24 mars 2024 | Temps de lecture : 31 minutes

Négationnisme : La vieille taupe, Chomsky et l’esprit critique

Négationnisme (2)

Après avoir passé en revue le négationnisme de Faurisson dans la première partie, il est nécessaire de traiter le virage des années 90. Nous avions terminé sur l’héritage de Robert Faurisson et sa méthode hypercritique avec les pérégrinations de Vincent Reynouard.

Dans cette seconde partie, nous verrons l’autre face de la même pièce, avec La vieille taupe, cette librairie de gauche qui s’est reconvertie en maison d’édition négationniste, celle là même qui fit la relation entre Faurisson et Chomsky.

Nous nous attarderons justement sur le rôle de Noam Chomsky, ce qu’il a vraiment écrit et en quoi c’est un nouveau type de réponse, faisant un liant entre négationnisme et anti-impérialisme. C’est un moment fondamental qui va également avoir des répercussions sur le monde intellectuel. Nous verrons finalement comment ce mode de pensée a profondément influencé le monde de l’esprit critique francophone.

Préalable :

La solution finale est documentée et fait l’objet d’un consensus des historiens. Son existence ne fait pas débat.

À propos de l’anti-impérialisme et de l’anti-colonialisme :

Les décennies 50/60 sont marquées en France par deux guerres coloniales, l’Indochine et l’Algérie. Une partie de la gauche se dressera contre la colonisation. Il est important d’avoir en tête que nous n’associons à aucun moment luttes anti-coloniales et négationnisme. Pierre Vidal-Naquet et Pierre Guillaume se sont opposés à la guerre en Algérie.

Ces mêmes personnes seront engagées contre la guerre du Vietnam dans les années 60, tout comme Noam Chomsky. Si ces intellectuels se sont déchirés, c’est pour d’autres raisons, que nous allons voir maintenant.

Il semble important de préciser que nous appartenons à un courant intellectuel qui intègre l’anti-impérialisme. Pour certaines personnes, l’URSS n’a jamais été une puissance impérialiste, et le seul bloc menant une politique impérialiste, c’est l’occident. Nous ne nous retrouvons pas dans le campisme, cette façon de prendre le parti d’un camp impérialiste au nom de l’anti-impérialisme. La logique de deux blocs impérialistes n’est plus vraiment valable, le monde est depuis la chute du mur de Berlin largement multipolaire. C’est l’idée même d’impérialisme que nous combattons, pas un parmi d’autres.

La vieille taupe

Histoire de la vieille taupe

Dans l’effervescence des années 60, Pierre Guillaume ouvre une librairie dans le quartier de la Sorbonne, La vieille taupe. Le nom est issu d’une référence marxiste, la vieille taupe, c’est la révolution, ou plutôt le travail dans l’ombre de préparation à la Révolution. À ses débuts, c’est à la fois une librairie et un cercle de discussion qui regroupe des militants de la gauche intellectuelle, dans l’ambiance de mai 68.

Pierre Guillaume découvre Le mensonge d’Ulysse de Paul Rassinier, pierre angulaire du négationnisme français. Détail important, Rassinier est lui aussi issu de la gauche. Guillaume se convertit alors au négationnisme, entraînant le départ d’une partie des militants animant La Vieille taupe. La librairie ferme en 1972, et seule l’activité d’édition subsistera par intermittence.

En 1979, La vieille taupe est relancée en tant que maison d’édition pour rééditer le livre de Rassinier. 1980 sera une année charnière avec la sortie de Mémoire en défense contre ceux qui m’accusent de falsifier l’histoire de Robert Faurisson et Vérité historique ou vérité politique ? Le dossier de l’affaire Faurisson. La question des chambres à gaz de Serge Thion.

Les années 80 seront fastes pour la petite maison d’édition, avec notamment la série des Annales de l’histoire révisionniste et les textes de Faurisson, en tête de gondole. L’essentiel des textes alors seront des compilations d’articles (notamment les réponses à Pierre Vidal-Naquet) et quelques rééditions comme L’antisémitisme. Son histoire et ses causes de Bernard Lazare (1894). Pierre Guillaume s’auto-édite également, notamment avec Épilogue judiciaire de l’affaire Faurisson sous le pseudo Jessie Aïtken (nom de jeune fille de la mère de Faurisson) en 1983. Il utilisera d’autres pseudos durant cette décennie.

Pierre Guillaume tente de relancer La vieille taupe en tant que librairie en 1990, mais ferme au bout d’un an. Jusqu’à sa mort, en 2023, il continuera à éditer sous forme de revue ou réimpression des textes négationnistes. Son dernier gros coup sera l’édition de Les Mythes fondateurs de la politique israélienne de Roger Garaudy en 1995 (nous y reviendrons).

La vieille taupe, qui se décrivait comme « organe de critique et d’orientation post-messianique », meurt avec son créateur.

Le texte Auschwitz, le grand alibi

Il est intéressant de relever un paradoxe. Robert Faurisson est une personnalité qui se situe à l’extrême droite, nostalgique de Pétain et de l’Algérie française (il sera d’ailleurs membre du FNAF et présumé proche du MP13). Si Pierre Guillaume s’est convertit au négationnisme, Faurisson ne s’est pas convertit au marxisme. L’articulation idéologique qui permet la rencontre entre les deux relève de celle de l’ennemi commun. Dans les années 80, Guillaume se rapprochera de l’extrême droite et écrira même pour certaines publications (notamment pour Rivarol).

Nous l’avons précisé précédemment, la découverte du livre Le mensonge d’Ulysse de Paul Rassinier est essentielle pour comprendre comment Pierre Guillaume s’est convertit au négationnisme. Mais il y a un autre texte essentiel pour comprendre comment des militants se revendiquant du matérialisme ont pu justifier cette transition.

Dans l’édition de Programme communiste d’avril-juin 1960, on trouve un texte nommé Auschwitz, le grand alibi. D’abord attribué à Bordiga, il est en fait de Martin Axelrad. Le texte est réédité par La vieille taupe en 1970. En voici quelques extraits :

Extrait 1 (intro du texte)

La presse de gauche vient de montrer de nouveau que le racisme, et en fait essentiellement l’antisémitisme, constitue en quelque sorte le Grand Alibi de l’antifascisme : il est son drapeau favori et en même temps son dernier refuge dans la discussion. Qui résiste à l’évocation des camps d’extermina­tion et des fours crématoires ? Qui ne s’incline devant les six millions de Juifs assassinés ? Qui ne frémit devant le sadisme des nazis ? Pourtant c’est là une des plus scandaleuses mystifications de l’antifascisme, et nous devons la démonter.

Une récente affiche du M.R.A.P. attribue au nazisme la responsabilité de la mort de 50 millions d’êtres humains dont 6 millions de Juifs. Cette position, identique au «fas­cisme-fauteur-de-guerre» des soi-disant communistes, est une position typiquement bourgeoise. Refusant de voir dans le capitalisme lui même la cause des crises et des cataclysmes qui ravagent périodiquement le monde, les idéologues bour­geois et réformistes ont toujours prétendu les expliquer par la méchanceté des uns ou des autres.

Extrait 2

Il était nécessaire de rappeler ces points avant de nous oc­cuper de l’extermination des Juifs. Celle-ci, en effet, a eu lieu non pas à un moment quelconque, mais en pleine crise et guerre impérialistes. C’est donc à l’intérieur de cette gigantesque entreprise de destruction qu’il faut l’expliquer. Le problème se trouve de ce fait éclairci ; nous n’avons plus à expliquer le «nihilisme destructeur» des nazis, mais pour­quoi quoi la destruction s’est concentrée en partie sur les Juifs. Sur ce point aussi, nazis et antifascistes sont d’accord : c’est le racisme, la haine des Juifs, c’est une «passion», libre et farouche, qui a causé la mort des Juifs. Mais nous marxis­tes, savons qu’il n’y a pas de passion sociale libre, que rien n’est plus déterminé que ces grands mouvements de haine collective. Nous allons voir que l’étude de l’antisémitisme de l’époque impérialiste ne fait qu’illustrer cette vérité.

[…]

Du fait de leur histoire antérieure, les Juifs se trouvent aujourd’hui essentiellement dans la moyenne et petite bour­geoisie. Or cette classe est condamnée par l’avance irrésisti­ble de la concentration du capital. C’est ce qui nous expli­que qu’elle soit à la source de l’antisémitisme, qui n’est comme l’a dit Engels, «rien d’autre qu’une réaction de cou­ches sociales féodales, vouées à disparaître, contre la société moderne qui se compose essentiellement de capitalistes et de salariés. Il ne sert donc que des objectifs réactionnaires sous un voile prétendument socialiste».

Extrait 3 (fin du texte)

Ce sont d’abord les impérialistes du camp allié qui s’en sont servis pour justifier leur guerre et justifier après leur victoire le traitement infâme infligé au peuple allemand. Comme on s’est précipité sur les camps et les cadavres, promenant partout d’horribles photos et clamant : voyez quels salauds sont ces Boches ! Comme nous avions raison de les combattre ! Et comme nous avons raison maintenant de leur faire passer le goût du pain ! Quand on pense aux crimes innombrables de l’impérialisme ; quand on pense par exem­ple qu’au moment même (1945) où nos Thorez chantaient leur victoire sur le fascisme, 45.000 Algériens (provocateurs fascistes !) tombaient sous les coups de la répression ; quand on pense que c’est le capitalisme mondial qui est responsable des massacres, l’ignoble cynisme de cette satisfaction hypo­crite donne vraiment la nausée.

En même temps tous nos bons démocrates antifascistes se sont jetés sur les cadavres des Juifs. Et depuis ils les agitent sous le nez du prolétariat.

Avoir une critique matérialiste du nazisme n’est pas nouveau. Dans Fascisme et grand capital, Daniel Guérin développe cette analyse en profondeur. Pour nous, il est impensable de penser le nazisme sans l’intégrer à une grille matérialiste.

Ce texte, en revanche, livre une analyse que nous pourrions qualifier d’ultra-orthodoxe. Il ne nie pas la solution finale, en ce sens, il n’est pas stricto senso négationniste. En revanche, il en fait un récit qui retire toute construction suprémaciste ; il n’en reste que le récit d’une crise capitaliste passagère, désignant au final le capitalisme comme pourvoyeur de massacres au travers de l’impérialisme. L’antifascisme ne serait alors qu’une manifestation bourgeoise du genre « idiot utile » du capitalisme, manipulant le prolétariat.

Rappelons que le nazisme intégrait un logiciel eugéniste qui n’était pas guidé par les seuls impératifs productivistes. Il intégrait un logiciel politique reposant sur l’extermination d’un peuple pour ce qu’il est, pas pour sa fonction dans une structure économique. Pour justifier cet argument, Axelrand part d’ailleurs sur une absurdité « Du fait de leur histoire antérieure, les Juifs se trouvent aujourd’hui essentiellement dans la moyenne et petite bour­geoisie. », justifiant un antisémitisme naturel du prolétariat. Cet argument est en soit profondément antisémite, peu importe d’ailleurs que son auteur soit juif.

Dans Un Eichmann de papier en 1980, Pierre Vidal-Naquet n’en a pas d’autre interprétation :

Donc en 1970, La Vieille Taupe publie une brochure intitulée Auschwitz ou le Grand Alibi, reproduction d’un article anonyme publié en 1960 dans Programme communiste, organe d’une autre secte marxiste, celle qui fut fondée par Amadeo Bordiga. Le «grand alibi» de l’antifasciste, c’est l’extermination des Juifs par Hitler. À lui seul ce crime creuse la distance qui sépare le démocrate du fasciste. Mais, pensent les bordiguistes, il n’en est rien.

[…]

Mais pour quel profit? «Le capitalisme ne peut exécuter un homme qu’il a condamné, s’il ne retire un profit de cette mise à mort elle-même.» Le profit sera donc recherché par l’épuisement des travailleurs, tandis que ceux qui ne peuvent travailler seront massacrés directement. Mais est-ce rentable? «Le capitalisme allemand s’est […] mal résigné à l’assassinat pur et simple […] parce qu’il ne rapportait rien.» Il faut donner, de l’antisémitisme de l’époque impérialiste, l’explication économico-sociale qui s’impose.

Et à propos du récit décontextualisé de Joël Brand :

 Aussi les auteurs de la brochure s’étendent-ils sur la fameuse mission de Joël Brand quittant la Hongrie avec la bénédiction d’Himmler pour troquer les Juifs hongrois voués «au moulin» d’Auschwitz, comme disaient entre eux les négociateurs, contre 10 000 camions. Pas un instant les auteurs ne paraissent remarquer que nous sommes alors en 1944, non en 1942, que Himmler a de bonnes raisons de savoir que la guerre est perdue et qu’il faut tenter de jouer de la légendaire «influence juive» sur les alliés de l’Ouest. Les Juifs, en dépit de ces tentatives, ont été détruits «non parce que Juifs, mais parce que rejetées du processus de production, inutiles à la production».

Ce texte est important dans la mesure où il décrit un négationnisme qui passe par la petite porte. Il ne s’agit pas de nier l’extermination en elle-même, mais de faire de son traitement historique et mémoriel une mystification, en niant son caractère idéologique et en relativisant par rapport à d’autres morts.

Serge Thion

Attardons-nous quelques minutes sur la figure de Serge Thion. Universitaire puis chercheur au CNRS (dont il sera révoqué en 2000), il est un spécialiste de l’Asie du Sud-Est. Militant anti-colonial, il écrit d’abord sur l’apartheid puis s’intéresse aux Khmers en pleine guerre civile. C’est lui qui fait le lien entre Pierre Guillaume et Noam Chomsky, créant les conditions nécessaires à l’édition de la préface du livre de Faurisson en 1980.

Si ça tombe sous le sens, il n’est pas inutile de le formuler clairement : Serge Thion est négationniste.

Afin d’illustrer les stratégies mises en place pour diffuser ses idées négationnistes, nous prendrons un exemple. En septembre 1980, Serge Thion publie un article dans la revue Esprit. Il est nommé Le Cambodge, la presse et ses bêtes noires.

Esprit couverture 1980 Dans son article, Serge Thion parle moins de Cambodge que de l’attitude des journalistes (Claude Roy, Jean Lacouture) et le livre du père François Ponchaud, Cambodge, année zéro (1977) qui décrit les exactions du régime de Polpot. Ce dernier ouvrage lui permet d’invoquer Chomsky qui en a fait une critique minutieuse. Puis d’épiloguer sur le mal qui a été fait à son ami alors qu’il s’en prenait à des erreurs factuelles. La science martyrisée.

Il est évident que dans ces conditions, le petit maniaque qui examine à la loupe le pathos de la grande presse fait vite figure d’empêcheur de dramatiser en rond. S’il insiste, s’il démonte les truquages, s’il dégonfle les exagérations, il devient peu à peu l’homme à abattre. C’est ce qui est arrivé en particulier à Noam Chomsky par un processus qui vaut la peine d’être examiné.

[…]
Ce lecteur, Noam Chomsky, écrivit à Lacouture pour lui faire part de sa surprise. Un peu coincé, ce dernier fut obligé de rétracter une partie de ses affirmations dans des « corrections » (NYRB, 26 mai 1977) où il reconnut avoir procédé à une lecture trop hâtive du livre de Ponchaud, tout en insistant sur l’inanité qu’il y a à s’interroger sur le détail des faits quand il s’agit « d’entreprises aussi monstrueuses » que celles du gouvernement cambodgien, ou de Dachau, ou de Katyn. Par un hasard demeuré à ce jour inexpliqué, ces « corrections » n’ont pas été portées à la connaissance des lecteurs du Nouvel Observateur, qui avaient pourtant eu la primeur de ses affirmations fantaisistes.

Ainsi, sans jamais écrire noir sur blanc « il n’y a pas eu de génocides », il remet en doute chaque personne qui a rapporté les violences des khmers rouges. Plus pervers, il ne nie pas les violences, mais joue la carte de la raison :

La plus raisonnable des estimations, celle qui provient des services qui ont sans doute les plus grands moyens de la faire, est celle du Département d’Etat américain. On la trouve dans une dépêche de quelques lignes, en bas de page, dans Le Monde du 6 octobre 1979 : « Environ 1,2 million de Cambodgiens sont morts depuis 1975 du fait de la guerre et de la famine, réduisant la population du Kampuchea à environ 5,7 millions de personnes. » Ceci reviendrait, si ces chiffres venaient à être confirmés, à une perte effrayante de 17 % de la population (en la supposant sans accroissement). Il y a pourtant des gens pour trouver que c’est trop peu.

Puis :

Guerre des propagandes, où la première victime est le souci de la réalité. Chacun y va de son grand seau d’huile sur le feu. Ainsi le père François Ponchaud, aux « Dossiers de l’écran » (Antenne 2, 27.11.79) n’hésite pas à chausser les sandales du nationalisme khmer et à déclarer : « Je pense que mes sources sont valables puisqu’elles m’ont permis de décrire la société khmère rouge, en 1976-1977, déjà fin 1975, Jean Lacouture en est témoin… Ces mêmes sources actuelles me permettent actuellement également d’affirmer avec la même autorité que nous sommes en face d’un génocide… Un génocide subtil et planifié… » L’autorité, qui semble si chère à l’exégète qu’est le père Ponchaud, il l’invoque beaucoup dans ses interventions publiques, peut-être parce que la sienne n’est pas demeurée incontestée. Sa description de la société cambodgienne de 1975-1976 pèche par beaucoup de lacunes […]

C’est une approche extrêmement pernicieuse que nous connaissons bien, il invalide le témoignage pour sa fragilité, puis il enfile sa blouse de spécialiste pour rentrer dans une abondance de détails. Toujours est-il que le génocide contre les ethnies Viet et Chams a été reconnu par les instances internationales en novembre 2018, un an après la mort de Serge Thion. Les historiens du Cambodge font consensus sur cette question. On peut être un grand connaisseur de l’Asie du Sud Est et pourtant être aveuglé par le campisme.
Dans le même numéro de la revue Esprit, Paul Thibaud, le directeur de la revue prenant la plume pour répondre directement à Serge Thion. Pour l’anecdote, ce numéro est assez riche dans son contenu, s’ouvrant sur le texte Un Eichmann de papier signé par Pierre Vidal-Naquet qui sera réédité dans Les assassins de la mémoire en 1987.
Paul Thibaud décide donc de répondre à Serge Thion (à qui il a pourtant ouvert ses colonnes) avec ce texte Le Cambodge, les droits de l’Homme et les l’opinion internationale.
capture paul thibaud cambodgePuis, il entreprend dans son article « de montrer que les objections faites par Thion et Chomsky […] recouvrent des choix politiques mal explicités ». En d’autres termes, les deux intellectuels ont usé de ruses pour servir leur intérêt politique. Ainsi, explique Thibaud, la partialité du témoignage au nom de la rigueur critique ne vaut que pour ceux qui dénoncent le régime, pas pour ses partisans. Même mécanisme quand il s’agit de réagir à l’invasion d’un pays par un autre, l’indignation n’est pas la même quand l’envahisseur se dit socialiste ou allié des américains. Et c’est justement leur objectif, justifier la non-intervention.
Et c’est parce que justement le livre de l’abbé Ponchaud est un gros travail de compilation inédit et utile que Chomsky déploie tant d’énergie à l’invalider (et Thion à soutenir Chomsky dans sa besogne).
Toute cette mécanique relève de la même méthode que Faurisson pour « réviser » la Shoah en vue de réhabiliter le nazisme. Ni plus ni moins.
Thibaud continue en soulevant un argument intéressant, celui des réserves de vivres. C’est un argument technique, et c’est cette nature de l’argument qui nous intéresse ici. L’idée est de savoir si l’évacuation de Phnom Penh est motivée par un motif économique ou politique, en clair, si les habitants ont été évacués par manque de vivre ou pour être emprisonnés ou exécutés. Aujourd’hui, il y a un consensus sur le fait que le régime Khmer a liquidé tous les opposants et les militaires capturés. Mais cet argument est celui de Auschwitz, le grand alibi ; souvenez-vous ce qu’en disait Vidal-naquet : « Il faut donner, de l’antisémitisme de l’époque impérialiste, l’explication économico-sociale qui s’impose. ».
Ce type d’argumentation est donc à géométrie variable, selon les intérêts que l’on défend à l’instant T. En l’occurrence pour Serge Thion, il s’agit d’une lecture anti-américaine sous prétexte d’anti-impérialisme.

Noam Chomsky et la liberté d’expression

S’il y a un nom qui semble détoner, encore aujourd’hui, dans le petit monde du négationnisme, c’est celui de Chomsky. La raison est surtout qu’il s’agit de l’un des plus célèbres intellectuels de gauche qui s’est illustré dans sa lutte acharnée contre la guerre du Vietnam.

Sauf qu’à y regarder de plus près, vous l’aurez compris, ce n’est pas tant une surprise que ça.

Dans notre première partie, nous racontions comment Faurisson s’était fait connaître, au travers d’une tribune dans Le Monde fin décembre 1978. Cette publication fut un détonateur à retardement. C’est surtout la pétition lancée par le négationniste américain Mark Weber qui entraînera l’explosion. C’est celle ci que signe Noam Chomsky.

Certains ont pris, pour des raisons de principe, la défense de Faurisson. Une pétition qui a reçu, à l’étranger, plusieurs centaines de signatures, avec, « parmi les premières », celles de Noam Chomsky et d’Alfred Lilienthal, a protesté contre le sort fait à Faurisson comme s’il avait été interrompu par la persécution en pleine enquête historique : « Since 1974 he has been conducting extensive independent historical research into the « Holocaust » question. » (« Depuis 1974 il a entrepris une enquête historique indépendante et approfondie sur la question de l' »holocauste ». »). Après quoi on lui aurait refusé l’accès aux bibliothèques publiques et aux archives. Le scandaleux dans cette pétition est qu’elle ne se demande à aucun moment si Faurisson dit le vrai ou le faux, qu’elle présente même ses « conclusions » (« findings ») comme le résultat d’une enquête « historique », c’est- à-dire qui cherche le vrai. Certes, on peut soutenir que chacun a droit au mensonge et au faux, et que la liberté individuelle comporte ce droit, qui est reconnu, dans la tradition libérale française, à l’accusé pour sa défense. Mais le droit que le faussaire peut revendiquer ne doit pas lui être concédé au nom de la vérité.
Un Eichmann de papier, Pierre Vidal-Naquet 1980

Il dira à ce sujet qu’il signait des tas de pétitions. C’est possible, mais Mark Weber est un négationniste notoire, pas un militant anti-impérialiste qui aurait dupé le célèbre universitaire qu’il était. Et quand bien même eut-il été berné sur la forme, il semble tout de même légitime de douter qu’une personne réputée pour sa finesse intellectuelle ne vit pas où se trouvait l’arnaque.

La préface

La suite est connue. Noam Chomsky écrit un texte qu’il envoi à son ami Serge Thion, celui ci le transmet à Pierre Guillaume et Robert Faurisson. Pour le négationniste, c’est inespéré. Chomsky dira que c’était à son corps défendant, mais le ton utilisé ne laisse que peu de doutes ; il ne s’adresse pas à Thion, mais bien à des lecteurs, ceux de Faurisson.

Commençons par remettre les évènements dans l’ordre :

  • Septembre 1980 – Un Eichmann de papier de Pierre Vidal-Naquet (publié dans Esprit comme nous l’avons vu)
  • 11 octobre 1980 – Noam Chomsky, Cambridge (U. S. A.),
  • Novembre 1980 – Mémoire en Défense — Contre ceux qui m’accusent de falsifier l’histoire. La question des chambres à gaz. Précédé d’un avis de
    Noam Chomsky, de Robert Faurisson, Paris, La Vieille Taupe,
  • 1982 – Réponse à Pierre Vidal-Naquet – Robert Faurisson

Sa préface repose sur un postulat : Chomsky défend la liberté d’expression.

(tous les extraits ici sont issus de la préface de Mémoire en défense, sauf si précisé)

D’abord, je ne traite ici qu’un sujet précis et particulier, à savoir le droit à la libre expression des idées, des conclusions et des croyances. Je ne dirai rien ici des travaux de Robert Faurisson ou de ses critiques, sur lesquels je ne sais pas grand-chose, ou sur les sujets qu’ils traitent, sur lesquels je n’ai pas de lumières particulières.

C’est l’argument central de la thèse de Chomsky. Ce texte arrive dans un contexte où, même dans le cas extrême où Chomsky ignorait qui était Faurisson en signant la pétition un an avant, il ne peut se cacher derrière l’argument « je ne sais pas de quoi il en retourne ». On parle quand même de la Shoah…

Quand Serge Thion revient sur la pétition, il déplace déjà la liberté d’expression à la liberté académique.

Aussi, quand Roy dit que Chomsky « strongly support » Faurisson, il commet un nouveau truquage : Chomsky « soutient avec force » les « justes droits de Faurisson à la liberté académique », c’est-à-dire la liberté de recherche et d’écriture.
Le Cambodge, la presse et ses bêtes noires – Serge Thion, 1980

Mais Chomsky évoque immédiatement un second sujet, il a des comptes à régler avec l’intelligentsia française.

J’ai été beaucoup plus surpris de lire dans Esprit (septembre 1980) que Pierre Vidal-Naquet trouve la pétition scandaleuse», en mentionnant en particulier le fait que je l’avais signée. (Je n’entrerai pas dans la discussion d’un article du directeur de la revue, dans le même numéro, qui ne mérite pas non plus de commentaire, au moins pour ceux qui conservent un respect élémentaire pour la vérité et l’honnêteté.)

Notons ici qu’il répond à la fois à Pierre Vidal-Naquet et à Paul Thibaud. Il semble que le retour de Vidal-Naquet ait blessé Chomsky. Difficile d’entendre à la sincérité de sa surprise, tant il montre qu’il connait la teneur des débats. Mais surtout, on sait déjà que cette préface sur la liberté d’expression est surtout une façon d’envoyer un message à Vidal-Naquet, celui que Faurisson appellera d’ailleurs « historien de papier » dés les premières lignes de Réponse à Pierre Vidal-Naquet.

Prenons les arguments de Chomsky :

1. La grandeur d’âme est un élément fondamental. L’allusion à Voltaire rappelle la citation apocryphe, mais surtout il s’agit ici d’ethos, c’est à dire la façon dont Chomsky se présente, lui et ses intentions, pour argumenter.

Soutenir le droit d’exprimer des idées qui sont généralement acceptées est évidemment à peu près dépourvu de signification. Tout cela est parfaitement compris aux États-Unis et c’est pourquoi il n’y a rien ici qui ressemble à l’affaire Faurisson.

Parmi les gens qui ont appris quelque chose du dix-huitième siècle (voyez Voltaire), il va de soi, sans même qu’on songe à le discuter, que la défense du droit à la libre expression ne se limite pas aux idées que l’on approuve, et que c’est précisément dans le cas des idées que l’on trouve les plus choquantes que ce droit doit être le plus vigoureusement défendu.

2. Les références au stalinisme. Il y a trois occurrences dans le texte, toujours associées à l’intelligentsia (la gauche intellectuelle en somme). C’est une façon de souligner chez l’autre ce qu’il pratique lui même, l’anti-impérialisme à géométrie variable.

Dans le cas des dissidents russes, l’État (nos États) approuve ce soutien, pour des raisons qui lui sont propres, qui n’ont pas grand-chose à voir, inutile de le dire, avec un quelconque souci pour les droits de l’homme. Mais, dans le cas de Faurisson, la défense de ses droits n’est pas une doctrine approuvée officiellement, loin de là, en sorte que des secteurs de l’intelligentsia, qui adorent se mettre en rang et marcher au pas, ne
voient nullement le besoin de prendre une position qu’ils acceptent sans réserve quand il s’agit des dissidents soviétiques. Il peut y avoir
en France d’autres facteurs: peut-être une culpabilité lancinante à l’égard du comportement honteux de certains sous le régime de Vichy,
le manque de protestation contre la guerre française en Indochine, l’impact durable du stalinisme et des doctrines de genre léniniste […]

3. Chomsky n’est pas historien. Il refuse donc de se prononcer sur le fond. Alors, c’est vrai, il n’est pas historien. Mais à cette époque, il dépense beaucoup d’énergie à écrire sur énormément de sujets. Il ne fait pas autant de manière à se positionner sur ces autres sujets, pourquoi celui-ci ?

Je ne dirai rien ici des travaux de Robert Faurisson ou de ses critiques, sur lesquels je ne sais pas grand-chose, ou sur les sujets qu’ils traitent, sur lesquels je n’ai pas de lumières particulières.

Il formule une idée importante, celle de la liberté académique. L’université de doit pas être fermé à un chercheur. Sauf que Faurisson n’est pas un chercheur, ni un universitaire et encore moins un historien. Avoir une approche critique rationnelle, c’est aussi distinguer l’expertise de l’historien de celle de quelqu’un qui n’en a ni les épaules, ni la démarche, c’est aussi un enjeu de légitimité.

4. Décalage de l’enjeu : conscience du négationnisme, mais primordialité de la liberté d’expression. Le décalage de l’enjeu. Après avoir montré sa grandeur d’âme héritée des lumières, il opère deux glissements : D’abord il reconnaît la qualité d’historiens aux négationnistes, leur donnant la légitimité dont ils rêvent tant pour pouvoir enfin attaquer le consensus. Puis, en défendant ce qu’il perçoit comme une scène politique saine : quand des nazis défilent, ça se passe bien. Une voix pour les victimes, une voix pour les bourreaux.

Il est pourtant très éclairant de comparer les réactions françaises à l’affaire Faurisson et le phénomène identique que nous avons ici. Aux Etats-Unis, Arthur Butz (que l’on peut considérer comme l’équivalent américain de Faurisson) n’a pas été soumis au genre d’attaques impitoyables qu’on a lancées contre Faurisson. Quand les historiens révisionnistes ( no-holocaust ») ont tenu une large réunion internationale, il y a quelques mois, aux Etats-Unis, il ne s’est rien passé qui aurait ressemblé à l’hystérie qui a entouré en France l’affaire Faurisson. Lorsque le Parti nazi américain appelle à un défilé dans la ville largement juive de Skokie (Illinois), ce qui est manifestement une pure provocation, l’American Civil Liberties Union [l’équivalent de la Ligue des droits de l’homme, N.d.T.] défend le droit de défiler (ce qui rend évidemment furieux le Parti communiste américain). Pour autant que je le sache, il en va de même en Angleterre ou en Australie, pays qui comme les Etats-Unis ont une tradition vivante de défense des libertés.

5. L’antisémitisme de Faurisson

Là, c’est le pompon. Faurisson ne s’est jamais caché de ses sympathies pétainistes, ni de ses fréquentations douteuses. Chomsky fait donc ou preuve de naïveté ou de mauvaise foi. Or, il développe son argumentaire « prouvez-moi qu’il est antisémite », tout en sachant que si c’était le cas, ça ne changerait rien pour lui.

En laissant de côté cette question centrale, on peut se demander si Faurisson est vraiment un antisémite ou un nazi. Comme je l’ai dit, je ne connais pas très bien ses travaux. Mais, d’après ce que j’ai lu, en grande partie à cause de la nature des attaques portées contre lui, je ne vois aucune preuve qui appuierait de telles conclusions. Je ne trouve pas non plus de preuve crédible dans les documents que j’ai lus le concernant, que ce soit dans des textes publiés ou dans des correspondances privées. Pour autant que je puisse en juger, Faurisson est une sorte de libéral relativement apolitique. Pour étayer cette accusation d’antisémitisme, on m’a informé que l’on a le souvenir d’une lettre de Faurisson que certains interprètent comme ayant des implications antisémites, au moment de la guerre d’Algérie.

En dédouanant Faurisson de tout antisémitisme, il transforme le sens de la démarche négationniste, en en faisant un simple objet de recherche scientifique, de la même manière qu’on aborde Auschwitz comme une crise du capitalisme ou qu’on voit dans l’évacuation de Phnom Penh une stricte affaire sanitaire et économique.

Son attitude

Évacuons tout de suite une question : est-ce que Chomsky est antisémite et/ou négationniste ? Probablement pas. En tous cas pas en ce qui concerne la Shoah. Osons l’affirmer, il s’en fout.

Dans un entretien avec Denis Robert en 1999, il a l’occasion d’aller plus loin. Il se contente de répéter la même chose, c’est une histoire de principe, tout en précisant que Vidal-Naquet n’a pas su apporter des preuves de l’antisémitisme de Faurisson.

Comme je l’ai écrit, les accusations de néo-nazisme et d’antisémitisme sont sévères. Elles sont peut-être correctes, mais on se doit, en tout cas, d’en apporter les preuves. Dans ce cas précis, j’ai réexaminé les preuves qui m’ont été présentées par le critique le plus sévère et le mieux informé sur Faurisson. Comme ces preuves avaient peu de force, la seule conclusion raisonnable était que cette accusation ne pouvait pas être justifiée. Au delà de cela, je ne connaissais rien de Faurisson, excepté quelques lettres de lui à la presse, dans lesquelles il faisait l’éloge de ceux qui avaient lutté contre les nazis, etc.

Il continue d’ailleurs avec un argument intéressant. Il souligne la question du résistancialisme (le terme est de Henri Rousso) et désigne le dogme selon lequel la France victorieuse était essentiellement résistante. Un récit certes fantasmé, mais quelle est la pertinence de l’opposer au négationnisme ?

Bien sûr, il y a des fanatiques qui n’arrêtent pas d’enfoncer le clou. Et puis, il y a certains cercles intellectuels pour qui c’est un enjeu. Mais, hors de Paris et d’une poignée d’intellectuels parisiens, ce n’en est pas un.

Pouvez-vous préciser ?

Chomsky : Cela doit remonter à la Seconde Guerre mondiale. Depuis cette époque, ils entretiennent un mensonge autour de la Résistance [4]. Les Français devraient s’en inquiéter. À bien des égards, la France est restée repliée sur elle-même depuis la fin de la guerre.

Les enjeux ne sont pas les mêmes. Chomsky est coutumier du fait, il trahit ici ses intentions : le négationnisme ne l’intéresse pas, il est en guerre contre l’occident (au sens politique, l’occident impérialiste, les USA). Cette position le pousse au « tout-se-vautisme », au déni et à l’abstraction :

  • Faurisson est un historien comme un autre (sauf qu’il serait persécuté)
  • La scène intellectuelle et médiatique française est contre les iconoclastes (Chomsky en premier lieu)
  • Faurisson n’est pas antisémite, prouvez-le moi (et aucune preuve ne sera jamais suffisante, sauf s’il avait crié « je hais les juifs » en public, ce qu’il n’a jamais fait)
  • L’impérialisme capitaliste fait au moins autant de morts sinon plus

En l’état, rien ne nous permet de dire que Noam Chomsky soit ni antisémite, ni négationniste. Mais son implication pose les bases d’une grammaire nouvelle : préfacer un livre qu’il n’a pas lu, affirmer que Faurisson n’est pas antisémite alors même qu’il dit ne pas connaître son travail. Cette défense douteuse sert un autre agenda, celui d’un anti-impérialisme spécifiquement anti-américain par le biais notamment de la relativisation des pratiques de régimes douteux (comme les khmers rouges).

Loi Gayssot

Dans la nuit du 8 au 9 mai 1990, le cimetière juif de Carpentras est profané. 34 tombes sont profanées, un corps est exhumé et mis en scène dans une macabre et ultime humiliation, des slogans antisémites sont découverts sur plusieurs stèles. La France est sous le choc. Il faudra plusieurs années pour interpeller des auteurs, tous liés à l’extrême droite et en particulier au FN.

C’est le point culminant d’une longue décennie démarrée en 1978 par l’interview de Louis Darquier de Pellepoix dans L’Express, une décennie d’explosion du négationnisme et de discours antisémites.

Face à la haine, il existe déjà un arsenal législatif : la loi Pleven du 1er juillet 1972. Mais le gouvernement Rocard veut se renforcer et malgré une opposition du Sénat, le 13 juillet 1990, la loi Gayssot est adoptée. Elle précise le cadre du négationnisme avec cet article 24bis et devient ainsi la première loi mémorielle dans le droit français. L’infraction devient alors délit.

Art. 24 bis. – Seront punis des peines prévues par le sixième alinéa de l’article 24 ceux qui auront contesté, par un des moyens énoncés à l’article 23, l’existence d’un ou plusieurs crimes contre l’humanité tels qu’ils sont définis par l’article 6 du statut du tribunal militaire international annexé à l’accord de Londres du 8 août 1945 et qui ont été commis soit par les membres d’une organisation déclarée criminelle en application de l’article 9 dudit statut, soit par une personne reconnue coupable de tels crimes par une juridiction française ou internationale.
Legifrance

Cette modification de la loi Pleven va voir face à elle une levée de boucliers. D’abord les négationnistes, mais c’est sans surprise. Puis les historiens dont Pierre Nora et Pierre Vidal-Naquet qui posent une question fondamentale, est-ce à l’État de faire l’Histoire ? Enfin, Robert Badinter émet lui aussi de sérieuses réserves sur le plan du droit. Depuis 1990, la France adoptera trois autres lois mémorielles : la reconnaissance du génocide arménien puis celle de la traite et de l’esclavage en 2001, puis la loi sur la colonisation en 2005.

Toujours est-il que les négationnistes se retrouvent face à un nouvel ennemi, la loi Gayssot. Par un glissement sournois, combattre la loi Gayssot devient un combat pour la reconnaissance au droit de critiquer le consensus historique. C’est là que la préface de Noam Chomsky prend également toute sa valeur à leurs yeux, déplaçant l’enjeu du négationnisme sur un terrain nouveau et beaucoup plus « acceptable », la liberté d’expression.

Pétition contre la loi Gayssot

Comme nous l’avons vu, la loi Gayssot ne fait pas l’unanimité y compris parmi ceux qui combattent le plus farouchement le négationnisme. La raison a déjà été évoquée, la question est fondamentale. Qui fait l’Histoire, l’historien ou l’État ? L’enjeu n’est pas seulement celui de la Shoah, la définition couvre tous les génocides, y compris ceux que la loi n’a pas encore reconnu.

La question doit rester ouverte, la loi Gayssot tend à la refermer.

En 2005, l’historien spécialiste de l’esclavage Olivier Grenouilleau se prend les pieds dans le tapis. Dans une interview au journal du dimanche, il déclare à propos de Dieudonné :

« Cette accusation contre les Juifs est née dans la communauté noire américaine des années 1970. Elle rebondit aujourd’hui en France. Cela dépasse le cas Dieudonné. C’est aussi le problème de la loi Taubira qui considère la traite des Noirs par les Européens comme un “crime contre l’humanité”, incluant de ce fait une comparaison avec la Shoah. Les traites négrières ne sont pas des génocides.
La traite n’avait pas pour but d’exterminer un peuple. L’esclave était un bien qui avait une valeur marchande qu’on voulait faire travailler le plus possible. Le génocide juif et la traite négrière sont des processus différents. Il n’y a pas d’échelle de Richter des souffrances. »

Les considérations techniques et froides de l’historien se heurtent à un traumatisme que personne n’entendait en métropole.

Le Collectif.dom porte plainte contre lui en utilisant l’arsenal juridique à sa disposition, donc la loi Gayssot.

La réponse est une tribune publiée en décembre 2005 dans Libé à l’initiative de 19 historiens dont Pierre Nora et Pierre Vidal-Naquet, c’est la fondation de l’association Liberté pour l’histoire. Une semaine plus tard, Serge Klarsfeld, Claude Lanzmann et d’autres intellectuels répondent par une autre tribune : « Ne mélangeons pas tout ».

La loi Gayssot n’est pas abrogée, le collectif DOM fini par retirer sa plainte, la question de qui fait l’histoire reste ouverte ; seulement cette dernière affaire a crispé un microcosme déjà bien tendu, alors même que de nouvelles figures font parler d’elles : Dieudonné bien sûr, son ami Alain Soral et Kemi Seba et son mouvement des damnés de l’impérialisme.

Il nous semble important de préciser une chose : il existe des débats entre historiens autour de la Shoah, comme par exemple entre les fonctionnalistes et les intentionnalistes. Pour autant, aucun ne nie ici la réalité de la déportation et de l’extermination, les débats concernant les raisons, les motivations et le déroulé.

Le pied dans la porte

Comme nous l’avons vu, la question du négationnisme s’est décalée de la critique technique par de pseudo-historiens vers un champ politique, celui de la liberté d’expression. Celle de l’antisémitisme se voit éclipser, ou plutôt dissimulée dans celle de l’impossibilité du débat. Les années 90, nous le verrons dans la partie 3, vont être la décennie où le discours va changer et se focaliser sur Israël plus que des débats techniques sur les chambres à gaz. Israël se retrouve alors intégrée dans un logiciel anti-impérialiste où il n’y a qu’un ennemi, le bloc américano-sioniste.

En parallèle, la grammaire Faurisson ne disparaît pas, elle mute.

Blanrue et le cercle zététique

En 1993, Paul-Eric Blanrue, un militant royaliste et catholique fonde le cercle zététique, une association dédiée à l’esprit critique et au scepticisme scientifique. Il est un proche de Henri Broch, l’homme qui a créé la zététique dans les années 80. Ce dernier sera d’ailleurs président d’honneur du cercle zététique et directeur de la revue, les cahiers de la zététique, lancés par Blanrue et Broch.

La zététique a pour but de développer des méthodes pour se protéger des pseudo-sciences, donc du négationnisme. Mais curieusement, les deux s’accordent très bien.

Pendant 10 ans, les positions à l’extrême-droite de Paul-Éric Blanrue sont connues et ne posent pas problème, la zététique transcendant prétendument les clivages politiques. L’exercice du doute le conduit à se rapprocher de Robert Faurisson : Paul-Éric Blanrue devient antisémite et négationniste, qualifiant « la question des chambres à gaz et du génocide juif » de « cœur de la nouvelle religion mondiale ». La scission du micro-mouvement zététique en 2003, la frange modérée, que Paul-Éric Blanrue appelle la « zététique de l’autruche », fondant l’Observatoire zététique, conduit à une radicalisation du Cercle Zététique ;
Contre l’imposture et le pseudo-rationalisme – Bruno Andreotti, Camille Noûs – Zilsel

Et c’était déjà le cas aux USA dans les 70’s où la sphère sceptique (skeptic en anglais) n’était pas au clair sur la question du négationnisme.

Vingt ans auparavant, le mouvement sceptique étasunien avait déjà promu le négationnisme historique, par un numéro spécial du magazine Reason, financé par les frères Koch, milliardaires libertariens. On pouvait y lire des articles de trois négationnistes, défenseurs du nazisme : Austin J. App, James J. Martin et Percy Greaves. Dans les mêmes années 1970, ce même magazine Reason défendait l’apartheid au nom du libertarianisme.
Contre l’imposture et le pseudo-rationalisme – Bruno Andreotti, Camille Noûs – Zilsel

Après voir écrit plusieurs livres sur des mystifications historiques (entre autre, sur le suaire de Turin, un sujet qui lui tient à cœur), il commence à écrire sur un nouveau thème, les Juifs. En 2007, c’est avec  Le Monde contre soi : anthologie des propos contre les Juifs, le judaïsme et le sionisme, préfacé par son ami Yann Moix qu’il amorce ce nouveau cycle. En 2009, il publie Sarkozy, les juifs et Israël, un livre qui dépeint les années Sarkozy comme celles d’une France vendue à un « lobby juif » au service d’Israël.

capture commentaire amazon libre Blanrue
Plusieurs lecteurs ne se formalisent pas de l’expression « lobby juif ».

En 2014, c’est Jean-Marie, Marine et les juifs qui sort. En parallèle, il réalise une interview de Faurisson pour le compte de Dieudonné en 2011 qui lui vaudra un procès par la LICRA. Blanrue était déjà présent pour le procès Faurisson – Dieudonné en 2009, avec toute la crème du négationnisme.

En 2017, il publie Le livre noir des manipulations historiques dont l’objectif est de revenir sur les grandes mystifications de l’histoire. On y retrouve le suaire de Turin sur lequel il avait déjà beaucoup écrit, mais également Galilée (la mystification Galilée était également le sujet d’un livre édité par La Vielle Taupe en 1987, Faut-il réhabiliter Galilée ? de Philippe Decourt). L’histoire y est vue comme une suite de manipulations et de mensonges.

Jean Bricmont

Physicien belge et enseignant à l’université, Jean Bricmont est un disciple revendiqué de Chomsky. Comme lui, il rejette le post-modernisme (le structuralisme) qu’il considère comme de l’esbroufe d’intellectuels qui n’ont rien à dire. Avec Alan Sokal, il publiera un livre critique sur le post-modernisme – un terme fourre-tout, il est difficile de trouver une vraie homogénéité entre les travaux des auteurs dits Postmo. La sortie du livre en 1997 est la conséquence d’un canular de Sokal un an plus tôt qui fit beaucoup de bruit, quand il publia un article dans une revue de sciences humaines ; article qui n’avait ni queue ni tête.

Bricmont fut directeur de l’Afis entre 2001 et 2006, période à laquelle il publie plusieurs fois des articles de Paul-Eric Blanrue dans la revue de référence dans le milieu rationaliste, Sciences et pseudo sciences, en particulier sur le suaire de Turin.

En 2001, il se fait connaître en publiant une tribune en défense de Chomsky dans Le Monde diplomatique, perpétuant alors cette tradition de règlements de compte épistolaires à travers les journaux. Il y fait sienne la ligne du linguiste.

N’ayant jamais eu d’illusions à perdre, Noam Chomsky n’avait aucun combat à renier. Il demeura donc à la pointe de la lutte contre les interventions militaires et les embargos qui, de l’Amérique centrale à l’Irak, ont provoqué des centaines de milliers de victimes. Mais pour ceux qui avaient opéré le grand tournant, Chomsky devenait un anachronisme bizarre et dangereux. Comment pouvait-il ne pas avoir compris que le bon camp était devenu celui de l’Occident, des « droits de l’homme » ? Et le mauvais, celui de la « barbarie à visage humain », pays socialistes et dictatures post-coloniales mêlées ?
https://www.monde-diplomatique.fr/2001/04/BRICMONT/1829

Bricmont se définit également comme militant anti-impérialiste et antisioniste de gauche, mais fraie pourtant avec tout ce qu’il y a de plus troubles dans les milieux rouge-brun. Dans ce contexte, il prend naturellement la défense de la liberté d’expression des négationnistes.

capture facebook faurisson
Homélie funèbre signée Bricmont à l’occasion de la mort de Faurisson en 2018

En 2018, il publie un article sur Russia Today (reproduit sur ce blog mediapart), relativisant l’ingérence russe en dénonçant l’ingérence américaine, bien plus importante à ses yeux. On y retrouve l’évocation de Timisoara si chère à Faurisson, mais également la négation de l’usage d’armes chimiques lors du massacre de la Ghouta en Syrie en 2013, sur la base d’un rapport du MIT qui fait une analyse « physique » (mais qui ne disculpe pas le régime de Damas).

La pétition

Encore une pétition ! En 2010, Paul-Eric Blanrue et Jean Bricmont lancent une pétition en soutien à Vincent Reynouard (voir partie 1) réclamant l’abrogation de la loi Gayssot au nom de la liberté d’expression.

Les positions politiques de M. Reynouard, qui se déclare national-socialiste, qui défend une forme de racisme et une version radicale du catholicisme traditionnel, ne font que poser de façon plus claire la question de la liberté d’expression au niveau de ses principes.

Un des acquis de la Révolution française est précisément cette liberté d’expression. Si celle-ci est limitée en cas d’injures, de diffamation, de pornographie, d’atteinte à la sécurité de l’État ou à ses symboles, d’incitations à des actions illégales immédiates ou de fausses alertes, elle ne l’a jamais été, en France républicaine, pour des opinions scientifiques, historiques, philosophiques ou religieuses, quelles qu’elles fussent. On peut légalement penser et dire ce que l’on veut des régimes de Staline, de Mao, de Pol Pot, de Mussolini et même d’Hitler, mais à condition d’éviter de parler de ce qui tombe spécifiquement sous le coup de la loi Gayssot. La même liberté légale existe pour ce qui concerne les événements de Bosnie dans les années 1990, du Rwanda en 1994 ou de l’Arménie en 1915 et, bien sûr, pour toutes les guerres et horreurs présentes ou passées, en dehors de ce qui a été jugé à Nuremberg.
Extrait du texte de la pétition

En 2007, le militant néo-nazi et négationniste Vincent Reynouard est jugé pour la énième fois pour contestation de crimes contre l’humanité. Cette fois, le tribunal le condamne à de la prison ferme. Il fuit alors à l’étranger, mais sera arrêté en Belgique et extradé en juillet 2010 pour y exécuter sa peine. La pétition est lancée en aout.

Comme indiqué dans la pétition, il ne s’agit pas, pour les signataires, « de soutenir les idées de Vincent Reynouard mais de défendre son droit à les exprimer et, ce faisant, de défendre un des principes fondamentaux de la République française. »
Blanrue à propos de la pétition – Agoravox

C’est toute la grammaire établie par Chomsky qui est utilisée ici. On y retrouve donc ses disciples (Bricmont évidemment, mais aussi Normand Baillargeon, l’auteur du Petit cours d’auto-défense intellectuelle, 2005), mais également les négationnistes notoires de l’époque : Robert Faurisson et son frère Jean, Henri Roques, Michèle Rénouf, Pierre Guillaume, Dieudonné, Alain Soral, Maria Poumier, Siegfried Verbeke (un négationniste notoire proche de Reynouard), Jacky Sigaux…

On retrouve également d’autres noms bien connus comme Frédéric Chatillon, Jean-Yves Le gGallou, Thomas Joly, Bruno Gollnisch, Jean-Paul Tisserand, Julien Brigneau ou encore un Robert Ménard en plein virage droitier.

Plus original, on trouve deux signatures plus originales, celles de Mgr Gaillot et Yann Moix qui demanderont très vite à la reprendre. Pourtant, Moix est un ami de longue date de Blanrue, comme d’autres militants d’extrême droite. Il prétendra s’être fait piéger.

“J’ai été contacté il y a quelques jours au sujet d’une pétition contre la loi Gayssot dont Robert Badinter devait être le signataire vedette. On m’a promis un Robert (Badinter) mais, hélas, j’ai découvert un tout autre Robert, in fine, sur la liste :  Faurisson !”, écrit-il.
Le Monde

Difficile à croire, il connaissait Blanrue et ça aurait été faire preuve d’une infinie naïveté que de croire qu’une pétition pour la libération de Reynouard ne soit pas un nid de négationnistes.

Enfin, nous gardions le meilleur pour la fin, c’est encore une fois Noam Chomsky qui signe la pétition en y ajoutant un commentaire, histoire de bien rappeler ses raisons :

Le 5 septembre, cette pétition a reçu le soutien de l’intellectuel américain Noam Chomsky en ces termes :

« J’apprends que Vincent Reynouard a été condamné et mis en prison au nom de la loi Gayssot et qu’une pétition circule pour protester contre ces mesures. Je ne connais rien à propos de Monsieur Reynouard, mais je considère la loi Gayssot comme complètement illégitime et en contradiction avec les principes d’une société libre, tels qu’ils ont été compris depuis les Lumières. Cette loi a pour effet d’accorder à l’Etat le droit de déterminer la vérité historique et de punir ceux qui s’écartent de ses décrets, ce qui est un principe qui nous rappelle les jours les plus sombres du stalinisme et du nazisme. Si la justification de la loi Gayssot est d’interdire les « opinions abominables » ou de faire respecter le droit « de ne pas craindre de vivre dans un climat » de préjugés et de racisme, alors il devrait être évident que, si de telles lois étaient appliquées de façon impartiale, elles rendraient illégales une grande partie des propos exprimés  publiquement qui, même si on peut les considérer comme ignobles, devraient certainement être autorisés dans une société libre et qui, en fait, le sont, sans même que cela ne soulève la moindre question. Par conséquent, je souhaite exprimer mon soutien à la pétition contre l’application de cette loi dans le cas de Monsieur Reynouard (ou dans tout autre cas). Le 5 septembre 2010. »
Addendum au texte de la pétition

Pour quelqu’un qui signait des tribunes sans trop les lire, en 2010, on peut raisonnablement le considérer comme investi personnellement dans la défense active du négationnisme.

Conclusion, la méthode hypercritique et le debunk

Que vient faire la zététique dans cette histoire ?

Chez un certain nombre de personnes se revendiquant de la zététique, c’est une lecture basée sur « le fait, rien que le fait » qui prévaut. Cette vision est héritée d’un courant de pensée, le monisme méthodologique de Popper.

Pour Popper, s’il y a bien plusieurs sciences, il n’y a qu’une seule manière de prétendre à la validité scientifique et une seule façon de réfuter une théorie.
Typologie méthodologique
Jean Bricmont va encore plus loin. Il est plus proche du positivisme logique qui repose sur une approche strictement empirique des sciences, développé par le Cercle de Vienne. Cet empirisme logique est une approche radicale en terme épistémologique, distinguant la physique (les sciences) et la métaphysique (non-science). Pour Bricmont, transiger sur ce principe relève du relativisme. Ce courant de pensée n’est déjà pas hégémonique dans sa discipline, la physique théorique, mais il fonctionne encore moins avec d’autres disciplines.
Ce raisonnement implique donc de considérer les sciences humaines et sociales (comme l’histoire et la science) comme des disciplines non-scientifiques. Il faut alors : ou dissocier ces disciplines du champ scientifique, ou leur appliquer le monisme méthodologique. Or, pour ne prendre que l’histoire, il existe de nombreuses écoles avec de nombreuses approches qui se remettent en question les unes les autres, et surtout se complètent. L’histoire est une discipline dont la démarche est descriptive.
Faire de l’histoire comme on fait des maths, c’est chercher des motifs qui se reproduisent pour en déduire des généralités. Ça ne fonctionne pas. Mais surtout faire de l’histoire comme on ferait de la physique, c’est appliquer des règles et des méthodes qui ne suffisent pas à décrire une société et les mécanismes complexes qui la régissent. C’est une vision restreignente. Ce qui amène donc un regard critique envers la discipline elle-même et tout ce qu’elle peut produire, quitte à carrément en faire une pseudo-science :
Le résumé qui annonçait la conférence traduisait bien cet état d’esprit général : « La science n’a plus, dans le public cultivé, l’image favorable qu’elle a pu avoir dans le passé. Cela est sans doute dû à toute une série de facteurs historiques, sociaux, politiques, etc., qui sont trop complexes pour être abordés ici. Néanmoins, en parallèle à cette évolution, on constate également une méfiance croissante envers l’idée que la science est objective ou que le discours qu’elle tient est plus solide que celui des religions et des pseudosciences. L’exposé se concentrera sur ce dernier type de critiques, en passant en revue les différentes étapes de la philosophie, de l’histoire et de la sociologie des sciences au XXe siècle. »
Introduction du discours de Jean Bricmont
https://www.afis.org/L-esprit-postmoderne-et-le-relativisme-la-science-raconte-t-elle-des-histoires
En somme, tout ce qui se revendique des sciences mais qui au sens de Popper n’en est pas, est pseudo-science. Tout ce qui est science doit obéit à des règles strictes. Or l’histoire n’est par définition pas reproductible et repose sur l’analyse et l’interprétation de traces très variées.
Et incroyable coïncidence, c’est aussi l’approche revendiquée par les négationnistes : si l’histoire est une science, alors appliquons lui des principes dits scientifiques. Par extension, la loi Gayssot devient donc un outil anti-science, donc l’obscurantisme. C’est un point de convergence entre dogmatisme scientiste et faussaires de l’histoire.

Chacun ses lubies dans une alliance objective

Cette seconde partie a donc mis en lumière un fait intéressant. L »esprit critique » n’est pas incompatible avec le négationnisme. Tout comme l’anti-impérialisme n’est pas incompatible avec le négationnisme. Et même, bien au contraire !

Nous avons donc une maison d’édition qui se lance dans l’édition des ouvrages négationnistes par conviction négationniste, et qui se heurtera à la justice à maintes reprises. Pour venir à son secours, Chomsky, intellectuel de gauche, qui défend sa liberté d’expression des négationnistes, Blanrue, militant d’extrême droite qui défend la liberté d’expression des négationnistes, Bricmont qui défend la liberté d’expression de ceux qui défendent la liberté d’expression des négationnistes, etc…

Nous voyons bien que personne ne parle vraiment de la Shoah. Les débats sont périphériques et reposent sur des motivations différentes. D’abord relativiser la Shoah au nom de l’anti-impérialisme, puis par volonté de s’en prendre à la discipline « histoire ».

Nous verrons dans la partie 3 comment la grammaire du négationnisme évolue en une grammaire antisioniste, utilisant les mêmes réseaux et les mêmes méthodes. La méthode hypercritique sera alors transférée à de nouveaux sujets d’études comme le 11 septembre, à défaut de fonctionner avec un sujet comme les chambres à gaz.

Nous retiendrons surtout, en définitive l’énergie déployée par des défenseurs de la rigueur scientifique (à un degré radical) pour permettre à des escrocs de pouvoir se revendiquer historiens et falsifier l’histoire. Chacun ses raisons…

Fin de la partie 2

Un immense merci à Gaël Violet sans qui cet article n’aurait pas été possible pareil.

To top