En résumé L’inversion accusatoire est une technique qui permet d’éviter d’argumenter en accusant son interlocuteur. Peu importe si c’est absurde, peu importe si c’est grotesque. Cette technique est régulièrement utilisée par l’extrême droite qui a impérativement besoin d’attaquer en premier pour se donner une bonne image.
C’est devenu un système de propagande tellement répandu que nous ne sommes pas les seuls à nous en être aperçu. A notre grand amusement, Arrêt sur Image a sorti un article sur le même sujet alors que nous écrivions celui-ci. Plongée dans un système de communication généralisé dans la galaxie des extrêmes droite.1) « L’inversion accusatoire », qu’est ce que c’est?
Aux échecs, un « bon tour » nécessite que vous ne soyez pas obligé au tour suivant de revenir en arrière avec la même pièce sur la case précédente. Autrement dit, la meilleure défense; c’est l’attaque. Imaginez donc un procédé rhétorique qui vous permette d’attaquer en neutralisant l’adversaire, ce qui renforce votre défense. Ce procédé rhétorique fallacieux se nomme « l’inversion rhétorique », et il est tout simple: attribuer à votre adversaire vos propres défauts/turpitudes.Un bon exemple c’est cette litanie sempiternelle que l’on « entend » depuis pas mal d’années maintenant sur le fait que « le fascisme c’est la gauche », « la collaboration, c’est la gauche », ou bien « le nazisme est d’extrême gauche, car « nazi » veut dire « national SOCIALISTE ».
« la gauche passe son temps à inventer des concepts pour criminaliser l’adversaire ».Que répondre à cela?
- Effectivement le terme de « fasciste » a été utilisé à tort et à travers par le passé. Ce terme désigne une des branches de l’extrême droite. Mais il est passé dans le langage courant pour désigner toute personne d’extrême droite.
- Zemmour est il donc « fasciste »? Non. Le fascisme a un modèle économique de « troisième voie » basée sur le corporatisme; alors que Zemmour est un néo libéral bon teint dans le plus pur style de « l’école de Chicago ».
- Est il « d’extrême droite »? Oui. Bien sûr. Quels que soient les critères utilisés pour définir quelqu’un d’extrême droite, il en fait partie incontestablement. Exemple:
Cas Mudde a catégorisé les familles d’extrême droite dans sa thèse intitulée «The Extreme Right Party Family. An ideological approach» (1998). Pour lui, appartiennent à l’extrême droite les formations qui combinent :
- Le nationalisme (étatique ou ethnique) ;
- L’exclusivisme (donc le racisme, l’antisémitisme ;
- L’ethnocentrisme ou l’ethnodifférentialisme) ;
- La xénophobie ;
- Des traits antidémocratiques (culte du chef, élitisme, monisme, vision organiciste de l’État) ;
- Le populisme ;
- L’esprit anti-partis ;
- La défense de la loi et de l’ordre ;
- Le souci de l’écologie,
- Une éthique de valeurs qui insiste sur la perte des repères traditionnels (famille, communauté, religion),
- Un projet socio-économique qui mélange corporatisme, contrôle étatique sur certains secteurs et croyance forte dans le jeu naturel du marché.
Définition selon le discours
L’historien français Michel Winock, dans son ouvrage «Nationalisme, antisémitisme et fascisme en France» (2004) tente de définir l’extrême droite en donnant neuf caractéristiques aux mouvements d’extrême droite qui découlent du « discours de la décadence :- «La haine du présent», considéré comme une période de décadence
- «La nostalgie d’un âge d’or»
- «L’éloge de l’immobilité», conséquence du refus du changement ;
- «L’anti-individualisme», conséquence des libertés individuelles et du suffrage universel ;
- «L’apologie des sociétés élitaires», l’absence d’élites étant considérée comme une décadence ; élites appartenant, bien entendu aux cercles du pouvoir!!!
- «La nostalgie du sacré», qu’il soit religieux ou moral ;
- «La peur du métissage génétique et l’effondrement démographique» ;
- «La censure des mœurs», notamment la licence sexuelle et l’homosexualité ;
- «L’anti-intellectualisme», les intellectuels n’ayant « aucun contact avec le monde réel » (Pierre Poujade).
- Que veut dire « fascisme »
- Quel est le sens étendu?
- « La gauche », qu’est ce que « la gauche », laquelle fait ce genre d’accusation?
- « Invente des concepts »? Lesquels? Le fascisme est il un concept creux?
- Non le « fascisme » n’est pas un concept creux
- Non Zemmour n’est pas « fasciste » mais bien d’extrême droite » ce qui ne diminue pas la portée de ce qu’il dit
- Non c’est bien SON camps politique qui utilise à outrance la création de concepts creux qui « criminalisent l’adversaire ». Problème bien entendu de cette méthode et qui s’inscrit dans la « loi de Brandolini ». Le temps consacré à démonter cette argumentation est inversement proportionnel à celui qu’il a fallu pour la lancer…
2) L’inversion accusatoire, la reconnaître par l’exemple.
Il n’est pas si évident de reconnaître ce procédé. Et de le détecter. C’est pourquoi nous allons voir quelques exemples de celui-ci pour bien comprendre ses différentes formes.Le « céçuikidikiyest »
Rien de bien compliqué dans cet exemple. C’est celui que nous avons utilisé plus haut de Zemmour. Ou l’accusation de « le nazisme c’est la gauche ». Le procédé est relativement aisé à repérer. On se souvient dans ce style de l’infox concernant « Churchill et les antifas » que nous avions debunké il y a quelques années:

Le complotiste, c’est les autres
Variante du précédent, celui ci est beaucoup plus précis, il va reprendre point par point des constatations de fonctionnement chez vos interlocuteur. Celui ci va alors le retourner et vous accuser de vos propres accusations. Exemples:L’innocent, le résistant, c’est moi
Cette fois, au lieu d’attribuer vos défauts aux autres, vous leur volez leurs attributs. Exemple, ici le « résistant », c’est le complotiste fascistoide.- L’inversion de l’inversion
L’inversion accusatoire de l’essentialisme
Utilisée principalement dans le cadre de l’antisémitisme, il s’agit cette fois d’accuser les victimes d’hier d’être les bourreaux d’aujourd’hui. On va comparer les soldats israéliens aux nazis du 3ème reich par exemple. On parle de « génocide du peuple Palestinien », et le sionisme est associé au nazisme. Un bon exemple décrit dans un de nos précédents articles est d’écrire le mot « sionisme » avec deux « S » majuscules: « sioniSSme ». Le propagandiste va ainsi lier sionisme et les SS de sinistre mémoire dans l’esprit du lecteur.Et enfin un exemple qui cumule les deux précédents, issu du site d’un antisémite hystérique: L. Glauzy. Cette fois on attribue aux juifs d’avoir fait de véritables autodafés de la « culture allemande » en 1945. Alors que ceux qui eurent lieu pendant l’époque nazi était de gentilles tentatives de se débarrasser de « livres pornographiques »…
”Le moyen le plus efficace pour détruire les gens est de nier et d’effacer leur propre compréhension de leur histoire !” ( George Orwell) Après la capitulation en 1945, à la suite des quatre premières années d’occupation militaire, la société allemande a subi des changements plus importants qu’elle n’en avait connus pendant douze ans de règne national-socialiste.« Après 1945, la plus grande destruction de livres de l’histoire a eu lieu en Allemagne, dans le but d’éteindre la culture allemande et la mémoire collective allemande ( Kontrollratsbefehl n•4. “Einziehung von Literatur und Werken nationalsozialistischen und militaristischen Charakters”, 13 mai 1946). Afin de mener efficacement la rééducation planifiée, 35.743 titres et publications dans des Bibliothèques et des librairies furent détruits, y compris des légendes héroïques et des livres pour enfant. (“Allied Censorship in post-war Germany”[ Censure alliée dans l’Allemagne d’après-guerre], Junge Freiheit, 11 mai 2007.) Une statistique ironique, étant donné que la destruction de livres par le feu a toujours été citée comme un exemple de l’extrémisme national-socialiste. »Gérard Menuhin Page 70, dites la vérité et vous humilierez le diable. NB Les livres que les Allemands brûlèrent en 1933, furent surtout les livres porno qui débauchaient la jeunesse et la population allemande. On observe tout ça en ce moment même (2019) dans les livres destinés aux enfants dans les écoles.On notera pour la bonne bouche les trois petites subtilités de propagande de ce texte:
- Citer Georges Orwell comme référence (argument d’autorité). Orwell étant socialiste, ayant travaillé pendant la guerre à la BBC pour contrer la propagande nazie, l’auteur commet une remarquable inversion accusatoire d’acquisition d’une personnalité de gauche résolument opposée à celle de Glauzy.
- Réussir à mettre sur le même plan les autodafés nazis et l’ordonnance n°4 du Conseil de Contrôle sur l’élimination des éléments de propagande du régime nazi. Inversion accusatoire à nouveau.
- Citer enfin Gérard Ménuhin qui est certainement un des négationniste les plus contestés du fait de sa défense passionnée du régime hitlérien, mais surtout de son ascendance juive. Personnage au dessus de tout soupçon puisque juif selon les négationnistes du style de Glauzy.