24 janvier 2019 | Temps de lecture : 7 minutes

Jordan Bardella, le Conseil de sécurité, les membres permanents, le veto et toutes ces sortes de choses (2)

Le RN entre mauvaise foi et incompétence

Qu’est ce que Jordan Bardella a contre le conseil de sécurité de l’ONU ?
Au fur et à mesure des années, nous avons pu constater l’extrême (au choix du lecteur):
  • Incompétence
  • Tendance à la manipulation
Des « têtes pensantes » du FN sur les sujets internationaux. Nous avions pu, il y a seulement quelques jours parler des incohérences émises par sa cheftaine sur « l’affaire » de la charia au CEDH, nous rééditons aujourd’hui, un article qui se raccroche à ce problème. Ce faisant il ouvre une petite série. Ces séries comme vous avez pu le constater contiennent tout ou partie du même titre et une numérotation de ceux ci.
Voici donc le deuxième article sur les petites manipulations des caciques du FN/RN sur les questions internationales.
Enjoy.
Jordan Bardella, nouvelle coqueluche de Marine Le Pen, (et au vu du destin de Philippot, ou de la malédiction de tous les « numéros 2 » du FN/RN, à sa place on se méfierait) tête de liste du Rassemblement National aux Européennes,  s’oppose à ce que l’Allemagne obtienne son propre siège au Conseil de Sécurité de l’ONU.En même temps depuis plusieurs jours, ses responsables tentent de faire passer d’autres intoxs sur le « traité d’Aix la Chapelle ». Après ceux du « traité de Marrakech ».

Bardella et le conseil de sécurité

Au point tout de même que le même Jordan Bardella, déclarait, toute honte bue sur l’infox du FN/RN sur le traité d’Aix la Chapelle que:

« On a le droit d’avoir un avis qui diverge »

Cette nouvelle a fait quelques mini vaguelettes ce jour, puis, un clou en chassant un autre, le lendemain tout le monde avait oublié.
Pourtant c’est INCONTESTABLEMENT un fait majeur dans la politique de communication des extrêmes droites qui se joue là!!!
En effet, c’est , à notre connaissance, la première fois qu’un représentant de stature nationale du FN/RN(en l’occurrence, il s’agit de Jordan Bardella, tête de liste du Rassemblement National donc un cadre très important du parti d’extrême droite « majeur » en France) revendique officiellement le « droit » à avoir non, une opinion divergente, mais une « réalité alternative »…
Deux ans après l’élection de Trump, conseillé par Steve Bannon, sur ce sujet, les cadres du FN peuvent maintenant claironner haut et fort, comme Trump:

« Souvenez vous. Ce que vous voyez et ce que vous lisez n’est pas ce qui se passe »

Nous sommes désormais, comme aux USA entré dans une réalité Orwelienne où le fait lui-même n’est plus vérité… Il n’est plus question de tripatouillages honteux et plus ou moins assumés (rappelez vous de la « rumeur du « 93 ») avec la réalité, là on passe un stade supérieur dans la façon dont l’extrême droite peut présenter sa vision du monde.
C’est un signe de sa toute puissance idéologique puisque désormais, ils ont compris que leurs électeurs accepteront sans broncher cette tromperie permanente. Et pire l’accepterons comme « néo réalité ».

Il y a quelques années nous étions seuls à alerter sur la problématique des hoaxes politiques produits en quantité industrielle par l’extrême droite.
Aujourd’hui nous alertons sur un changement majeur du paradigme fascisant.
Attention!

« Le Parti vous disait de rejeter le témoignage de vos yeux et de vos oreilles. C’était son commandement ultime, et le plus essentiel » 1984-Orwell

Et il déclare sur France info ce matin (24 janvier 2019):
« les sièges sont attribués aux vainqueurs de la 2nde guerre mondiale. L’Allemagne n’a pas gagné la guerre. »
Bardella contre l’obtention d'un siège au conseil de sécurité par l’Allemagne
Bardella contre l’obtention d’un siège au conseil de sécurité par l’Allemagne

Comme lors de l’affaire de « l’arrêté du Conseil de l’Europe », le RN/FN confond tout, dit n’importe quoi. Au risque du ridicule qui heureusement pour les caciques du FN ne tue pas.

Bardella confond  « Conseil de sécurité des Nations unies » avec « Membres permanents » et « Membres non permanents »

En effet, le « Conseil de sécurité des Nations unies » est composé de deux types de membres. Membres, répétons nous: « permanents et « non permanents ».
Les membres permanents sont au nombre de cinq. Ils sont, de droit, membres de ce conseil de sécurité en PERMANENCE et disposent d’un droit de veto.

5 membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU
5 membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU

En plus de ces cinq membres permanents, le Conseil de sécurité est composé de 10 membres non permanents, non pourvus du droit de veto. La résolution 1991 de l’Assemblée générale des Nations unies (votée le 17 décembre 1963) a fixé leur répartition de la manière suivante :

Les membres non permanents ont un mandat de deux ans ; chaque année ils sont renouvelés par moitié par un vote à la majorité des deux tiers de l’Assemblée générale ; les membres sortants ne sont pas immédiatement rééligibles.

Bardella n’est pas clair dans ses propos. Mais il parle bien évidemment des membres permanent et de l’accession pour l’Allemagne à un tel poste.

Comment sont choisis ces membres?

Bardella prétend qu’ils ont été parmi les vainqueurs de 1945. C’est bien évidemment faux. Sinon comment la Chine se trouverait elle là? Et surtout pourquoi certains pays ne s’y trouvent pas?
En 1945, à la création de l’ONU, le siège de la Chine était occupé par le représentant de la République de Chine. Après son départ sur l’île de Taïwan en 1949 (année de l’arrivée au pouvoir du Parti communiste), le gouvernement chinois en exil continua d’occuper le siège de la Chine. Le 25 octobre 1971, l’Assemblée générale adopte la Résolution 2758 qui a pour conséquence le remplacement des représentants de la République de Chine par ceux de la République populaire de Chine dans toutes les instances de l’Organisation des Nations unies. En particulier, le siège de membre permanent au Conseil de sécurité revient au représentant de la Chine communiste.

Jusque là le raisonnement de Bardella se tient à peu près. Mais dans ce cas pourquoi exclure, l’Australie, le Canada et l’Afrique du Sud ou le … Népal? Sans compter  que d’autres pays ont rejoint les Alliés un peu plus tard (surtout après l’attaque de Pearl Harbour, comme le Mexique par exemple).

Tout simplement parce que d’autres critères ont été retenus…
On évoque parfois la possession de l’arme nucléaire pour expliquer cela; sauf que c’est faux. Ces sièges ayant été attribués à certains pays ne la possédant pas au moment de la création de cette instance.
En fait c’est le poids démographique qui a été retenu. Ces cinq pays représentant 50% de la population mondiale.

Les deux principaux textes à la base de la charte des Nations Unis sont ceux des conférences de Durnbarton Oaks et de Yalta.

La Déclaration des Nations unies est un document qui fut signé par 26 nations qui s’engagèrent ensemble à poursuivre la guerre contre les puissances de l’Axe. Elle fut signée le 1er janvier 1942 à Washington, DC.

L’origine de la Déclaration des Nations unies vient de la Charte de l’Atlantique.

A la fois, parce que ce sont les principaux vainqueurs de la Guerre et parce qu’ils représentaient à ce moment-là la majorité de la population mondiale (en comptant les empires coloniaux), chacun à-peu-près à égalité. La France a du négocier âprement ce poste de membre permanent, elle ne l’a pas obtenue de droit au vu de son statut d’état collaborateur pendant la seconde guerre mondiale.
Le conseil de sécurité projeté avait besoin de troupes(voir les projets de la conférence de Dunbarton Oaks) et la France comme la Chine (entendue la République de Chine « Taïwan », alors seul représentant international légitime du peuple chinois) étaient capables de fournir des soldats en nombre et bien aguerris.

La France, même battue et occupée par l’Allemagne nazie, avait joué un rôle primordial en tant que membre permanent de la Société des Nations, était une puissance coloniale de première importance. Ce qui explique cette proposition du Royaume Uni à Dumbarton Oaks sans lequel la France ne disposerait pas de ce siège permanent.

Critique

Comme on vient de le voir, la France n’a obtenu ce siège que par les petites vicissitudes de l’histoire, presque par hasard. Or cette position de « membre permanent » au conseil de sécurité est aujourd’hui extrêmement contestée. Car, si Bardella ne le sait pas, le monde à évolué depuis 1945.

Tout d’abord, les représentations démographiques ne sont plus les mêmes.
Les membres permanents ne représentent en 2006 que 30 % de la population mondiale, dont 20 % pour la seule Chine, contre plus de 50 % en 1945, dont moins de 15 % pour la Chine. Cette situation explique pourquoi une large partie des États membres, depuis les années 1970 surtout, conteste, sinon l’existence même des membres permanents, du moins le choix de ceux actuels ou le nombre de membres permanents, voire de non permanents. C’est ainsi que des pays comme l’Afrique du Sud, l’Algérie, l’Allemagne, le Brésil, l’Égypte, l’Inde, l’Indonésie, le Japon, le Nigeria ou l’Italie souhaitent devenir membres permanents.

Les postions de veto du conseil de sécurité bloquent énormément de résolutions qui autrement auraient été voté par l’assemblée générale des Nations Unis.
Cela est le cas avec l’attaque d’Israël sur le Liban, le non-respect de ses engagements en matière nucléaire de l’Iran, l’essai d’une bombe nucléaire par la Corée du Nord, ou dans le cadre de la guerre civile syrienne : dans chacun de ces cas, l’un des membres permanents a bloqué l’adoption d’une résolution coercitive, y compris quand une précédente résolution avait posé une date butoir après laquelle ce type de mesures devait être pris.

Enfin, et ce n’est pas un détail, les ambassadeurs aux Nations unies des membres permanents du Conseil agissent souvent sur ordre direct des chefs d’État ou de gouvernement. La France est par ailleurs le seul État siégeant au Conseil de sécurité possédant un chef de l’État démocratiquement élu au suffrage universel direct — ce qui n’est pas le cas du monarque du Royaume-Uni, du président des États-Unis, élu de façon indirecte par le collège électoral américain, et du président de la République populaire de Chine, élu par le comité central du Parti communiste, des irrégularités graves étant constatées en Russie bien que pratiquant le suffrage universel direct.

Comme sur la question de l’UE , le RN/FN défend donc une position strictement nationaliste de l’attribution des sièges permanent à l’ONU: pas de partage de souveraineté, pas de remise en cause du droit de veto, pas de discussion sur l’attribution de nouveaux sièges a des pays dont l’importance démographie, le poids économique justifierait de cette attribution.
Dont l’Allemagne…

Ce qui pourtant participe  activement de l’inutilité du conseil de sécurité si ce n’est pour entériner un impérialisme des cinq membres permanents et une contestation permanente des autres nations sur la légitimité de cette institution.
Si au niveau national, le FN/ RN pleure pour une représentation proportionnelle aux élections, notamment législative, en raison, argue t’il de son poids électoral; ce même FN/RN nie une telle démocratisation de l’instance exécutive de l’ONU.

Enfin, et pour conclure, on ne pourrait que sourire (sans trop gloser) sur l’argumentation sophistique de Bardella qui consiste à refuser un siège permanent au conseil de sécurité à l’Allemagne du fait de sa position pendant la seconde guerre mondiale….
FN/RN qui parle quasi constamment de refuser la « repentance » pour les crimes passés de l’état français (coloniaux ou de la collaboration), mais qui apparemment s’arrange de la repentance de l’Allemagne.
Et enfin sur le rapport particulier du FN/RN avec les idéologues de cette même Allemagne lorsqu’elle était nazie… (Voir notre article sur le sujet, en particulier la partie 4) )

Debunked !!!

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