24 avril 2020 | Temps de lecture : 6 minutes

Messiha ou l’instrumentalisation de l’histoire du génocide Arménien

La récupération politique des génocides est un négationnisme

Jean Messiha fait-il du négationnisme sur le génocide Arménien?

Jean Messiha, propagandiste zélé du Rassemblement National a bien choisit sa date pour tenter de faire un mini buzz. En ce 24 avril,  coïncide la date de commémoration du génocide Arménien et de début du Ramadan. Il n’en fallait pas plus pour un des obsessionnels contempteurs des musulmans pour faire un twitt non pas de respect du aux morts, mais de propagande.

La honteuse propagande de Messiha

C’est simple comme vous le voyez. Il s’agit juste d’ajouter deux mots au twitt et tout change. « chrétiens » et « musulmans ». Histoire de non pas commémorer les morts mais d’appuyer sur les faits historiques qui auraient été commis en raison d’un clivage « chrétiens/musulmans » à l’époque.
On sait que c’est le point principal du RN: « les musulmans » sont des suprématistes et cherchent à islamiser la France et dominer le monde, au travers d’une guerre de religion généralisée.
C’est pourquoi le RN conseille -entre autre- comme lecture la thèse « d’Eurabia » (un des textes inspirateurs du terroriste Breivik), ou que la thèse du « grand remplacement » circule allègrement au RN.
Et le « choc des civilisations » dans tout ca? Et bien officiellement, Marion Anne Perrine le Pen a désavoué le chantre officiel de cette thèse il y a 5 ans. Mais sans la nommer ouvertement, on retrouve des petits bouts régulièrement au RN. Comme par exemple sur le site officiel du RN, les thèses de Chauprade n’ont pas été purgées, « étonnamment ».

Le RN a du mal avec ses vieux démons

Et Jean Messiha dans tout ca? Et bien nous avons sélectionné quelques uns de ces twitts (Nous répétons « quelques uns », parce que nous arions pu en trouver, beaucoup, beaucoup plus).

Le « choc des civilisations » selon Messiha

Le génocide des Arméniens (en arménien : Հայոց ցեղասպանությունHayots tseghaspanoutyoun ; en turc : Ermeni Soykırımı), est un génocide perpétré d’avril 1915 à juillet 1916, au cours duquel les deux tiers des Arméniens qui vivent alors sur le territoire actuel de la Turquie périssent du fait de déportations, famines et massacres de grande ampleur.
Quelles en ont été les raisons?
Le génocide des Arméniens n’est pas tombé du ciel. Il a été précédé par deux massacres quelques années auparavant: les massacres Hamidiens (1894- 1896) et ceux de Cilicie (printemps 1909).

La destruction systématique des populations arméniennes est opérée en deux phases successives : d’ à la mi-automne 1915 dans les sept provinces — vilayets — orientales d’Anatolie — dont les quatre proches du front russe: Trébizonde, Erzurum, Van, Bitlis, trois en retrait : Sivas, Kharpout, Diyarbakır — où vivent près d’un million d’Arméniens ; puis, de la fin de 1915 jusqu’à l’automne 1916, dans d’autres provinces de l’Empire.

Il est planifié et exécuté par le parti au pouvoir à l’époque, le Comité Union et Progrès (CUP), plus connu sous le nom de « Jeunes-Turcs », composé en particulier du triumvirat d’officiers Talaat Pacha, Enver Pacha et Djemal Pacha, qui dirige l’Empire ottoman alors engagé dans la Première Guerre mondiale aux côtés des Empires centraux.
Au moment où la Première Guerre mondiale est sur le point d’éclater, les Arméniens sont conscients qu’ils courent le danger d’être pris entre l’Empire russe et l’Empire ottoman. Dès l’été 1914, les dirigeants « jeunes-turcs » demandent aux notables arméniens de Van et d’Erzurum d’organiser une révolte des Arméniens contre les Russes, formulée notamment lors du huitième congrès de la Fédération révolutionnaire arménienne (ou FRA). Les notables refusent, soutenant que les Arméniens doivent combattre loyalement pour l’État dont ils font partie. Le , après avoir été depuis août sollicité par l’Allemagne, l’Empire ottoman entre dans la Guerre mondiale aux côtés des puissances centrales.

En , le comité central du parti et des ministres du cabinet de guerre, Talaat Pacha et Enver en particulier, met secrètement au point un plan de destruction qui sera exécuté dans les mois suivants. [Yves Ternon, « Le Génocide de 1915-1916 et la fin de l’Empire ottoman (1914-1923) », dans Gérard Dédéyan (dir.), Histoire du peuple arménien, Toulouse, Éd. Privat (réimpr. 2007) (1re éd. 1982), 991 p].

Il est présenté officiellement comme un déplacement de la population arménienne — que le gouvernement accuse de collaborer avec l’ennemi russe — loin du front. En fait, la déportation n’est que le masque qui couvre une opération d’anéantissement de tous les Arméniens de l’Empire [Ib. Ternon 2007, p. 531] ; l’éloignement de nombre des victimes du front, lors des différentes phases des massacres, enlève toute vraisemblance à l’accusation de collaboration avec l’ennemi.

Il coûte la vie à environ un million deux cent mille Arméniens d’Anatolie et d’Arménie occidentale.
Mais peut on assimiler ce génocide à une volonté d’extermination d’un peuple « chrétien » par un peuple » musulman »? En aucun cas. Les historiens ont établis avec certitude que la volonté d’extermination des Arméniens a été réalisée exclusivement par les responsables politiques du parti « Jeunes Turcs ».

Vahakn Dadrian, historien de référence du génocide dans « Le génocide à la lumière des démentis turcs«   a affirmé ceci:

« Je pense que la seule caractéristique la plus importante du génocide arménien, spécialement en comparaison avec l’Holocauste — et j’espère que vous voyez un parallèle frappant manifeste — est ceci : ce ne furent pas les organes réguliers de l’État ottoman, mais un parti, une organisation secrète, le parti des Jeunes-Turcs ittihadistes qui fut responsable du génocide arménien, du commencement à la fin : conception, préméditation, décision, organisation, application — tout a été fait en premier, sinon exclusivement, par les officiels ayant des postes de confiance du parti Ittihad Jeune-Turc, exactement comme les nazis en Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale. Vous le savez, le Troisième Reich était divisé en Gaus, provinces, et les représentants de haut rang du parti , appelés Gauleiters, en étaient responsables. De même, au sommet, l’Agence de Sécurité Nationale Nazie, le Sichereitshauptamt du Reich – RSHA en abrégé – fut l’instrument principal de l’holocauste, avec les SS et la Gestapo. Toutes ces actions ont été accomplies par les fanatiques du parti. Une organisation similaire a fonctionné dans l’exécution du Génocide arménien. Là nous voyons les fonctionnaires du parti au travail. Il y avait trois catégories : les secrétaires responsables, les délégués, et troisièmement les inspecteurs, par ordre de rang. »

Le parti « Jeune Turc » n’est pas d’essence religieuse islamiste. Il y a un courant islamique, mais ce n’est pas le seul, ni le majoritaire. La véritable caractéristique du parti « jeunes turcs » c’est son NATIONALISME (tiens donc…). Comme nous l’avons expliqué dans notre dossier sur les extrêmes droites, les courants nationalistes sont à leur apogée au 19ème siècle et perdurent au début du 20ème siècle.
L’expression nationaliste d’extrême droite trouvera son apothéose dans les deux guerres mondiales, la seconde poussant à l’extrême la tendance primordiale du nationalisme à vouloir réaliser un état « pur ethniquement »…
Le triumvirat d’officiers Talaat PachaEnver Pacha et Djemal Pacha, qui dirige l’Empire ottoman sont tous trois de fervents nationalistes favorables à la doctrine « Panturquiste« , une doctrine nationaliste irrédentiste. C’est Enver Pacha qui a popularisé ce concept d’union des Turcophones dans un pays. Mais les deux autres « Pacha » sont aussi des convaincus de cette doctrine.
Qu’en conclure?
Simplement que les origines du génocide Turque n’ont rien à voir avec une idéologie issue de l’Islam. Pire, c’est la conclusion de l’application par un parti conspirationniste et conspirateur nationaliste, le « parti des jeunes Turcs » que ce génocide a pu se produire. V. Dadrian affirme:

Les slogans « Germany judenrein » (l’Allemagne sans les Juifs) et « La Turquie aux Turcs » sont emblématiques de ces génocides dirigés vers un but. Par conséquent, ma conclusion est qu’en fin de compte, le génocide est une méthode pour restructurer un système social par une purification ethnique organisée.

Messiha ment donc. Pire, il ment à dessein pour des motifs de propagande.
C’est à peine moins pire que le négationnisme, mais quelque part cela procède de la même raison: l’instrumentalisation politique d’un massacre.

Mais au fait, savez vous que Messiha sait pertinemment tout cela? Regardez un peu ce qu’il dit de l’instrumentalisation politique d’un autre génocide, la Shoah:

Laissons à Messiha le soin de conclure.

En clair, Jean Messiha instrumentalise la question du génocide Arménien dans un objectif négationniste.

N’est ce pas M. Messiha?

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