

Analyse de la vidéo
La vidéo n’a pas été conçue par le compte Doge Official. L’administrateur s’est contenté de rajouter le logo dans une partie vide. La raison en est simple : le format original est en 16:9 (à l’horizontal) alors que le format short/réel est vertical, en 9:16.Durant ces presque deux minutes, nous pouvons identifier une petite histoire : le temps de la revanche est venu (les dominos) et les coupables seront punis (et même pendus).Nous pouvons déjà identifier deux films, une chanson et onze photos. Au boulot !Le contenu
Toute la séquence des dominos est tiré de la scène finale du film V pour Vendetta (2005), adaptation du comics scénarisé par Alan Moore. Nous en avions déjà parlé, mais l’imagerie issue du film a largement inspiré différents mouvements de contestation, à commencer par les Anonymous qui s’étaient appropriés le masque de Guy Fawkes. Rapidement, l’esthétique a commencé par être récupérée par des mouvements plus composites, d’extrême droites et complotistes, jusqu’au Capitole et Brasilia.Les images de cordes et de pendus viennent d’un classique, un bon vieux western, Pendez-les haut et court (1968). On y suit Clint Eastwood, victime d’une agression, suivre un chemin de résurrection et devenir celui qui ira, incarnant désormais la loi, pourchasser ceux qui ont voulu le tuer. On peut y voir un prototype du vigilante movie, genre où le protagoniste se fait justice lui-même.Les cibles
Enfin, le montage est rythmé par l’usage de séquences incrustées dans un écran de tv. Nous y voyons 11 séquences dont nous avons extrait les captures suivantes.
- Les anciens présidents démocrates à l’inhumation de l’autre ex-POTUS Jimmy Carter, décédé fin 2024.
- Bill Gates anime une conférence TED en 2010
- Anthony Fauci est l’ancien conseiller de Trump sur le Covid, qui s’est montré critique envers sa politique. Trump lui fait retirer toute protection dès le 20 janvier.
- Nancy Pelosi, ancienne présidente de la chambre des députés, elle est une fervente opposante à Trump. Son mari est agressé chez lui par un Qanon.
- En 2016, le FBI recommande de ne pas poursuivre Hilary Clinton dans l’affaire des e-mails.
- Alexander Soros est le vice-président de l’Open Society et fils de George.
- Tedros Adhanom Ghebreyesus était le grand patron de l’OMS pendant la pandémie.
- Larry Fink, pdg de Black Rock, entreprise spécialisée dans la gestion de fonds spéculatifs, incarnation du capitalisme le plus carnassier.
- Peut-on vraiment parler du récit autour du NOM sans parler de George Soros ? Le milliardaire qui a fait sa fortune sur la spéculation voit aujourd’hui sa tête épinglé en haut de la liste des « vilains » par son activité de financement de sa fondation « Open Society » et du parti démocrate.
- Klaus Schwab est l’organisateur du sommet de Davos. Il est régulièrement accusé de préparer de grands plans de contrôle et de manipulation des peuples, comme le great reset.
- Et pour finir, il nous fallait bien un Rothschild.
Ce que raconte la vidéo sur l’imaginaire Qanon
Quand on connaît la nature du discours Qanon, il est aisé d’identifier des narratifs, les ingrédients d’une recette. S’en dégage un récit, celui de la légitime vengeance, donc du « juste » (léger glissement par rapport à la justice) face à la décadence et carrément le complot contre l’humanité.
On décèle aussi ces références à la couleur antisémite avec ce name dropping de personnalités Juives. Parce que peut-on vraiment faire un bon complot sans Juifs ?
Tous ces ennemis de Trump sont donc le mal, et devront donc être pendus, passage obligé pour faire s’écrouler un système corrompu.
Dans ce mélange des genres, entre références pop, menaces réelles (notamment avec le mari de Nancy Pelosi) et discours autour du bien et du mal, de la purge (et donc de la pureté), se dégagent un récit, une vision du monde, un imaginaire.
Qanon vs Diablo
Cette première vidéo nous a permis d’identifier son auteur (le @aanon55 sur le bas de la tv) et son compte Telegram. Peu prolifique, il nous propose tout de même d’autres matériaux intéressant, comme ici :On peut identifier une cinématique tirée du jeu DiabloIV, néanmoins expurgée de son personnage noir. La séquence originale est nommée Heaven vs hell (le paradis contre l’enfer). La piste son est un prêche chrétien évangélique « soldier of god » (dont l’auteur n’est pas clairement identifié, ça n’importe pas beaucoup ici.).What else… Ce récit mettant en scène le camp du bien contre le camp du mal marque une recomposition de leur champ politique. Les adversaires deviennent les forces du mal. Un sociolecte pas franchement nouveau ; Bush, lui-même méthodiste (un mouvement se revendiquant du protestantisme évangélique), avait déjà usé jusqu’à la corde son discours sur l’Axe du mal.
Le récit Qanon comme matrice
Qanon n’a pas complètement disparu
Nous aurions pu nous attendre à la disparition totale de Qanon lorsque le monde a découvert que les Watkins (père et fils) en étaient à l’origine. Le patron du forum 8chan aurait joué à distiller des messages pendant des années. C’était déjà assez étonnant de voir le mouvement perdurer après la victoire de Trump en 2016 et toutes les promesses de démantèlement de l’État profond retomber comme un soufflé. Mais non, Qanon existe toujours.Nous pouvons même le formuler ainsi, Qanon est devenu une composante de ce mouvement MAGA, qui arrive à unir une certaine Amérique rurale, l’alt-right, des complotistes, une partie de l’électorat latino pourtant menacé, etc.Le renversement de la réalité
Résumons. Le trumpisme est un récit. Qanon a permis de formuler une syntaxe propre à ce récit, un discours anti-système et complotiste. De société nouvelle, d’Homme de demain, il n’est jamais vraiment question. Au contraire, ce récit ne sait formuler qu’un mantra assez flou, « liberté ». Une liberté rendue impossible par la corruption (supposée) et la décadence, matérialisée par un état profond (Deep state).

Le DOGE comme fétiche, le rapport au sacré
Lorsque Trump confie le DOGE à Elon Musk, il matérialise un fantasme omniprésent dans les discours Qanon. C’est l’arme suprême contre les forces du mal. Peu importe que Trump incarne lui même tout ce que Qanon condamne, l’imaginaire lié au DOGE est tellement fort qu’il relève du fétiche, de l’incarnation du sacré.