02 août 2020 | Temps de lecture : 7 minutes

Tactiques de Trump autour d’une fraude massive du vote par correspondance

Mais heureusement, il y a une explication.

Vous êtes sans doute au courant que Trump se bat bec et ongles (en apparence) contre le vote par correspondance, il affirme régulièrement sur twitter que le vote par correspondance engendrerait de la fraude massive.


C’est du plus pur « style Trump » qui utilise des superlatifs à foison: « la plus grande », « la plus importante », etc… Dès que ca concerne sa personne, c’est -forcément- ce qu’il y a de plus important au monde et de plus « énaurrrrmmmeeee ». Mais il ne s’arrête pas là, bien évidemment, il donne des raisons… Les démocrates utiliseraient le covid (pourquoi, comment, mystère):

Le covid, arme des démocrates?

Il va même jusqu’à affirmer que « des états étrangers » pourraient imprimer des bulletins de vote frauduleux et que si ce type de vote n’est pas interdit, cela conduirait à la « plus grande fraude électorale du pays »:

L’ennemi de l’extérieur

C’est assez malin, il retourne ainsi l’accusation d’ingérence de la Russie dans l’élection de 2016 qui lui colle à la peau et dont il n’est jamais sorti d’affaire.
Il en est même arrivé le 30 juillet à suggérer pour éviter cette soit disant « fraude », à retarder la date des élections:

Retarder l’élection?

Or c’est impossible. Même la guerre de sécession ou les deux guerres mondiales n’ont été le prétexte à un tel report. 

Problème, cette campagne sur le vote par correspondance ne s’appuie sur aucun fait. Au point que Twitter a du signaler que les assertions Trumpesque étaient fausses, et l’agent Orange, de colère, a menacé alors de faire « fermer les réseaux sociaux » (une rodomontade de plus qui n’engage à rien).

Tout d’abord, parce que les faits montrent qu’avec ce type de vote les fraudes électorales sont très rares. Et que lorsqu’elles sont massives, elles sont détectées. Un panel que Trump a chargé d’enquêter sur la corruption dans le vote par correspondance n’a trouvé aucune preuve réelle de fraude avant de le dissoudre en 2018.

Cinq États, dont le bastion républicain de l’Utah, mènent désormais toutes les élections presque entièrement par courrier. Ils signalent très peu de fraude. L’État fait partie des six États avec le pourcentage le plus élevé de votes par correspondance lors des dernières élections de 2018, qui avaient tous des superviseurs électoraux républicains à l’époque, selon David J.Becker, directeur du Center for Election Innovation et Recherche.

Le Colorado, qui compte 3,5 millions d’électeurs inscrits, est un État de vote par correspondance depuis 2014.

«Il y a très peu de preuves qu’il y a plus qu’une poignée de cas frauduleux (vote par correspondance) à travers le pays au cours d’un cycle électoral donné», a déclaré Judd Choate, directeur des élections au département d’État du Colorado.

On peut arguer que Trump lui-même et ses proches utilisent le vote par correspondance…
Interrogé lui-même sur cette pratique en 2018 et 2020, Trump a carrément botté en touche en expliquant que pour lui, ca ne le dérangeait pas, et que lui était « autorisé à le faire ». On rêve.

 

Mais ce n’est pas tout.
Trois ans après avoir quitté la résidence du gouverneur de l’Indiana, Pence le mentionne toujours comme sa résidence officielle et joue les « absents » en conséquence. La secrétaire à l’Éducation, Betsy DeVos, a le droit de vote au long terme par correspondance dans son État d’origine du Michigan.

Brad Parscale, ancien directeur de campagne de Trump, a voté par procuration au Texas en 2018 et n’a pas voté aux élections générales deux ans plus tôt lorsque le nom de Trump était sur le bulletin de vote.

Deux autres hauts responsables de la campagne Trump – l’ancien directeur des opérations Michael Glassner et le nouveau directeur adjoint de la campagne Bill Stepien – ont voté à plusieurs reprises par courrier dans le New Jersey. Dans le New Jersey, où Glassner a voté quatre fois par procuration depuis 2016. Cela comprend un bulletin de vote électoral qui a été rejeté par les fonctionnaires électoraux en 2019. Stepien a voté sept fois par la poste depuis 2006, selon les archives. Nick Ayers, un conseiller de campagne senior qui était auparavant chef de cabinet de Pence, a voté par courrier en Géorgie depuis 2014. La secrétaire de presse de la Maison Blanche, Kayleigh McEnany, a une longue histoire de vote par correspondance, qui a été détaillée dans des articles récents. Et le procureur général William Barr, qui a également exprimé sa préoccupation au sujet de cette pratique, a voté par procuration en Virginie en 2012 et 2019, avait précédemment rapporté le Washington Post. DeVos, le secrétaire à l’éducation, a voté par procuration  lors de toutes les élections sauf trois au Michigan au cours de la dernière décennie. Alex Azar, le secrétaire à la Santé et aux Services sociaux, a également voté par procuration en 2018 et Wilbur Ross, le secrétaire au commerce, a voté par procuration  15 fois au cours des 15 dernières. ans, selon le fichier électoral de la Floride. M. Ross, comme M. Trump, a voté par procuration  pour la primaire de Floride le mois dernier.

Et, pendant ce temps là, suprême paradoxe, le site de Trump 2020 envoie des mails rappelant de ne pas oublier la possibilité du vote par correspondance en Pennsylvanie:

Les paradoxes de Trump

Alors pourquoi une telle mobilisation?
Il y a plusieurs raisons.

  • Tout d’abord, Trump redoute que des gens qui ne votent pas habituellement se mobilisent contre lui. Il l’avoue même dans un twitt d’avril:
Les vraies raisons

Environ 17 États sont considérés cette année comme étant des États aux scrutins très serrés, qui peuvent basculer d’un camp vers l’autre sur quelques centaine de voix. La famille de Georges Floyd puis l’ancien président Barack Obama et une partie du mouvement « Black lives matter » se sont mobilisés pour que les gens aillent voter notamment par correspondance. Le vote par correspondance  serait pour beaucoup de quartiers noirs durement frappés par le covid l’occasion de voter.

Les citoyens aux Etats-Unis votent très peu. Les élections ont lieu le mardi en semaine lorsque les gens travaillent. Les jeunes sont très remontés contre Donald Trump. Le parti démocrate espère que les jeunes iront voter par correspondance. Et il milite dans ce sens. Donald Trump ne recueille que 8% chez les jeunes. Les moins de 40 ans votent historiquement en grande majorité démocrate, mais se déplacent moins aux urnes. Avec l’option de simplement voter depuis chez soi, cet électorat-clé pourrait très facilement participer davantage que d’habitude. En 2016, les chiffres de l’abstention avaient été un record. Les chiffres chez les minorités lui sont également très défavorables. Seulement 24% des électeurs latinos ont voté pour lui en 2016. Ces jeunes et les électeurs issus des minorités ne votent pas.  En 2016, les afro américains avaient moins voté que par le passé pour les démocrates.
Donald Trump connaît cette sociologie politique, Et Donald Trump espère pouvoir les éloigner de leur devoir civique . C’est ce qui explique ses attaques contre le vote par correspondance. Trump peut lui compter sur le vote des personnes âgées. Et les personnes âgées sont bien plus mobilisées électoralement que les jeunes.

Si les jeunes et les minorités votent enfin Trump sera balayé. Il veut à tout prix éviter un cataclysme électoral. Donald Trump brandit donc le risque de fraude avec le vote par correspondance.

« Je voudrais promettre et promettre à tous mes électeurs et partisans et à tout le peuple des États-Unis d’accepter totalement les résultats de cette grande et historique élection présidentielle, si je gagne »

Dès 2016, il parlait « d’élections truquées » et se préparait donc à des actions de contestation tous azimut. Comme aujourd’hui. La menace est tellement grande que Biden lui-même a exprimé des craintes à ce sujet. Certains analystes pensent que le discours de Trump est déjà un discours de défaite.

En conclusion, on le voit un discours tout à fait officiel peut cacher des intentions et être parfaitement mensonger sur les raisons qu’il avance. C’est commun chez les politiques, ça l’est beaucoup plus encore à l’extrême droite et c’est donc systématique chez Trump. Nous n’avons pas fini de devoir analyser les tactiques appuyées du candidat Trump comme des mensonges dissimulés…

Il n’y a donc pas de vote massivement truqué, de fraude institutionnelle comme le prétend Donald Trump.

To top