou encore la sœur de Manuel Valls. Mais ce n’est pas très intéressant pour ceux qui répandent des rumeurs.

Conclusion

L’ancien dealer Gérard Fauré est donc devenu un bon client des plateaux tv. Il surfe sur les rumeurs des puissants avec leurs vices, et ça marche ! C’est l’occasion de faire parler de lui et de vendre ses livres. Son passé et sa gouaille lui donnent une aura unique qui font de lui un expert autoproclamé d’un sujet où tout le monde est déjà persuadé qu’on nous cache des choses.

Alors forcément, c’est le grand cirque de l’entertainment, Hanouna l’invite pour le confronter et ça fait du spectacle, donc de l’audience. Seulement, Gérard Fauré est également largement imbibé de théories complotistes, ce qui fait déjà le bonheur des chaînes youtube de réinformation. Chaînes qui bénéficient de la visibilité donnée par Baba qui ne voit jamais malice à inviter l’extrême droite sur ses plateaux. Dans cette histoire, tout le monde est gagnant… sauf nous.

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