« Je suis partout »
La manipulation avec Zemmour
Internet et les réseaux sociaux, c’est bien avant les internautes, des algorithmes. Depuis l’ère du 2.0, on sait pertinemment que « si c’est gratuit, c’est vous le produit ». On pourrait inverser la chose en disant que si c’est vous le produit, c’est que ce n’est pas gratuit. Et en politique attirer votre attention et vous manipuler est relativement simple grâce à nos bons algorithmes. En 2018, le monde découvre effaré la manipulation à échelle nationale du scandale « Cambridge Analytica ». On sait aujourd’hui que depuis 2014, cette société utilise de façon frauduleuse les données des électeurs pour manipuler les élections américaines de 2016 dont Trump a largement bénéficié, mais aussi le Brexit. Sans Cambridge Analytica, probablement pas de Trump et pas de Brexit. Dans les deux cas, un milliardaire dont l’extrême droite ne parlera pas: Robert Mercer. L’extrême droite si prompte à dénoncer Soros ne vous parlera pas de ces gentils milliardaires là. Ou de Bolloré… Exemple:Claire Sécail, chercheuse au CNRS décrit dans un thread twitter comment celui ci opère pour offrir un boulevard jonché de pétales de fleurs:Hier, pour la 3e fois depuis septembre, Hanouna offrait 14mn de pure propagande à Z*mmour en diffusant une vidéo "exclusive" du candidat d’extrême droite. Décryptage d’une séquence montrant comment les intérêts du producteur Hanouna se mettent au service de l’idéologie Bolloré.⤵️ pic.twitter.com/6J3j7yXohW
— Claire Sécail (@clairesecail) January 7, 2022
L’astroturfing ou « similitantisme ».
Mais sans aller jusqu’à un tel degré de sophistication, la zemmourie se sert tout de même d’une technique de propagande vielle comme le monde: l’astroturfing ou « similitantisme ». Sous ce nom un peu barbare se cache une redoutable technique de manipulation:Une technique de propagande enseignée dans les facs françaises… Mais on ne dit pas « propagande », mais « communication »…Alors comment s’y prennent ils?Historique
C’est le sénateur du Texas Lloyd Bentsen qui utilise le terme astroturfing pour la première fois en 1986. Il raconte que de nombreux courriers qui lui sont envoyés soi-disant par des citoyens sont en réalité une campagne de lobbying d’une compagnie d’assurance.Cette tentative de manipulation fait référence à la pelouse artificielle de marque AstroTurf utilisée dans les stades. Elle consiste à simuler un mouvement citoyen, venu de la base (appelé « grassroots movement » en anglais américain).Définition
C’est une technique consistant en la simulation d’un mouvement spontané ou populaire à des fins d’ordre politique ou économique pour fabriquer l’opinion. Elle consiste à donner l’impression d’un sentiment majoritaire pour justifier une prise de position.L’astroturfing peut prendre de multiples formes, de la simple dissimulation de son appartenance à un parti ou de ses liens financiers avec une société, tout en prétendant apporter un témoignage indépendant, jusqu’à des formes plus complexes, utilisant des logiciels qui multiplient de fausses identités sur Internet.Le but de ce type de campagne est de faire passer un message en le présentant comme spontané, en masquant son caractère commandité. Les astroturfers tentent d’orchestrer des actions qui semblent provenir d’individus divers et dispersés géographiquement et utilisent des méthodes de désinformation. L’astroturfing peut être pratiqué par une personne seule ou par des groupes professionnels organisés, avec des appuis financiers de grosses entreprises ou d’organisations activistes ou non lucratives. Très souvent, l‘organisation est gérée par des consultants politiques qui sont spécialisés dans la recherche en opposition.
« L’astroturfing avec Zemmour »
Un de nos membres a été alerté par l’apparition de groupes twitter construits sur le même modèle « les … avec Zemmour », alors nous avons décidé d’aller y regarder de plus prêt et nous avons découvert effectivement une profusion de ce type de groupes. Le but est simple: faire croire à un mouvement de la « France profonde » en faveur de Zemmour. Mais pas seulement.- Mots clés Ces comptes vont permettre de « Squatter » des « mots clés » pour saturer les moteurs de recherche et créer des hashtags dynamiques. Ces mots clés influencent non seulement les participants aux réseaux sociaux qui ont plus de chance de se les voir proposer comme « Tendances »:
Deux théories décrivent l’influence des médias sur l’opinion publique. D’abord l’agenda-setting, préalablement expliqué, ainsi que le principe de cadrage. En étudiant l’agenda-setting, certains auteurs approfondissent l’influence que peut avoir le contenu des médias sur l’agenda public en s’intéressant directement aux comportements des citoyens. En effet, pour comprendre comment se transforme l’agenda public, il faut d’abord comprendre comment les citoyens réagissent. Iyengar explore les effets du cadrage (framing) de l’information. « Framing is the subtle selection of certain aspects of an issue by the media to make them more important and thus emphasize a particular cause of some phenomenon » (Iyengar, 1991, p. 11). Par exemple, pour intégrer les nouvelles au format des bulletins d’informations, les journalistes simplifient les enjeux et sélectionnent un angle de traitement particulier. Cet angle et d’autres facteurs, tels le choix des intervenants et le ton de la nouvelle, influencent la compréhension de l’événement et suggèrent une prise de position par rapport à la nouvelle (Kim, et al., 2002, p. 8). « Framing tells us how to think about issues and objects » (Sallot et Johnson, 2006, p. 152). Ainsi, les médias font plus qu’informer l’opinion publique de certains enjeux. Iyengar (1991) démontre qu’ils en orientent la perception par le cadrage de l’information.19L’agenda public détient un rôle particulier dans la démocratie, puisqu’il incarne les priorités de l’opinion publique, elle-même garante de la légitimité du gouvernement. Ainsi, l’agenda public se retrouve au cœur de plusieurs jeux d’influence. Le contenu de l’agenda public influence le contenu de l’agenda médiatique.18Finalement, il a été démontré que la mise à l’agenda n’est pas le seul mécanisme d’influence des médias sur l’agenda politique. Les études découlant de l’agenda-setting mettent en exergue un mécanisme indirect d’influence des contenus médiatiques sur le gouvernement. Le priming (Iyengar et Kinder, 1987) sous-tend que les enjeux qui prévalent à l’agenda médiatique sont ceux sur lesquels les citoyens évaluent la performance des gouvernements et des élus et, plus encore, que les indications transmises par le cadrage (framing) sont utilisées comme barème par les citoyens pour poser leur jugement. Le priming démontre donc un lien direct entre la fonction d’agenda-setting et les enjeux que les citoyens choisissent pour évaluer la performance de leurs élus (Entman, 1989 ; Salwen et Matera, 1992). « When making decisions about political actors or public figures, […] audience members rely on those issues as a basis for evaluation which are the most salient to them at the time they make the decision » (Kim et al., 2002, p. 7-8). Cette fonction démontre que l’agenda médiatique influence les comportements démocratiques des citoyens, puisque son contenu peut en orienter les décisions8. Conséquemment, les élus portent une attention particulière aux contenus médiatiques, puisqu’ils influencent à la fois l’agenda public et l’évaluation que font leurs électeurs de leur performance (Baumgarter et al., 1997, p. 321). Ceci expliquerait pourquoi, dans certains cas, il appert que l’agenda médiatique influence directement l’agenda politique sans transiter par l’agenda public. « Government officials and politicians take the amount of media attention given to an issue as an indirect expression of public interest in the issue » (Dearing et Rogers, 1996, p. 77). En ce sens, les médias font aussi de l’agenda-building auprès du gouvernement.
- 8 Pour McCombs (2004), le cadrage et le priming sont des niveaux supplémentaires de la théorie d’agen (…)
- Créer une dynamique




- Souder un électorat
« Les machins avec Zemmour »
Et maintenant passons en revue ces fameux groupes, puis les personnes « derrière » ceux ci.Les groupes (liste non-exhaustive)
- L’Afrique avec Zemmour

- Les agriculteurs avec Zemmour

- Variante du précédent: Les jeunes agriculteurs

- Les amoureux du patrimoine

Les apiculteurs

- Les catholiques

- Les Chasseurs

- Les chrétiens d’Orient

- Les conducteurs

- Les CSP+

- La droite,

- Les écoles de commerce

- Les économistes

- Les entrepreneurs

- Les étudiants

- Les experts comptables

- Les forces de l’ordre

- Les femmes

- La gauche

- Les gilets jaunes

- Les grandes écoles

- Le handicap

- Les infirmier(e)s

- Les jeunes

- Les juristes

- Les lycéens

- Les maghrébins

- Les mandrins

- Les militaires

- Les musulmans

- Les pompiers

- Les profs

- Les retraités

- Le rassemblement national

- La santé la société civile

- La tech numérique

- Les transalpins


Qui tire les ficelles?
La campagne Zemmour est surtout axée sur les réseaux sociaux et certains médias. On le voit peu ou pas sur les méthodes traditionnelles. On a vu quelques colleurs d’affiche, mais leur inexpérience faisait peine à voir. Peu ou pas de distribution de tract, pas de porte à porte sauf chez les maires pour les signataires. Bref une campagne à la Trump dont on se souvient qu’il avait les mêmes méthodes.Il est très difficile de trouver qui est derrière ces comptes sauf exception. Mais des indices concordants tendent à dessiner un scénario dont les acteurs sont connus. Les trois quarts des comptes ont été crées dans les 2 où 3 derniers mois… certains datent du printemps quand par exemple l’association de François de Miramont (« les amis de Zemmour ») militait pour sa candidature. Très peu sont plus anciens.
On peut donc supposer que des communicants zélés sont derrière ceux ci et ca tombe bien. Non seulement ces mêmes suspects sont quasiment toujours retwettés par ces comptes pro zemmour, mais de surcroît ils sont bien connus pour leurs techniques de communication sur internet; quand ils ne sont carrément pas PDG d’une boite de com. Bien entendu, pas de preuve absolue; mais bien un faisceau d’indices concordants.
Mais commençons par l’exception. Un de ces groupes met en image son probable créateur: « les économistes avec Zemmour ». L’homme est facilement repérable:
Il s’agit de Pierre Romain Thionnet, bien connu de la fachosphère, de par sa position de secrétaire de la Cocarde. On y retrouve ensuite les groupes « leaders » de la com zemmourienne (sans compter le compte d’Eric Zemmour lui-même):
Notons que le nom « Reconquête! » fait l’objet de la même campagne d’astroturfing, avec cette fois des mots clés associés géographiques (la liste n’est pas exhaustive, il en existe des dizaines de plus):

- Samuel Lafont
- Antoine Diers
- Stanislas Rigault Stanislas Rigault est né en 1999, père est un militaire et sa mère travaille dans le domaine de la santé. Le personnage n’est pas un inconnu dans le milieu de la droite. En effet, il a fondé un média web d’extrême droite « L’étudiant libre » dans lequel il invite régulièrement des personnalités d’extrême droite comme Valek, le Youtuber fascisant et Thaïs D’Escufon (des identitaires )ont déjà été invités à s’exprimer sur son blog.
- Juliette Briens Youtubeuse d’extrême droite wanabe qui grenouille aussi à Sud Radio.
- Olivier Ubeda Ancien chargé de com de l’UMP, passé à l’extrême droite zemmourienne.
- Eleonore Lheritier Etudiante en droit, conseillère en com wanabe de l’équipe zemmour.
- Garen Shnorhokian Communicant de l’équipe Zemmour, responsable du départ de la famille des millionnaires Gave des soutiens de Zemmour. Tiens une agence de com nommée « Panpan communication ».
CONCLUSION
Voilà nous avons fait un peu le tour d’un des pans de la communication manipulatrice du candidat Eric Zemmour. Une campagne qui utilise des techniques connues, éprouvées, caractéristiques des campagnes d’extrême droite et reconnues efficaces depuis les campagnes Trump et du Brexit. Et le tout mis en musique par des orfèvres en la matière de manipulation.
Pour en savoir plus
- L’astroturfing.
- L’astroturfing et les extrèmes droites
- Quelques méthodes d’astroturfing en politique de l’équipe Trump