
I) On prends les mêmes…
Et on recommence !Il faut tout d’abord revoir les estimations successives que donnent actuellement le RN, et disons le c’est toujours aussi aléatoire.- En juin 2019, Jean Lin Lacapelle parle d’un chiffre entre 10 et … 70 milliards. On a vu des fourchettes moins larges…
- Décembre 2021, Marine le Pen cite au bas mot « 80 milliards »…
- En aout 2023, c’est une députée RN qui table sur une dépense de 54 milliards d’euros.
- Mars 2024, la grande cheftaine parle de 16 milliards d’euros.
- En avril 2024, Bardella chiffre ce « coût » à 30/40 milliards… Chiffres provenant d’un institut bidon comme le montre l’article de l’AFP.
II) Mécomptes de comptes
Comme nous l’expliquions dans notre 1er article sur le sujet, ces comptes sont fantaisistes :Mais quelle est la valeur des travaux sus cités ?Laissons répondre le talentueux démographe François Gemenne qui a cloué le bec à Philippot lors de l’émission « Salut les Terriens ». Dans une interview aux Inrockuptibles, voici ce qu’il déclare :« Le FN continue de s’appuyer sur le rapport de Jean-Paul Gourévitch et de Pierre Milloz pour affirmer que l’immigration représente un coût économique pour la société française. Quel regard portez-vous sur ces rapports ?Il faut distinguer les deux, qui ne disent d’ailleurs pas exactement la même chose. Pierre Milloz a longtemps été militant du Front National, et son rapport de 1990 sur le coût de l’immigration a été réalisé directement pour le Front National. Il en a ensuite publié plusieurs variantes, aux “Editions Nationales” puis aux “Editions Godefroy de Bouillon”, un éditeur d’extrême-droite spécialisé dans ‘les livres sur la religion musulmane’. Chacun en tirera les conclusions qu’il voudra quant aux conclusions du rapport. Pour ma part, je trouve cela relativement cohérent que le FN s’appuie sur un rapport qu’il a lui-même commandé et publié.Le rapport de Jean-Paul Gourévitch est un peu différent, puisqu’il a été réalisé pour les “Contribuables Associés”, un collectif de militants qui se battent ‘contre l’oppression fiscale’. Il était peu vraisemblable, dans ces conditions, que le rapport estime que l’immigration a un impact fiscal positif. Jean-Paul Gourévitch, soit dit au passage, a depuis révisé ses chiffres, et estime désormais le coût de l’immigration à 5,5 milliards d’euros.Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que ces deux rapports ne sont pas des rapports de recherche. Ce sont des rapports d’expertise, de consultance, réalisés pour un commanditaire particulier, dans un but précis. Je ne veux pas jeter l’opprobre sur les activités de consultance en général, mais il faut bien comprendre que ce n’est pas de la recherche effectuée dans l’intérêt général, ce sont des recherches effectuées pour un commanditaire spécifique – dans notre cas, le FN et les “Contribuables Associés”, respectivement. »D’où viennent ces chiffres ? Le RN utilise abondamment ceux fabriqués par « Contribuables associés » et « l’Observatoire de l’Immigration et de la Démographie »Or, justement l’Institut Jean Jaurès a décortiqué les assertions de « l’Observatoire de l’Immigration et de la Démographie » et de « Contribuables associés ». C’est pour le moins … éclairant…Voici les calculs de « l’Observatoire » :
Ceci étant rappelé, deux études retiennent l’attention : celle de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE)2 et celle du Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII)3 rattaché au Premier ministre. Ces rapports ont le mérite de faire la part belle à la raison plutôt qu’à l’émotion. Toutefois, en dépit de leur sérieux, ces rapports ont donné lieu aux interprétations les plus ubuesques.[…]En effet, le directeur de l’Observatoire de l’immigration et de la démographie indique avoir pris les chiffres tirés des deux études sérieuses précédemment citées, celles de l’OCDE et du CEPII. Jusqu’ici rien de mal. Mais ce n’est pas les sources qui sont en cause. C’est la méthode des Contribuables associés qui interroge. Celle-ci consiste à prendre des pourcentages des années précédentes pour les appliquer au PIB de l’année la plus récente. Par exemple, pour une contribution au déficit de 1,64% de PIB en 2011, ils appliquent ce même 1,64% au PIB en 2019. Or, le PIB en 2019 étant de 2,639 milliards d’euros, ils obtiennent 38,85 milliards d’euros de déficit. Toutefois, cette méthode n’a aucune validité scientifique. Pour cause, les pourcentages retenus par les experts sont des moyennes sur plusieurs années (2006 à 2018 pour l’OCDE, 1979 à 2011 pour le CEPII). Il est donc hasardeux de les appliquer à une seule année. De fait, il est d’autant plus erroné de prendre une projection linéaire tirée d’une période passée pour l’appliquer à une année ultérieure.Et pour « Contribuables », ce n’est pas mieux :Un cumul d’erreurs et de faux pas
Mais ce n’est pas tout. L’erreur principale commise par l’Observatoire de l’immigration et de la démographie concerne la population observée. Le rapport de l’OCDE prend en compte les « personnes nées à l’étranger », et pas uniquement les immigrés ou les étrangers. Or, ces personnes nées à l’étranger comptent parmi elles de nombreux Français. En effet, selon l’Insee, 1,7 million de Français résidant en France en 2023 étaient nés à l’étranger. Autre source de difficulté : cette catégorie intègre des ressortissants de l’Union européenne (UE) au sein duquel ils peuvent circuler librement au sein de l’espace Schengen. En 2023, 32% des sept millions d’immigrés étaient originaires d’un pays de l’UE. À y regarder de plus près, la méthode utilisée cumule donc les erreurs. Parmi les autres faux pas, celui de prendre en compte le coût des immigrés pour des dépenses publiques dont la population profite collectivement et qui, partant, sont impossibles à comptabiliser individuellement. Il en va ainsi des dépenses militaires, du service de la dette ou encore des dépenses de fonctionnement de l’État. Peu importe la taille et la composition de la population, leur coût pour les finances publiques reste le même.En réalité, les rapports sur lesquels s’est fondé le directeur de l’Observatoire de l’immigration et de la démographie n’aboutissent jamais au montant de 40 milliards. Bien au contraire, ils présentent une toute autre vision.
Ce genre de calculs et « d’instituts » bidons ne vous rappelle rien ? Car ils se multiplient à l’extrême droite ces dernières années, rappelez vous, l' »IFRAP organe ultra conservateur et en même temps ultra libéral; ou bien l’Institut pour la Justice, chargé d’avancer l’agenda sur la répression. Ces instituts/Think Tank de l’extrême droite n’ont qu’une fonction: se faire inviter sur les plateaux télé pour y asséner des chiffres sans aucune rigueur scientifique que personne ne vérifiera, et que personne ne contestera. C’est ainsi qu’on ne se pose jamais la question des opinions politiques de leurs membres, ni de leurs financements.Les complotistes qui sont si rapides à dégainer les éventuels conflits d’intérêts deviennent sur ces gens là d’une pudeur de violette. C’est ainsi que ces instituts se parent mystérieusement d’objectivité scientifique grâce à la nullité crasse des journalistes, ou pire de leurs complicités avec ceux ci.Manipulation et manque de rigueur scientifique pour les Contribuables associés
Du côté des Contribuables associés, une association qui milite pour la réduction des dépenses publiques, ce n’est guère plus reluisant. Le directeur de l’étude qui avance le montant de 53,9 milliards d’euros, Jean-Paul Gourévitch, n’est ni économiste, ni statisticien. Cet ancien consultant international sur l’Afrique est désormais un adepte de la théorie du « grand remplacement ». Il avait déjà réalisé plusieurs études pour dénoncer le coût de l’immigration, sévèrement critiquées pour leur manque de rigueur scientifique. Son étude pour les Contribuables associés n’échappe pas à ces mêmes travers. Tout d’abord, l’auteur reconnaît lui-même ne pas avoir eu accès aux chiffres officiels des dépenses. Aussi les a-t-il tout simplement remplacés par des estimations. Ensuite, Jean-Paul Gourévitch reconnaît qu’il y a des bénéfices réels à éduquer les immigrés et leur progéniture mais, selon lui, ils sont impossibles à calculer, tout comme le seraient ceux des autres aides aux migrants. Or, si l’on retire ces bénéfices de la balance, la comparaison avec les dépenses est faussée. C’est dire qu’entre manipulation des chiffres, estimation erratique et manque de rigueur scientifique, on ne sait pas d’où viennent les chiffres tirés de cette étude ni même à quoi ils se rapportent. Il convient donc de s’intéresser à d’autres approches.
III) Contribuables associés et l’Observatoire de l’immigration et de la démographie
1) Contribuables associés
Régulièrement invités sur les plateaux, de 2019 à 2021, des membres de Contribuables associés sont conviés par des journalistes tels que Jean-Pierre Pernaut et Pascal Perri sur LCI, ou André Bercoff sur Sud Radio.Contribuables associés utilise de nombreux moyens de communication : manifestations, mailings, études, publications, Internet, réseaux sociaux. Elle se constitue également en lobby de contribuables auprès des politiques en envoyant des pétitions et des propositions de loi aux décideurs politiques pour les encourager à adopter certaines lois ou au contraire pour leur demander d’en abandonner d’autres.L’institut commet l’exploit d’être en même temps proches des minarchistes et de l’extrême droite. Comme l’IFRAP, ils défendent toutes les mesures contractant le budget de l’état sans aucune réflexion sur le bien fondé de celles ci. Mais il défend aussi d’autres positions diverses comme le « non » à l’occasion du référendum sur le quinquennat présidentiel, la dénonciation du nombre de fonctionnaires en France, la suppression de la réserve parlementaire, l’opposition au prélèvement à la source, à la bureaucratie qui, selon elle, « dégrade les conditions de l’hôpital public ». Elle est aussi climato sceptique. Mais elle chasse surtout dans les terres de l’extrême droite, comme l’affaire du « SDF de la Rochelle »; elle est d’ailleurs notamment financée par Stérin.2) l’Observatoire de l’immigration et de la démographie
Mais celui qui nous intéresse le plus aujourd’hui est cet « Observatoire » étant responsable de la publication de ce fameux rapport cité par Bardella en préambule :

Ou bien commet des erreurs absolument grotesques :Ce 17 janvier 2025, Le Point n’est pas peu fier de son scoop. « Exclusif », fanfaronne l’hebdomadaire conservateur du groupe Pinault. Le titre fait froid dans le dos : « 580 millions de personnes dans le monde éligibles au droit d’asile » en France. Bigre, cela fait quand même plus de huit fois la population de l’Hexagone qui déferlerait potentiellement dans notre beau pays. Une vraie « submersion migratoire » en puissance qui a de quoi faire trembler dans les chaumières de France et de Navarre.D’où sort ce chiffre ? D’une note de l’Observatoire de l’immigration et de la démographie (OID), que le magazine est donc fier de publier « en exclusivité », car, précise Le Point : « Le think tank documente avec précision, après des mois de recherches et d’études, l’ampleur et les causes des dérives du droit d’asile en France. »Plus de la moitié des populations d’Afghanistan et de Syrie potentiellement réfugiés en France, selon l’OID
Dans cette note, l’organisme en question publie des cartes des différentes régions du monde, avec pour chaque pays le nombre total d’habitants et le pourcentage de ceux qui seraient éligibles au droit d’asile : en Syrie ou en Afghanistan, cela représente plus de la moitié de la population, selon l’OID. L’observatoire trouve même 6 millions et demi de Brésiliens qui pourraient légitimement obtenir le statut de réfugiés politiques en France. Les sources ? Une « analyse de l’OID d’après les éléments de l’OFPRA, la CNDA et l’AUEA* », précise la note.
On n’a pas le cul sorti des ronces avec de tels zozos manipulateurs de chiffres et vrais propagandistes…Si l’observatoire se targue de travailler à partir de sources sérieuses et officielles, « il sélectionne soigneusement les données en fonction de ce qui va aller dans le sens de ce qu’il veut démontrer, à savoir qu’il y a une submersion migratoire incontrôlable », estime Patrick Simon. Et surtout, pour un think tank qui se veut sérieux et dépassionné, il lui arrive de faire des erreurs de débutants dont les notions mathématiques et statistiques n’ont pas dépassé le stade de la classe 3ème.
Ainsi, dans une étude sur le logement social, l’auteur lit un peu vite une statistique officielle et fait un contre-sens, analyse Patrick Simon. « Il écrit que 57 % des logements sociaux sont occupés par des Africains subsahariens. Or, le vrai chiffre c’est que 57 % des Subsahariens de France vivent dans un logement social. Ce n’est pas la même chose. »