L’époque est étrange
Soyons lucide. La séquence n’a pas démarré il y a un an. Difficile de déterminer un point de départ. Le 20 janvier 2025 ? Le 7 octobre 2023 ? Le 24 février 2022 ? le 17 mars 2020 ? Le 17 novembre 2018 ? Le résultat est pourtant là, une sorte d’anxiété généralisée. Nous avons constaté que nombre de camarades sont sur le fil.Le discours médiatique voudrait consacrer la violence comme mal du siècle. Pourtant, l’époque est-elle vraiment plus violente que d’autres ? Bien sûr que non. En revanche, notre perception de la violence a changé. La guerre n’a jamais disparu, on compte des dizaines de conflits tous les ans. Jamais propres, jamais justes, nous souhaitons toujours qu’il s’agit de la dernière.Dans notre écosystème, le 7 octobre a résonné plus fort que le conflit en Ukraine. Le soutien à la Russie se fait du bout des doigts, de façon détournée. Et ce pour une raison très simple, les sanctions contre Poutine et sa clique sont concrètes. Peut être pas à la hauteur, mais elles existent. Le RN a pris ses distances, comme de nombreux pays d’extrême droite en Europe. Pourtant, s’ils partagent la même vision du monde que le dictateur moscovite, l’accès au pouvoir ne peut faire l’économie de la condamnation de l’invasion de l’Ukraine.
Vider la mer à la petite cuillère
La réalité, le réel, voilà ce qui nous guide depuis le début. L’extrême droite diffuse du faux, à dessein la plupart du temps, faisant infuser la peur dans la société. Les fake news et les hoax sont le carburant de la peur. Depuis La manif pour tous, qui signe l’avènement des réseaux sociaux et surtout la démocratisation de ces nouveaux espaces du militantisme, nous avons vu conservateurs et réactionnaires les utiliser pour répandre des tas de conneries.En réaction, ces dernières années, on a vu un cercle de la raison s’accaparer le combat pour la vérité, en se revendiquant apolitique, comme beaucoup de médias pensent être neutres. Ce n’est pas notre conception. Tout est politique, la neutralité n’existe pas, la raison est un absolu philosophique vers lequel chacun de nous devrait tendre mais qui est par nature inaccessible. Voilà pourquoi la vérité est subjective, malléable au point d’en arriver à un extrême, l’ère de la post-vérité.La réalité est tangible, elle. Peut-être que ça n’importe plus vraiment à certain de rappeler ce qui est réel, les réalités sociales, la précarité, le racisme, les discriminations. A contrario, le wokisme, cette panique morale importée des USA (le comble !) n’a aucune prise avec le réel. Voilà de quoi nous parlons. Et les mensonges diffusées doivent être debunkés, un devoir moral autant qu’un impératif politique.Sauf que…La généralisation de cette méthode a un effet de submersion. Nous ne savons plus où donner de la tête. Il suffit de voir les quantités d’aberrations d’un Trump pour prendre la température de cet écosystème. Un génocide en Afrique du Sud ? Aucune trace d’un quelconque génocide de ce côté là de la planète, mais qu’importe, l’agent orange donne corps à ce fantasme en accueillant des « réfugiés » en grande pompe à Washington. Nous en sommes à un niveau de délire stratosphérique, qu’est-ce que vous voulez faire face à ça ?Le fait est là, la désinformation est produite à une nouvelle échelle. Nous avions coutume de dire que l’extrême droite produisait du faux à une échelle industrielle. Quand elle devient l’apanage de grands états comme les USA ou la Russie, l’industrielle atteint une autre échelle, c’est une économie de guerre à ce niveau là.La seconde couche, c’est l’instrumentalisation. Le réel devient terreau fertile pour faire naître la peur. Le cas de la soirée du samedi 31 mai est édifiant. Ligue des champions et victoire parisienne, la fête vire aigre avec une police sur les dents et quelques abrutis opportunistes. Le lendemain, les chiffres délivrés par la préfecture montrent une soirée plus banale, ce qui ne rend pas ça plus acceptable mais pas exceptionnel dans son intensité. Les jours qui suivent, les politiques de droite et leurs relais médiatiques en font l’apothéose de la barbarie qui s’abat sur le pays. CNEWS remporte la palme évidemment associant supporters du PSG et frères musulmans. À ce degré d’obsession, ça devient pathologique.En résulte un sentiment d’impuissance, nourrit par une production quotidienne de discours racistes, essentialistes et tout ce que vous voulez. Ce sentiment use, au moins autant que la violence des échanges. Pas avec les fafs. Nous bloquons les escrocs, les charlatans, les néo-nazis, les gudards… Non, ce qui trouble d’abord avant d’abîmer, c’est la violence qui vient de notre propre camp : les invectives, les exigences de pureté (plutôt malvenues, balayons devant nos portes) et les anathèmes. Sans parler du déni, comme la question de l’antisémitisme à gauche ; aucune preuve ne suffira jamais, le doute n’est pas permis, être mesuré est vu comme une faiblesse qui fera gagner l’ennemi.En voilà aussi de la violence, en plus d’un sentiment d’abattement tant notre camp politique, ceux avec qui nous partageons une vision similaire du monde (dans les grandes lignes au moins) partons désunis. Irréconciliables.@jeanbenoitdiallo J’ai bien entendu ? En spectacle à Paris lien en Bio 🎟 #videohumour #videodrole #humour
♬ son original – Jean Benoit Diallo