02 avril 2013 | Temps de lecture : 7 minutes

« Les fascistes de gauche poignardent à mort un nationaliste » : intox démolie

Bigre ! Les Debunkers apprenaient hier (12 mars 2013)  que les fascistes ne sont nullement à droite, mais à gauche !

L’info qui devait nous conduire à faire ce changement d’optique ?  : « Les milices gaucho-fascistes assassinent  un jeune et brave nationaliste des Hautes-Pyrénées « 

Eh oui, déjà en 1944, les fascistes étaient ceux qui avaient soutenu la Résistance et la Libération, les vrais antifascistes de l’époque se trouvant en réalité dans les rangs des soutiens de Pétain. Nous, les Debunkers, il nous fallait réviser complètement nos connaissances !

Enfin, c’est que voudraient nous faire croire de nombreuses  intox,  très à la mode,  que diffuse l’extrême-droite.

La « preuve » du drame et du renversement à faire en  urgence était fournie par  Christine Tasin, la Cheffe de « Résistance Républicaine », le site annexe de « Riposte-prétendument- Laïque » :

 » Des militants faisant partie de ces milices fascistes qui prétendent lutter contre le fascisme pour mieux imposer la pensée unique ont tenté d’assassiner un militant nationaliste du mouvement Troisième voie dans les Hautes Pyrénées….  »

Sous la fracassante révélation signée C. Tasin, on trouve des précisions  renversantes et horrifiantes, comme :

« Les activistes de gauche ont fait des exploits de triste mémoire à la Libération de 1945.
Ce sont les Gardes Rouges avec les marxistes-léninistes, les maoïstes et les trotskystes dont certains se nomment Redskins, les Skinheads de gauche qui sont encore pires que les Skinheads néo-nazis. Et les activistes anarchistes aussi. Mais au fond ce sont tous les mêmes car leurs idéologies sont toutes tirées du même tonneau, le creuset immonde de la révolution et du nihilisme contre le système pour établir un soi-disant monde nouveau.
Ils sont le ferment et le terreau de l’avénement du néo-communisme du 21ème siècle vers lequel on fonce tête baissée. »

Aux Debunkers, on est bien sûr épouvantés.

Pensez-donc, un brave petit jeune, prénommé Anthony, quelque part dans les Hautes Pyrénées, un simple « nationaliste », membre du sympathique groupe « Troisième Voie » (voir en bas)  poignardé à mort par les fascistes, les vrais, c’est à dire les gauchistes  !

  • Le chef de Troisième Voie, Serge Ayoub, avait  publié un faire-part très émouvant :  il y avait  vraiment de quoi être accablé de chagrin et révolté !  Les fascistes, euh pardon… , les patriotes,  tenaient un héros et un martyr, un nouveau Horst Wessel , ce  nazi (euh pardon encore… , ce patriote)  pour lequel on allait,  comme du temps d’Hitler,  créer un chant de gloire et de vengeance.
  • Quelques heures après, Troisième Voie nous rassure : finalement, le brave Anthony est toujours en vie… . Mais cette sauvage tentative d’assassinat n’en reste  pas moins révoltante, pas vrai ?

Tout indignés, les Debunkers aimeraient  quand même en savoir plus :

  • Bizarrement, le nom de famille du mort-vivant n’est pas mentionné.
  • Encore plus bizarre, on ne sait même pas dans quelle ville s’est déroulée la sauvage agression.
  • Rien dans la presse locale, ni dans  Sud-Ouest, ni dans La Dépêche du Midi.
  • Chez Tasin et Cie, l’explication de ce silence est toute trouvée : c’est que la presse est aux ordres des gaucho-islamo-fascistes , comme chacun sait !

Quelques heures encore, et nous respirons enfin : « Anthony » se porte bien ! 

De plus, la police, la justice, les hôpitaux affirment n’avoir vu aucun néofasciste  ( heu … , pardon encore,…,  aucun patriote) blessé à coups de poignard. Aucune plainte non plus du martyr…. :

RUE89, 13 mars 2013

Le « militant nationaliste assassiné » retourne au boulot

Tout est parti d’un communiqué de Troisième voie, le mouvement national révolutionnaire de Serge Ayoub, ancien leader des skinheads. Dans ce texte, titré « Anthony n’aura jamais 20 ans », le chef du mouvement nationaliste dit au revoir à l’un de ses militants, poignardé dans le dos par une « horde » de jeunes antifascistes dimanche. L’hommage commence ainsi :

« Parce qu’il avait le malheur d’être là, parce qu’il aimait la vie, son amie, son pays […]. »

L’information s’est répandue sur tous les sites d’extrême-droite (notamment sur le site François de souche) et sur les pages Facebook des militants du FN.

Paul-Alexandre Martin, jeune militant FN, écrivait par exemple sur sa page ce mardi martin :

« Paix à l’âme de ce jeune militant nationaliste, assassiné hier pour ses idées par la racaille d’extrême-gauche et lynché par une foule d’esclaves. »

Sous cette phrase, des dizaines de commentaires, et une militante réplique :

« Incroyable que les médias n’en parlent pas. En revanche s’il s’appelait Mohamed on nous ferait déjà un lavage de cerveau ! »

Quelques heures plus tard, mardi toujours, l’information est démentie. Le mouvement Troisième voie précise, dans un nouveau communiqué, que le militant est vivant, qu’il a seulement été blessé. Mais c’est difficilement rattrapable (l’information s’est propagée un peu partout).

Serge Ayoub : « C’était une bagarre »

Joint par Rue89, Serge Ayoub explique :

« Le militant a été attaqué dimanche dans la banlieue de Lourdes. Il était avec un autre militant qui a vu du sang et il a pensé qu’il était mort, il a appelé notre chef de section pour le prévenir, qui lui-même nous a appelés.

Quand on a essayé d’avoir des informations sur l’enterrement, on s’est rendus compte que c’était pas tout à fait ça, donc on a arrêté de communiquer. Sinon, on aurait fait un scandale.

En fait, c’était une bagarre avec des blessures pas mortelles. Le militant va bien. Il a été récupéré par sa famille, il va probablement reprendre le boulot demain. »

Mais dans la région, ni la police ni la justice ne confirment une telle agression. Si elle a eu lieu, elle est passée inaperçue.

Le capitaine Maleig, du groupement de gendarmerie des Hautes-Pyrénées (qui a également démenti l’information à l’AFP et Minute) :

« On a contacté les hôpitaux, rien. On a appelé toutes les familles qui ont un fils qui s’appelle Anthony dans ce créneau d’âge, ils se portent bien. Les militants d’extrême-droite que nous connaissons ne portent pas ce prénom. C’est une rumeur, c’est infondé. »

Au commissariat de Lourdes, on nous répond :

« On sait qu’il y a des bruits qui courent, une rumeur, mais nous n’avons aucune trace d’une agression avec un couteau. »

A la gendarmerie d’Argelès, où dans une première version des faits, le militant aurait été poignardé, même topo : l’information est « erronée » et « personne n’a été poignardé ». Au parquet de Tarbes, ce mercredi, le magistrat de permanence n’avait pas non plus entendu parler de cette histoire.

(1) Nous ne fairons pas une longue présentation du groupe de Serge Ayoub, « Troisième Voie / Jeunesses Nationalistes Révolutionnaires ».  Disons simplement que ce groupe  se dit « nationaliste » et « socialiste » et qu’il adore les défilés en uniformes.  De quoi rappeler des souvenirs, non ?

(2) Christine Tasin, la cheffe de « Riposte -prétendument- Laïque »  est vraiment tombée sous le charme de S.  Ayoub.

Déjà soutien du FN et alliée du Bloc Identitaire, Christine Tasin décrit  S. Ayoub comme  « un poète« , « entouré d’amis capables d’imposer le respect … et de faire le coup de poing ».  Elle ajoute que  « nous savons que nous pouvons compter sur eux (les gens de Troisième Voie) dans la lutte contre l’islamisation. »

 

(3) Tendance à la mode dans toute une partie de l’extrême-droite : chercher à faire oublier tout lien avec le vieux fascisme français, avec le pétainisme,  se prétendre même « républicain », « patriote ».  Ce qui n’empêche pas d’applaudir quand Le Pen cite à la tribune des meetings FN le collaborateur et antisémite Brasillach.

(4) Ainsi, d’après C. Tasin et ses fans, des hordes gaucho-fascistes martyrisent les braves patriotes …. Ce n’est pas vraiment l’impression qu’ont nombre d’habitants  et commerçants de Lyon ,  de Besançon, ou de Toulouse, exaspérés par de multiples agressions menées par les amis de Madame Tasin. Aperçus très  sommaires :

– Rue89, mars 2013 : A Lyon, les bars de « gauchos » sont-ils devenus la cible des hooligans ?

– Rue89,  novembre 2011: Le Vieux-Lyon ne veut pas devenir facho-land

– Blog Toufik de Planoise, janvier 2013 : A Besançon, des néonazis sèment la terreur

– La Dépêche du Midi, juin 2012 :  Étudiant chilien agressé : coup de filet dans les milieux d’extrême droite

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Le site Rebellyon ajoute ces infos  (extraits) :

Le GUD Lyon a sup­primé la men­tion de cet événement de sa page Facebook. Mais n’a pas indi­qué à ses lec­teurs que tout cela était faux. Gabriac (Oeuvre Française et Jeunesses Nationalistes, ouvertement pétainiste) , lui, laisse car­ré­ment l’info. Il n’est pas à ça près.

Par contre, en dif­fu­sant ce qui s’appa­rente à une rumeur selon laquelle « des racailles d’extrême gauche » ont assas­siné ou tenté d’assas­siné un des leurs, il n’est pas étonnant de voir les plus naïfs et bas-du-front se monter le bour­ri­chon… avec les consé­quen­ces réel­les, cette fois-ci, que cela pour­raient avoir, au vu de l’attrait pour la vio­lence dont font preu­ves depuis quel­ques mois cer­tains jeunes appren­tis nazillons lyon­nais, le GUD Lyon en tête.

En témoi­gne la viru­lence des réac­tions, les appels à la ven­geance et au meur­tre sus­ci­tés par cette intox sur les pages de Bricabrac et du GUD Lyon :

La grande mas­tur­ba­tion col­lec­tive fan­tas­ma­go­ri­que fonc­tionne à fond, les esprits s’embal­lent et s’enflam­ment der­rière les écrans d’ordi­na­teurs. Rien de tel pour unir les « trou­pes » qu’un peu de dra­ma­tur­gie et de sen­sa­tion­na­lisme.

Le GUD Lyon, bien que sachant par­fai­te­ment que l’infor­ma­tion est fausse, conti­nue d’exci­ter ses ouailles :

Si cette anec­dote peut nous éclairer sur une chose, c’est bien sur ce qui anime au fond les mili­tants et sym­pa­thi­sants de cer­tains grou­pus­cu­les fas­ci­sants :

  1. Le goût pour la violence et la violence comme une fin en soi.
  2. Le néant politique, la suprématie du folklore et de la posture.
  3. Le goût pour la dramaturgie et les martyrs. Les plus « tradis » doivent même être déçus : avant le 9 mai à Paris il y aurait eu le 12 mars à Lourdes, dommage…
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