Le régiment Azov/A3ob qui défile à Londres ? La ficelle est un peu grosse. Pourtant, c’est l’information qui est apparue dans notre fil d’actualité, partagé par un militant de gauche. Des néo-nazis invités par une capitale européenne, c’est douteux tout de même. Et justement, c’est une désinformation.

Reprenons les choses dans l’ordre pour ce petit debunk rapide qui illustre les canaux bien connus de la désinformation moscovite.
Les célébrations de Londres
Commençons par poser le contexte.
2025 est une année particulière, les 80 ans de la libération de l’Europe par les alliés. Précisons-le tout de même pour les esprits chagrins, c’est la victoire contre le nazisme dont il est question. Elle est célébrée le 8 mai pour les alliés de l’ouest, le 9 pour l’est. Les anglais ont organisé un défilé en hommage à leurs vétérans, ce 5 mai. Le ministère de la défense britannique annonce le samedi 3 mai qu’une délégation ukrainienne défilera parmi les douze nations alliées invitées.

Le 5 mai, nous faisons la capture du post trouvé sur Facebook, il date de la veille et annonce que le régiment Azov défilera le 8 mai à Londres. Cette imprécision trahit déjà le manque de vérification, le défilé a lieu le 5. Mais le régiment Azov, vraiment ? Londres n’a pas communiqué sur l’unité qui devrait être présente.
Notons, persifleurs comme le sommes, que le 9 mai, Moscou invita la Corée du Nord entre autres pour défiler à ses côtés.
Itinéraire d’une désinformation
Soyons honnête, tous les regards se tournent vers… Moscou. Le 3 mai, le jour même de l’annonce, le Kremlin répond par la voix de son porte parole, Dmitri Peskov.

Le contenu de cette communication propagande est la ligne officielle : la Russie est en guerre avec le nazisme, avec un certain art pour arranger les faits et passer sous silence ses propres problèmes avec les références nazis.
Mais c’est quoi le régiment Azov ?
Il faut faire un petit pas en arrière et jeter un œil sur la réalité du régiment. Néo-nazi ? Oui, à l’origine, cette unité paramilitaire est fondée par des ultranationalistes qui n’y vont pas par quatre chemins. Il n’y a aucun ambiguïté sur ce plan là.
S’il y en a une, c’est bien que le jour de l’invasion russe, ce régiment assez modeste a une certaine expérience du combat et accueille des combattants étrangers. L’Ukraine ne peut pas se passer de cette milice dans ces circonstances. D’autant que, suite aux accords de Minsk, elle est intégrée dans la garde nationale. Le réalisme l’emporte sur la conviction, quitte à faire grincer des dents en occident ou servir la propagande russe.
Aujourd’hui, ce qui restait du régiment Azov après la bataille de Azovstal est intégré dans la 12ème brigade d’assaut de l’armée régulière ukrainienne, qui a gardé les mêmes couleurs.
Les relais de la désinformation russe
Ici, nous allons voir un circuit parmi d’autres. Nous avons donc une information émise par le Kremlin relayée par Tass. En général, on retrouve très vite ces narratifs sur X/Twitter, cette déchetterie à ciel ouvert. Ici, nous allons voir un autre chemin qui mène jusqu’au post Facebook qui a motivé cet article.
C’est le média de réinformation soralien « le média en 4-4-2 » qui relaie cette information. Nous pouvons y retrouver la même photo d’illustration et une légitimation de la parole de Kremlin. (notons au passage la sidebar – la colonne de droite qui suggère des lectures tout droit issues des années 2010à base de Soral et Dieudonné)
Le jeune indépendant, média algérien se fait également relais de cette propagande. Le reste des médias internationaux cite la réponse de Peskov comme ce qu’elle est, une propagande absurde mais officielle.
En observant le profil de celui qui a écrit le post sur Facebook, nous ne pouvons que relever la porosité qui existe avec ces médias de réinformation. Aux côtés de sources de gauche, de dessin de presse, nous retrouvons ce genre de posts : Asselineau, le complot franc-maçon et… le média en 4-4-2.
Nous pouvons alors nous avancer un peu sans trop de risque : nous savons que ce militant confus a trouvé l’info dans cette sphère là, si ce n’est sur le média lui-même.
Et Azov ne défila pas à Londres
Voilà. Le 5 mai, une unité de l’armée ukrainienne, qui s’entraine en Angleterre, a défilé dans Londres. Ils étaient une grosse dizaine, une action d’une portée strictement symbolique. Aucun patch d’Azov.
Mais encore une fois, et sans grande surprise, l’extrême droite diffuse la propagande russe qui consiste à affirmer que l’Ukraine est (néo-proto-post-crypto) nazi. Et le confusionnisme nous amène à voir des militants de gauche, dont l’aversion pour les guerres et les nazis est sincère, s’approprier un discours mortifère.
Debunked !