
Après la violence
Le premier meeting du candidat Zemmour était scruté, notamment en raison de la réaction du service d’ordre à l’évidente manifestation qui aurait lieu. Et ça n’a pas loupé. Reconquête lâche la bête et c’est Marc Hassin, alias Marc de Caqueret Vallemenier, et ses Zouaves Paris qui se chargent de cogner les militants de SOS Racisme.L’image est désastreuse, mais Reconquête réagit finement et prend ses distances.Les partis d’extrême droite ont toujours recouru à des groupes violents pour assurer leur sécurité. La cohabitation n’a pas toujours été simple. Serge Ayoub aime raconter qu’il a monnayé ses services au Front National. Cependant, le plus gros parti d’extrême droite en France a su se créer son propre service : le DPS.L’affaire de Villepinte rappelle ces débordements des manifestations d’extrême droite. Nous pensons en particulier à Brahim Bouaram, poussé dans la Seine par trois militants de Troisième Voie le 1er mai 1995.Les rassemblements de Zemmour semblent donc voués à attirer ces mercenaires de la radicalité. Reconquête va donc devoir mettre en place une autre stratégie pour s’assurer une présentabilité dans le champ politique. Cependant, comme nous allons le voir, le parti d’extrême droite a une filiation, tant idéologique que sur le terrain.D’Unité Radicale à Génération Identitaire, un changement de méthode
On ne va pas remonter au coup de force de février 1934. Mais il faut quand même faire un petit pas en arrière, pour comprendre à quel point, certains à l’extrême droite ont compris l’importance de changer de stratégie il y a déjà plus de vingt ans.La dissolution d’Unité Radicale
Unité Radicale est un groupuscule fasciste créé en 1998 avec comme idée que le nationalisme révolutionnaire ne peut pas exister dans le champ politique sous la forme d’un parti politique. À partir de là, pour faire prospérer ses idées il a fallut faire des choix stratégiques. Choix largement influencés par la nouvelle droite.
L’objet central d’UR était la résolution du problème posé par Dominique Venner dans Pour une Critique positive (1962) : comment organiser la tendance révolutionnaire de l’extrême droite (les nationalistes) et la faire participer au leadership idéologique et partisan de ce champ, et ce malgré une évidente faiblesse numérique ? De sa naissance à sa mort, UR a ainsi constitué un objet historique synthétisant les dilemmes et évolutions de l’extrême droite radicale.Secrétaire-général de Troisième Voie1, Christian Bouchet affirme en 1989 aux adhérents que deux voies s’offrent à eux : soit « se situer comme une aile/marge N-R du FN » y recrutant, soit « s’affirmer comme un mouvement alternatif » soutenant « toutes les contestations (régionales, écologiques, sociales, populaires, etc.) » et pour cela il faut « rompre avec l’extrême droite groupusculaire et réactionnaire. [Quoique] un travail sur les marges du FN – considéré comme un mouvement de contestation populaire de masse – peut être mené ». Nicolas Lebourg – Histoire d’Unité RadicaleLe groupe est dissout en 2002 après la tentative d’assassinat de Chirac par Maxime Brunerie.
Le bloc identitaire
Le bloc identitaire naît la même année et revendique une filiation commune. On retrouve une volonté d’agir en dehors et en dedans, c’est à dire de fonctionner comme un groupe politique, mais également d’influencer toute la droite. En plus de ça, deux de ses dirigeants, Fabrice Robert et Guillaume Luyt, avaient également des responsabilités dans Unité Radicale.La stratégie du bloc repose sur la notion d’identitaire : régionale, nationale, européenne, tout est focalisé sur cette idée. Et on retrouve déjà le parti s’articuler naturellement avec la ligue du sud.
Une nouvelle génération avec de nouvelles idées
Génération Identitaire est la branche jeunesse du Bloc Identitaire. Effectivement, ses militants sont plus jeunes et ont déjà une autre culture, compatible avec les évolutions d’internet, en particulier celle des réseaux sociaux. Le groupe est fondé à 2012 et reprend le lambda comme logo (le symbole lambda était sur les boucliers des hoplites, les guerriers spartiates – une imagerie popularisée par le film 300 sortit en 2006, une influence pop dont nous avions parlé ici).
Parmi leurs actions, nous pouvons citer :
- 2012 : Le premier coup d’éclat est une opération médiatisée sur le chantier de la mosquée de Poitiers – Les militants seront finalement relaxés après une première condamnation
- 2013 : Une banderole tendue sur le siège du PS rue Solférino dans le contexte de la Manif pour tous
- 2014 : Opération Génération anti racailles avec des « patrouilles » dans le métro lillois et lyonnais
- 2016 : Construction d’un mur à l’entrée d’un futur centre d’accueil pour demandeurs d’asile à Montpellier.
- 2016 : Ouverture de la Citadelle à Lille (le même lieu qui a été fermé administrativement pendant quelques jours en 2023)
- 2017 : Lancement de l’opération Defend Europe avec le C-Star
- 2018 : Defend Europe dans les Alpes
- 2019 : Occupation de la CAF de Bobigny
- 2020 : Une banderole dénonçant un prétendu racisme anti-blanc est tendue sur un toit à République en pleine manifestation antiraciste.
- 2021 : Defend Europe dans les Pyrénées
Dissolution
Bien entendu, à force d’attirer l’attention, Génération Identitaire va se retrouver scruté par le ministère de l’intérieur. En effet, le groupe n’a pas complètement coupé avec la violence, en témoignent les sorties des militants autour de la Citadelle ou de la Traboule (le QG des identitaires Lyonnais). Et on peut également citer les liens des identitaires avec Ouest Casual.Mais ce qui agace place Beauvau, c’est surtout le message envoyé. Pas tant que le racisme et les théories nationalistes choquent plus que ça. Par contre, patrouiller dans le métro ou organiser des actions à la frontière, c’est jouer le rôle de supplétif de l’État, et ça n’amuse pas du tout les fonctionnaires.Ajoutons à ça que les membres de Génération Identitaire sont régulièrement condamnés, quoique les sentences relèvent plus du sursis et de l’amende. Enfin, la question des moyens de l’association est en question, ses opérations en demandent peu, mais il en faut quand même. Ce qui pousse donc Gérald Darmanin à s’attaquer à la question.Après sa dissolution en 2021, les membres du collectifs tentent de relancer un bar à Lyon, les remparts, et d’autres organisations se relancent, plus petites et localisées. A noter qu’une manifestation s’est organisée contre la dissolution, Maxime Brunerie s’y trouvait.Une autre direction
La question de la stratégie n’est pas un enjeu très populaire à l’extrême droite, dont les militants voient souvent à court terme. Les intellectuels les plus intéressants se trouvent dans le courant de la nouvelle droite. Autour de différents think-tank comme le GRECE ou le Club de l’horloge, ils ont amené une pensée qui dépassent largement les enjeux propres au Rassemblement National.Seulement, la nouvelle droite ne milite pas pour un parti mais revendique des enjeux plus larges que les échéances électorales.Le grand remplacement
L’expression est à la mode. Toutefois, comme nous l’avons expliqué ici, nous pensons que le concept est surtout un argument pour donner de la visibilité en provoquant. Voir Valérie Pécresse faire sienne ce concept est une grande victoire pour l’extrême droite. Le mécanisme est simple : quand un parti d’appareil s’approprie une thèse venant de l’extrême droite, il lui donne une légitimité, il lui reconnaît la qualité d’opinion et donc son droit à être discuté.Pécresse a donc fait un cadeau inestimable à Reconquête en récupérant une thèse profondément xénophobe, prisée par les identitaires. En voulant spéculer sur cette agrégat de paniques morales, les LR pensaient chercher de nouveaux électeurs à leur droite. Au lieu de ça, ils ont donné du corps à un candidat peu crédible. Pourtant, l’enjeu est ailleurs. Pendant que la candidate de la droite s’empêtrait dans la polémique, Eric Zemmour était déjà passé à autre chose : la dépossession, marquant toujours un temps d’avance.La bataille culturelle : l’ethno-différentialisme
À Reconquête, on colle à la ligne de Génération Identitaire : la bataille culturelle se joue sur tous les tableaux. C’est un axiome piqué dans la culture de gauche, en particulier chez Antonio Gramsci. Les urnes ne sont qu’une finalité, la partie émergée de l’iceberg. Cette bataille consiste à diffuser un modèle de société basée sur une opposition raciale, culturelle. En fait, une menace permanente contre des identités régionales, française et européenne.On retrouve cette doctrine ailleurs en Europe, des bases intellectuelles communes permettent un socle solide pour évoluer ensemble : l’identité, le rejet de l’immigration, mais aussi l’anti-communisme. Sans surprise, cette idéologie est masculiniste et homophobe.L’influence de Gramsci touche non seulement à l’idée d’hégémonie culturelle, mais également à la notion d’organique : pour faire court, l’intellectuel ne doit pas être un simple commentateur et tout le monde doit être un intellectuel. Dit autrement, chaque aspect de nos vies doit être pensé comme un terrain de lutte. De fait, l’intellectuel est parti prenante à la lutte, il devient organique, il fait parti du même corps.Concrètement, ce concept d’organique a beaucoup influencé à gauche (l’une des influences du mouvement situationniste), mais également à l’extrême droite. Il s’agit de repenser la convivialité (apéro saucisson-pinard), la solidarité (la soupe au cochon pour les SDF), mais également pousser le quidam à glisser un peu de porc dans les rayons hallal.Et au cœur de cette stratégie, internet. L’extrême droite a compris bien avant la gauche tout l’intérêt qu’elle pouvait tirer de cette nouvelle plateforme : internet sera le Verdun de la bataille culturelle.Jean-Yves Le Gallou
L’un des artisans de cette pensée est Jean-Yves Le Gallou. Lui aussi vient du GRECE, mais il a aussi été longtemps au Front National. C’est même lui l’auteur du slogan « la France aux français ». Parti avec Bruno Mégret en 1999, il reste à l’écart des partis pendant des années avant de rejoindre Eric Zemmour dans sa campagne.Mais entre temps, Le Gallou se fait commentateur de la politique d’extrême droite, notamment pendant le couscous gate, participant à créer une crise interne au FN. Il se livre d’ailleurs dans la revue éléments, la publication du GRECE sur la stratégie de Reconquête :JEAN-YVES LE GALLOU. Paul-Marie Coûteaux et Charles Millon sont toujours restés à l’extérieur. Le fonctionnement se fait à travers des groupes sur des boucles Telegram qui planchent sur des sujets bien identifiés. Les débats sont très libres. C’est franco. Mais à la fin une synthèse doit émerger et déboucher sur des propositions ou des options synthétisées par Sarah Knafo. Ensuite, c’est Éric qui décide, pas toujours dans le sens de ces orientations prises en amont. L’essentiel pour lui, c’est de s’en tenir à sa ligne sans avoir à rogner ses convictions. C’est la différence avec ses rivaux : sa sincérité. Et elle a un coût.

Alain De Benoist, pour une stratégie transpartisane
Alain de Benoist, l’architecte de la nouvelle droite et de la stratégie qui va avec, ne milite pas pour Zemmour. En tous cas, pas plus pour Zemmour que pour le reste de la droite. Pour lui, RN et Reconquête sont complémentaires, s’adressant à des électorats différents. Justement, la force de la nouvelle droite, c’est sa capacité à transcender les courants et à proposer un matériel intellectuel prêt à l’emploi.
Le RN pris à son propre piège
L’autre grande formation d’extrême droite, c’est évidemment le RN. On va passer rapidement dessus, car ce n’est pas le sujet aujourd’hui. Cependant, le parti de Marine Le Pen (pardon, Marion Anne Perrine Le Pen…) est sujet à une double dynamique : d’un côté Reconquête lui a piqué des cadres, de l’autre le parti est toujours au second tour des présidentielles et constitue un groupe parlementaire (à la différence de Reconquête qui peine à percer, avec deux sénateurs et aucun député).À Nice, par exemple, le RN se retrouve dans une situation délicate. Ses adhérents sont le cœur de l’électorat Zemmouriste, des retraités, des CSP+. Et dans la guerre avec les LR et Reconquête, le RN ayant choisi de parler aux classes populaires, se retrouve en queue de peloton. Quant à être le seul à parler des pieds noirs, ce n’est plus le cas, Zemmour en est lui même descendant.D’autant plus que des cadres sont partis, comme Philippe Vardon.La stratégie du RN de dédiabolisation portant ses fruits, le parti n’est plus celui qui remporte la palme de la radicalité. Et une partie de son électorat de droite libérale (au sens économique) s’est réfugié chez Zemmour, qui n’a rien contre ces réfugiés là, en passant.Reconquête reste le parti donc le plus proche des idées de la nouvelle droite, ce n’est donc pas une surprise de retrouver les identitaires et Marion Maréchal se cotoyer dans les colloques de l’institut Iliade (créé par Le Gallou Jean-Yves ).Trombinoscope
Une fois que nous avons posé les grands axes des références de Zemmour, c’est l’aspect stratégique, il faut les mettre en ordre de marche, c’est le volet tactique. On vous propose un bref passage en revue des cadres du parti.Samuel Lafont
Si vous nous suivez depuis longtemps, vous devez connaître ce nom. Samuel Lafont est l’auteur du premier hoax debunké sur notre site (l’auteur du hoax, pas de l’article). Depuis 2013, ce militant de l’UMP puis LR est devenu un professionnel de la communication et a fondé le site Damoclès. Il s’est fait sur le tard, hyperactif pendant la manif pour tous, où son homophobie fait fureur puis devient attaché parlementaire où il finit de se former.
Damien Rieu
Damien Rieu s’est illustré récemment avec cette grotesque histoire de prières dans le métro. Nous en avions parlé, mais les fact-checkers institutionnels s’en étaient également préoccupés. Rendons lui justice, Damien Rieu, Lefèvre de son vrai nom n’en est pas à son coup d’essai.On le découvre lors de l’occupation du chantier de la mosquée de Poitiers. Il participe comme porte parole de Génération Identitaire à chaque opération du collectif : les rondes dans le métro, l’opération Defend Europe etc…
Les autres
Bien entendu, Reconquête compte nombre de cadres importants. Si nous avons fait un focus sur les Samuel Lafont et Damien Rieu c’est qu’ils illustrent les deux faces de la stratégie de Reconquête : un ancien de l’UMP qui fait dans la réinformation et un ponte de Génération Identitaire qui fait dans l’agit-prop. Jetons un coup d’œil aux autres.Philippe Vardon
Encore une vieille connaissance! Philippe Vardon se fait d’abord connaître comme étant le chanteur du groupe de rock faf Fraction Hexagone avec Fabrice Robert à la basse. Mais avant d’être musicien, Vardon est surtout un vieux routard de l’extrême droite française : FNJ, Unité Radicale, puis il participe à fonder le bloc identitaire (avec Fabrice Robert) et son avatar Nissa Rebella en 2005.Les thématiques et les méthodes de Nissa Rebella sont sensiblement les mêmes que celle de Génération Identitaire : Immigration, régionaliste et européen, contre l’islam…
Marion Maréchal
La nièce de Marine s’est détachée petit à petit du FN jusqu’à quitter le parti en 2017, juste après les élections présidentielles. Elle part fonder l’ISSEP (Institut des sciences sociales, économiques et politiques) quelques mois plus tard. Une école calquée sur le modèle de l’Institut de Formation Politique et dont l’objet est de former des cadres pour l’extrême droite. L’ISSEP est même adoubée par Jean Yves Le Gallou.
Bruno Attal
Bruno Attal est un policier qui se fait connaître par son activité syndicale. Secrétaire adjoint du syndicat France Police, il se place juste derrière Michel Thooris, un autre policier habitué des plateaux tv et conseiller de Marine Le Pen depuis 2011. Ce dernier est d’ailleurs au cœur de la bisbille du RN dans le 06, il se revendique proche d’Eric Zemmour, mais ne pas avoir (encore) rejoint Reconquête.En revanche, Attal a rejoint Reconquête dès le début comme conseiller de Zemmour sur les questions de police. En fin de compte, ce micro-syndicat policier trouve l’oreille des grands pontes de l’extrême droite française. Il se présente aux législatives dans la 14ème circo du Rhône où il est éliminé dès le premier tour. Pari perdu pour celui qui voulait défier Taha Bouhafs à Venissieux et pour qui la campagne a été chaotique.Mais Bruno Attal c’est surtout des coups de com, comme le contre-feu dans l’affaire Zecler ou sur les contrôles au faciès.Stanislas Rigault
Porte parole de Génération Z (les jeunes de Reconquête), Stanislas Rigault est un jeune homme dynamique et de bonne famille. Le story telling nous montre un militant déterminé qui a mis ses études en pause pour participer à une campagne présidentielle. Malgré un parcours politique vierge, il est issu de l’enseignement catholique puis a continué ses études à l’institut de formation politique, une école privée très à droite (même si elle n’est rattachée à aucun parti) qui a également formé Samuel Lafont.Invité par l’UNI à l’université de Nice en janvier 2023, sa venue provoque une levée de boucliers qui le pousse à annuler. Génération Z se retrouve également liée à la cocarde étudiante qui joue au coup de force dans les universités.Stéphane Ravier
L’importance de Stéphane Ravier est double. Non seulement c’est une prise de choix au RN, mais il est également le premier sénateur rallié à Reconquête (un second, Sébastien Meurant quittera les LR pour le parti de Zemmour en décembre 2022).Il mène le combat contre SOS Méditerranée à Marseille.Paul-Antoine Schmidt
Ancien responsable des jeunes de Reconquête, il est condamné pour le tabassage d’un jeune français d’origine algérienne. Schmidt incarne bien les difficultés du parti de trouver des cadres formés, la plupart militant dans des organisations parallèles, souvent violentes. Dans son cas, il s’agit de l’Action Française.L’hyper présence des militants Reconquête, le cœur de la stratégie
Une fois les législatives passées avec ses résultats décevant pour Reconquête, il a fallut déployer une stratégie de terrain. En effet, le parti éloigné des institutions démocratiques va devoir faire parler de lui pour exister. Pour cela, Reconquête créé une dynamique de terrain et se montre sur plusieurs fronts.Le projet Horizon de Callac
Callac est une séquence importante, parce que ce village breton incarne une première victoire qui a galvanisé les militants.Les prémices
Peut être vous rappelez vous de cette action de Génération Identitaire en 2016. Le collectif d’extrême droite s’en prend à un projet de centre d’accueil pour des réfugiés. Nous sommes encore dans la séquence où le flux venant de Syrie, d’Érythrée ou d’Afghanistan est important. Ce centre concerne des personnes ayant fait la démarche pour obtenir le statut de réfugiés.
Une stratégie affinée
Fast forward. Nous sommes fin 2022, et Reconquête bat le rappel dans une petite ville bretonne : Callac. C’est ici que va se dérouler une bien triste bataille, première victoire de Reconquête.« Il y a une nouvelle stratégie d’une frange de l’extrême droite, qui consiste à faire de l’agitation et de mobilisation sur le terrain, en particulier à l’initiative de réseaux liés à Eric Zemmour, à des catholiques intégristes et à l’extrême droite. Il y a sans doute une volonté de faire une action de terrain au moment où la force historique de l’extrême droite semble vouloir jouer le jeu du parlementarisme. Le Front national veut se servir de l’Assemblée nationale comme tribune pour parler de la loi immigration qui va arriver juste après le projet de loi sur les retraites. Les franges de l’extrême droite se disent que c’est le moment d’occuper le terrain localement avec des manifestations et des rassemblements. » RadioFrance
Le projet Horizon de Callac
Jean-Yves Rolland, maire de Callac, en Bretagne voulait dynamiser son village. 75 emplois vacants, des lieux vides, des fonds trouvés. C’est le lancement du projet Horizon qui consiste à accueillir des réfugiés. Dans un premier temps, une école désaffectée sera pilote du projet.
Le conseil municipal vote le projet à l’unanimité en septembre, tout se présente bien.

Reconquête sent le bon coup, ils ont fait jeu égal avec les contre-manifestants. Ils organisent d’abord un dîner-débat le 18 octobre, puis une nouvelle manifestation le 5 novembre.
La pression devient forte, et le maire abandonne le projet. C’est une première victoire pour Reconquête : ils ont été le moteur d’une lutte sur le terrain, devant d’autres formations d’extrême droite. Puis ils ont fait jeu égal avec les organisations antifascistes (à défaut d’être plus nombreux, le rapport de force semblait plutôt équilibré). Enfin, ils ont obtenu gain de cause.
Menace de mort sur le journal Le Poher
Le Poher, c’est un journal local. Situé dans les Monts D’Arrée, il suit l’actualité des Côtes d’Armor. Et évidemment, ils ont suivi l’affaire de Callac, jusqu’ici tout va bien. Seulement, le journal est mis à cause par un anonyme pour son traitement du projet Horizon et le coup de force de l’extrême droite. Alerte à la bombe, menaces et insultes tombent en série sur le journal.
Le samedi 25 février, plusieurs centaines de citoyens et d’élus manifestent à Carhaix en soutien à l’équipe qui anime la feuille de chou. Les menaces semblent s’arrêter et l’auteur n’est pas encore identifié. Difficile pourtant, au vu des méthodes, de ne pas faire le lien avec la violence de l’extrême droite.
Saint Brévin Les Pins
Nous sommes le 11 décembre, un mois avant l’abandon du projet Horizon à Callac. Mais les militants Reconquête ont senti que cette stratégie pouvait être payante. Une manifestation est organisée à Saint Brévin Les Pins en Loire Atlantique. Cette fois, les contre-manifestants sont plus nombreux.
À Callac, la nouvelle de l’abandon tombe le 11 janvier. Un nouveau rassemblement est prévu le 25 février à Saint Brévin. Mais cette fois, l’extrême droite est mis en nette infériorité. D’autant que sur place, des militants se laissent aller à des saluts nazis et des chants racistes. La campagne de Saint Brévin a fait long feu.
C’est en partie du à la mobilisation des antifascistes bretons qui ont organisé des contre-manifestations jusqu’à être bien plus nombreux. Mais nous retiendrons tout de même que l’extrême droite a réussi à mobiliser des militants à plusieurs reprises, sur une séquence de 4 mois. Enfin, le 22 mars, Yannick Morez le maire de Saint Brévin voit son domicile touché par un incendie, manifestement d’origine criminelle.
Une dynamique contre les CADA
Un nom ressort très vite, c’est celui de Viltaïs. Il s’agit d’une association qui répond aux appels de l’état dans le cadre du programme Agir (Accompagnement global et individualisé des réfugiés). Un discours se met rapidement en place : l’État dépense des millions, l’associatif fait dans le trafic d’être humain, les réfugiés grand-remplacent la civilisation européenne.
- 11 février, manifestation à Grignon dans les Yvelines
- 25 février, manifestation à Bélabre dans l’Indre
- 25 février, manifestation à Beyssenac en Corrèze

Opération SOS Méditerranée
Pour ceux qui ont suivi, Génération Identitaire avait participé à l’achat d’un bateau en 2017, le C-Star. C’était l’opération Defend Europe, dont les objectifs étaient plutôt flous et qui est vite rentré au port. Le mal était fait, et les identitaires avaient fait parler d’eux.Forcément, l’extrême droite n’a pas renoncé à son thème de prédilection. Et pour Reconquête, SOS Méditerranée est la cible parfaite. C’est donc à Toulon en novembre, alors que le navire est à quai avec ses 230 réfugiés secourus et refusés par l’Italie, que Eric Zemmour et Marion Maréchal déboulent pour s’emparer du sujet.
Le combat contre la mairie de Paris
Génération Identitaire n’allait pas en rester là. La suite sera au tribunal administratif, après que la mairie de Paris ait voté une subvention de 100 000€ à l’ONG en 2019. Un certain Monsieur B se lance dans une croisade solitaire, mais victorieuse : la justice finit par annuler la subvention.
Marseille un lien stratégique
L’occupation du siège de SOS Méditerranée
Le 5 octobre 2018, 22 militants de Génération Identitaire organisent l’occupation du siège de SOS Méditerranée. L’action est violente et se finit par l’arrestation de tout le monde. Surtout, les identitaires ont déployé une banderole accusant l’ONG de trafic d’êtres humains.
Stéphane Ravier, tête de pont de la guerre contre SOS Méditerranée
Maintenant que Génération Identitaire n’existe plus, SOS Méditerranée n’est pas soulagé pour autant. Le 30 novembre 2022, une soirée caritative est organisée à l’opéra de Montpellier. Les militants de Reconquête préparent un comité d’accueil avec banderoles et slogans. Les messages y sont sur la thématique de la préférence nationale, mais on retrouve à la fois la méthode et l’une des cibles favorites de Génération Identitaire.https://www.youtube.com/watch?v=nXc7l_8BgdcMais il faut surtout compter sur Stéphane Ravier, transfuge du RN et premier sénateur de Reconquête, pour prendre le relais. Comme on le voit dans la capture de son compte Twitter, il s’est approprié le prétexte de Génération Identitaire : la traite d’êtres humains.
Le maire de Valence et les frères musulmans
L’affaire de Valence commence quand Nicolas Daragon, maire LR de la ville, accepte de vendre un terrain pour que l’association Valeurs et réussite agrandisse son école. La préfète recommande de ne pas vendre ce terrain vague.C’est un contexte parfait pour les identitaires qui s’engouffrent dans la brèche. Chronologie non exhaustive des appels de Damien Rieu :Le Patrimoine de Mayenne
Tout commence le 7 juin 2019 quand la tempête Miguel arrache une partie du toit de l’Église de La Baconnière qui s’effondre. La remise en état est à la charge de la mairie qui ne peut pas assumer ce coût. Lors des vœux du maire en janvier 2023, le constat est là, la destruction s’impose.Une pétition est lancée immédiatement, puis quelques jours plus tard, un premier rassemblement téléguidé par le candidat local de Reconquête, Pierre d’Herbais. Le 11 février, une nouvelle manifestation rassemble une cinquantaine de personnes contre la destruction de deux églises. Des camarades antifascistes leur font face.Les identitaires misent sur les circuits courts
Depuis la dissolution de Génération Identitaire, les identitaires ont misé sur une nouvelle tactique : créer des groupes plus petits, attachés à une identité locale mais interconnectés.La citadelle à Lille
La citadelle est un lieu historique du développement de Génération Identitaire. Aurélien Verhassel, le gérant du bar, est un vieux de la vieille. En effet, en 2014 déjà il participait aux rondes dans le métro lillois. Il est également connu pour être proche du Vlaams Belang.Après que Grégoire de Fournas, député RN, hurlait « qu’il retourne en Afrique » à l’adresse du député LFI Carlos Martens Bilongo, Verhassel et ses acolytes défraient la chronique en organisant une soirée nommé ainsi. Habitué des slogans chocs, Génération Identitaire se régale en voyant la mairie imposer la fermeture administrative.