La « Charité bien ordonnée » de JD Vance ou l’extrême droite fondamentaliste contre les Lumières
Ce qui différencie fondamentalement la gauche et l’extrême droite
L’un de nos travaux principaux consiste à mettre en exergue les fondamentaux de l’extrême droite. Cela contribue à mieux les reconnaitre quand ils discourent ou agissent; à mieux comprendre la pensée d’extrême droite, afin de mieux la contrer et ainsi mieux la combattre.
“Connais ton ennemi et connais-toi toi-même ; eussiez-vous cent guerres à soutenir, cent fois vous serez victorieux. Si tu ignores ton ennemi et que tu te connais toi-même, tes chances de perdre et de gagner seront égales. Si tu ignores à la fois ton ennemi et toi-même, tu ne compteras tes combats que par tes défaites.” ― Sun Tzu, L’Art de la Guerre
Dans cette optique, nous voulons travailler aujourd’hui un extrait d’une interview de JD Vance. Invité sur le plateau de Fox News, le 29 janvier, le vice-président américain s’est fait l’avocat de Donald Trump en citant saint Augustin et de déclarer:
« On doit aimer sa famille, puis son voisin, puis sa communauté, ses concitoyens, et ensuite, après tout ça, on peut se concentrer sur le reste du monde.»
C’est surtout récemment que cette phrase est ressortie à l’occasion de la mort du pape François. Beaucoup d’exégètes se sont alors posé la question de savoir si cette conception du monde et de considérer l’autre était réellement chrétienne. Nous irons beaucoup plus loin qu’une simple exégèse. Sans que cela y paraisse au premier abord, cette conception du monde est un des fondements premiers de la pensée des extrêmes droites et s’oppose frontalement à la philosophie des Lumières. Explication de texte.
I)Charité bien ordonnée commence par soi-même
Reprenons le cours de cette déclaration. C’est sur Fox News, média de l’extrême droite nativiste américaine si il en est, farouchement pro Trump;
Ce raisonnement présente une logique, un ordre simple: moi, ma famille, mes proches, mes voisins, ma région, mon pays, les alliés, le reste du monde. Cela parait de prime abord très simple et NATUREL. Et en effet, pourquoi le nier, c’est peu ou prou ce que nous faisons tout un chacun dans notre vie. En précisant que c’est « très chrétien », Vance le présente comme un « ordre naturel »., une « loi naturelle ». Si vous nous lisez, vous savez que ce marqueur de loi naturelle marque le clivage fondamental entre droite et gauche. Ceux qui ont voté pour le veto du Roi Louis XVI le 11 septembre 1789 se placent à droite de l’assemblée; ceux qui le refusent se placent à gauche. Répétons le, c’est fondamental. Dès lors tout ceux qui croient en des droits naturels, religieux, sociologique ou autres se placent à droite. Mais ATTENTION, il ne s’agit pas de considération personnelles mais d’organisation de l’état, de politique. Le fait que vous organisiez votre vie autour de l’ordre indiqué plus haut n’a rien à voir avec la façon dont vous organisez ou défendez ou non ce principe appliqué à la société. Ici JD Vance ne parle pas de sa vie, il énonce ce principe pour en faire un principe politique de base. La première chose que l’on pourrait lui opposer est la suivante.
Les USA sont un pays immensément riche, son PIB nominal est de 22,66 trillions de dollars. Le deuxième, la chine, atteint à peine 16 trillions de dollars (30% de moins), le 3ème, le Japon est de 5 trilliards de dollars(75% de moins). 0r si la Chine se place en 80ème place pour le PIB par habitant en Parité de Pouvoir d’Achat (PPA), et que le Japon est 40ème; les USA oscillent suivant les classements entre la 10ème place et la 20ème place. Pourquoi? Tout simplement parce que les USA souffrent d’inégalités de revenus profondes et endémiques. Les USA ont un taux de pauvreté égal à des pays très pauvres comme le Costa Rica et fait pire que…le Mexique. Or ces inégalités structurelles qui perdurent ne sont pas dues aux migrants, ni à des accords commerciaux injustes. Non l’UE n’a pas été crée pour « entuber » les USA. Bref cette misère n’est en RIEN due à des facteurs exogènes. Mais tout à une organisation fondamentalement injuste de la redistribution. Dès lors où est donc passée cette « préférence nationale » que semble défendre Vance. Où est cette préférence des gens de son pays? C’est John Stewart, présentateur du Daily Show, satiriste et humoriste, qui le dit le mieux:
Il est clair que tout ceci sert de prétexte pour justifier une politique raciste d’exclusion et de faire perdurer ces inégalités criantes et constitutives de l’économie américaine. Un discours de classe dominante. Rien d’autres.
Mais JD Vance ne sort pas ce concept de nulle part. Il affirme que c’est « un concept très chrétien ». Qu’en est il vraiment?
II)Un fondement Thomiste de la charité selon l’extrême droite américaine
Inutile de dire que cette phrase a beaucoup fait parler aux USA. Les ténors de l’extrême droite américaine ont immédiatement renchéri, comme Posobiec par exemple:
JD VANCE : « Il existe un concept chrétien selon lequel vous aimez votre famille, puis vous aimez votre prochain, puis vous aimez votre communauté, puis vous aimez vos concitoyens, et ensuite, après cela, vous donnez la priorité au reste du monde. »
Une grande partie de l’extrême gauche a complètement inversé cette tendance.
Soutien de l’extrême droite américaine
A laquelle répondent d’autres personnalités, au point que Vance se voit obligé de préciser sa source:
Ordo amoris
En fait, Vance tire ses références de St Augustin un théologien de l’antiquité dans ses « Confessions ». 8 siècles plus tard, Saint-Thomas reprendra ce concept. On pourrait donc penser que Vance exprime donc bien un sentiment chrétien. Sauf que patatras , l’exégèse n’est pas chose facile… surtout quand on n’a pas lu les auteurs que l’on cite… Un théologien cité par « La Croix », explique:
Les premières mentions de l’ordo amoris remontent à saint Augustin, docteur de l’Église dont le vice-président américain se dit « fervent admirateur ». « Pour saint Augustin, l’amour n’est pas nécessairement bon car on peut aimer des choses mauvaises comme l’argent ou la violence, décrypte Jean-Marie Salamito, professeur d’histoire du christianisme antique. Il faut donc ordonner l’amour. »
Pour l’universitaire, si la déclaration de J. D. Vance « n’est pas scandaleuse en soi », elle demeure « incomplète ». Dans la pensée de saint Augustin, « l’amour n’est pas réparti dans des cercles concentriques dont l’ego et ses préférences seraient la norme, explicite Jean-Marie Salamito. Il s’agit d’aimer Dieu plus que tout et d’aimer tout en Dieu. Si donc on a l’idée de cercles concentriques, il faut garder à l’esprit que Dieu est au centre et qu’il éclaire tous les cercles par ses commandements. Or Dieu est absent de la phrase de J. D. Vance. »
De surcroît, l’ordo amoris n’implique pas d’agir aux dépens des autres. « Bien évidemment, si je suis un homme d’État, je peux faire attention à mon pays au nom de Dieu et en Dieu, ajoute l’historien. Mais je ne peux pas brutaliser des gens. Donner la priorité à ses compatriotes ne veut pas dire négliger les pauvres venus d’ailleurs. »
Quand au pauvre St Thomas, Vance aurait pu ne pas oublier cette phrase:
« Dans certains cas, on doit, par exemple, aider un étranger dans une situation d’extrême nécessité, plutôt que son propre père, si celui-ci n’est pas dans une situation aussi urgente » (ST, II-II, q. 31 a. 3).
Vance, en soit disant bon catholique; ainsi que tous les suiveurs d’extrême droite à sa suite n’auraient pas du oublier la « doctrine sociale » de l’église:
« Invoquer l’ordo amoris pourrait se justifier de la part de J. D. Vance, mais son argumentation est sans doute mauvaise, car il le pose comme principe d’emblée, juge-t-il. Or le Christ nous appelle justement à dépasser cette perspective. »
C’est sans doute suite à cette polémique très réservée aux cercles théologiens et d’extrême droite que le pape François publiera le 11 février 2025 une lettre adressée aux évêques américains, le pape François y critique les récents commentaires du vice-président américain JD Vance:
« Le véritable ordo amoris qu’il faut promouvoir est celui que nous découvrons en méditant constamment sur la parabole du « Bon Samaritain », c’est-à-dire en méditant sur l’amour qui construit une fraternité ouverte à tous, sans exception »
Le pape explique ensuite que la charité catholique ne se résume pas à une série de cercles concentriques s’étendant de l’individu à la famille, aux amis, aux concitoyens et, en fin de compte, au monde entier, mais qu’elle est centrée sur la dignité humaine, avec une attention particulière pour les plus pauvres. François a condamné les idéologies qui se préoccupent avant tout de l’identité personnelle, communautaire et nationale.
Dans la lettre, François déclare avoir « suivi de près la crise majeure qui se déroule aux États-Unis avec le lancement d’un programme de déportations massives », faisant référence à la déportation massive d’immigrants sans papiers par l’administration Trump, qui, selon lui, « porte atteinte à la dignité de nombreux hommes et femmes et de familles entières, et les place dans un état de vulnérabilité et d’impuissance particulière »
Dans un article de RNS, les théologiens américains s’expliquent. Le théologien Timothy O’Malley, directeur du Centre Notre Dame pour la liturgie à l’Institut McGrath pour la vie de l’Église et spécialiste professionnel adjoint simultané au Département de théologie de l’Université de Notre Dame déclare que cet ordre n’est pas censé être exclusif et il précise que les catholiques sont appelés à aimer leur prochain, ce qui signifie que:
« ceux qui viennent à moi face à face, me regardent dans les yeux, me demandent un verre d’eau fraîche, ont besoin d’aide. Voilà ceux-là que je suis appelé à aimer. C’est ce que le pape François voulait dire aujourd’hui en évoquant le Bon Samaritain comme une vision élargie et en pleine expansion. »
Selon le théologien, Vance « se trompe sur la signification de l’ordo amoris » et son interprétation est « une interprétation commode » de l’enseignement catholique. « Il semble que les catholiques aient plus de mal aujourd’hui à laisser l’Église définir ce que nous entendons par politique ou ce que devrait être l’engagement politique, que l’inverse, où l’engagement politique tend à définir la doctrine de l’Église ».
En tant qu’homme politique catholique, Vance est appelé à exercer une compréhension encore plus grande de la charité, selon John S. Grabowski, qui enseigne la théologie morale et l’éthique à l’Université catholique d’Amérique et est le conseiller théologique de la Conférence des évêques catholiques des États-Unis sur les sujets concernant les laïcs, la famille et la vie.
« C’est une chose qui est vraiment en accord avec l’enseignement chrétien : plus j’ai le pouvoir de faire le bien, plus il m’incombe d’utiliser mon pouvoir bien et sagement pour faire le bien, car tant de gens dépendent de cela ».
Au fil des siècles, les papes et les départements du Vatican ont fait évoluer et élargi la compréhension de l’ordo amoris par l’Église et les devoirs et responsabilités des catholiques envers la société et en particulier envers ceux qui sont dans le besoin.
« Je pense que l’application de cette idée par le pape François et son enseignement dans son ensemble sont un rappel constant aux chrétiens que les personnes vulnérables, les pauvres, les marginalisés ont un droit particulier à notre charité ».
Pour les deux Pères de l’Église, aimer concrètement ceux qui nous sont proches était une manière d’exprimer l’amour de Dieu, une tâche bien plus facile qu’aimer quelque chose d’aussi abstrait que l’humanité ou le monde.
Rausher, toujours dans le même article cité ci-dessus, conclue très justement:
Le vice-président américain n’est pas le seul à mobiliser ce concept pour justifier un projet politique migratoire ferme. L’ordo amoris est aussi cité en Europe dans les débats sur l’immigration, avec des références plus ou moins explicites au catholicisme. Si cet ordre, souvent national, parfois ethnique, de la charité s’est imposé dans les discours politiques et parmi certains catholiques, c’est justement « parce qu’on ne réfléchit pas assez sur ce qui nous est réellement nécessaire et au partage des ressources avec ceux qui en ont pourtant besoin », avance Jacques-Benoît Rauscher.
Le dominicain analyse également cette perception de la charité par la perte de sentiment d’appartenance commune dans nos sociétés occidentales : « Cette vision s’est imposée car on ne raisonne pas en fonction de ”en quoi le bien de l’autre me préoccupe ?” Je fais le lien avec l’idée de catholiques en insécurité culturelle : sion mobilise l’ordre de la charité, c’est qu’au fond on ne sait plus vraiment quelle est notre identité et que l’on exprime le besoin de se retrouver entre nous. »
Conclusion sur cette partie? Non Mister Vance, il ne s’agit pas d’un « concept très chrétien »; mais d’un concept théologique mal compris par certains chrétiens nationalistes. Nuance. Mais si ceci peut sembler important à certains fondamentalistes fascistoides, on ne peut que difficilement comprendre ce véritable engouement, si on en reste là.
III)Un fondement des Lumières
1)
Les plus averti(e)s de nos lect(rices)eurs auront sans doute fait le lien. En France, pour celui qui fut sans doute le plus grand ténor de l’extrême droite des 50 dernières années, ce concept n’est pas inconnu. Nous voulons bien entendu parler du fondateur du FN, Jean Marie le Pen himself:
« J’applique en quelque sorte une hiérarchie de sentiments et de dilections ; j’aime mieux mes filles que mes cousines, mes cousines que mes voisines, mes voisines que les inconnues et les inconnues que mes ennemies. Par conséquent, j’aime mieux les Français, c’est mon droit. J’aime mieux les Européens ensuite. Et puis, ensuite, j’aime mieux les Occidentaux. J’aime mieux dans les autres pays du monde ceux qui sont alliés et ceux qui aiment la France. «
C’est peu ou prou la version de l’ordo amoris de JD Vance avec 40 ans d’avance…
Les idées des Lumières reposent fondamentalement sur une mutation philosophique décisive. Une de ces idées est « qu’est ce qui constitue l’homme »? Et par déclinaison, qu’est ce qui fait que l’autre est aussi un homme et me ressemble?
Force est de constater que la tendance des humains n’est pas de fonder leur identité commune de telle sorte qu’ils puissent reconnaitre en tout homme universellement son semblable. C’est même très exactement ce que suggèrent Saint-Augustin et Saint-Thomas dans leur « Ordo Amoris ». Et c’est très exactement ce que définit Jean Marie le Pen dans cet extrait très connu ou dans ce que dit Vance qui nous intéresse aujourd’hui. « L’enfer, c’est les autres » comme dirait Sartre. Et c’est très précisément ce concept que va renverser un des philosophes des Lumières, Montesquieu.
Attaché à sa patrie, Montesquieu n’ignore pas que bien d’autres peuples ont la leur. Ce mot qui semble enfermer dans une particularité ouvre, lui aussi, sur l’universel ; la multiplicité des nations est la condition humaine. Qu’advient-il dans cette complexité, des degrés d’importance des différents devoirs ?
Le moraliste essaie d’y mettre de l’ordre, en suggérant une hiérarchie qui va du plus particulier au plus général ; il faut reprendre in extenso l’article n° 350 des Pensées :
« Si je savais une chose utile à ma nation qui fût ruineuse à une autre, je ne la proposerais pas à mon prince, parce que je suis homme avant d’être Français, parce que je suis nécessairement homme, et que je ne suis Français que par hasard »,
ou bien encore :
« Si je savais quelque chose qui me fût utile, et qui fût préjudiciable à ma famille, je la rejetterais de mon esprit. Si je savais quelque chose utile à ma famille et qui ne le fût pas à ma patrie, je chercherais à l’oublier. Si je savais quelque chose utile à ma patrie, et qui fût préjudiciable à l’Europe, ou bien qui fût utile à l’Europe et préjudiciable au Genre humain, je la regarderais comme un crime » (Pensées, n° 741).
Si le hasard avait fait naître Montesquieu à Naples, Florence, Turin, Vienne, Berlin ou Londres; il n’y aurait rien à changer à ces professions de foi :
« Je suis un bon citoyen, mais dans quelque pays que je fusse né, je l’aurais été tout de même » (Pensées, n° 1437).
Les problèmes posés là sont à l’inverse de la « nature humaine », de sa tendance générale de préférer le particulier au général. Montesquieu pose là une compréhension de ce qu’est de dépasser cette nature humaine pour être « un bon citoyen ». Bien loin du discours nationaliste, identitaire qui n’est que la stricte application d’une pensée clanique, ce discours politique inverse les priorités. Et en fait un véritable projet politique émancipateur.
Comme on demandoit à un ancien philosophe d’où il étoit, il répondit : Je suis Cosmopolite, c’est-à-dire citoyen de l’univers. Je prèfere, disoit un autre, ma famille à moi, ma patrie à ma famille, & le genre humain à ma patrie. VoyezPhilosophe.
Extrait de l’Encyclopédie
Quand Jean-Marie Le Pen (La Baule, septembre 2012), toujours lui énonce:
« Le droit du sol est l’absurdité qui consiste à dire qu’un cheval est une vache parce qu’il est né dans une étable »
à nouveau il va complètement à rebours de Montesquieu qui dit très simplement qu’il n’est français que par hasard. Le sol de France, même par hasard, fait le Français… A nouveau, l’opposition complète se dessine entre le Montesquieu des Lumières et le Le Pen du coté obscur.
Une conception exactement contraire aux « philosophes des Lumières ».
Il n’y a que deux moyens de salut : un moyen préventif qui est l’autorité ; et un moyen curatif, l’expiation. L’autorité est la condition du maintien de l’unité. Il faut que la société religieuse et la société civile soient soumises à l’ordre voulu par la providence divine.
Le moyen dans la société religieuse est 1’infaillibilité pontificale et dans la société civile la souveraineté.
Chaque nation possède un caractère, et ce caractère fait son type de gouvernement. L’homme ne saurait constituer un nouveau type de gouvernement par sa libre détermination, il usurpe ainsi le gouvernement voulu par Dieu. La Révolution française ne peut être que « satanique » puisqu’elle entend mettre l’homme à la place de Dieu.
Le caractère national est constitué d’un ensemble de maximes religieuses et politiques qui sont devenues des « dogmes nationaux » et qui forment une « raison nationale ». Le souverain a pour devoir d’en imposer le respect par les prêtres, les hauts fonctionnaires et les magistrats.
Le légitimisme est une vision organiciste de la société, vers la tradition conservée du Moyen Âge. Il est une réponse du « conservatisme social » aux idéaux portés par la Révolution française qui furent fondés sur l’universalisme et l’individualisme. L’organicisme met en avant l’unité du corps social comme organisme formant un tout, et la primauté de la société sur l’individu.
Ils souhaitent la restauration de l’Ancien Régime en France. Ils priment un catholicisme intégriste, l’Eglise reprendrait ainsi sa place au sein de l’Etat. En effet, Napoléon Ier avait en quelque sorte, évincé l’Eglise par une rupture avec le Pape. Pour les légitimismes, la modernité est le facteur de désordre social, c’est pour cela qu’ils veulent le rétablissement des traditions du Moyen Âge.
Le légitimisme est donc une notion politique fondée sur une croyance religieuse intégriste et fondamentaliste.
Montesquieu avait un grand dessein : établir ce qu’il y a d’universel dans la diversité humaine. Universalité qu’il nommera « esprit ». Son ouvrage le plus abouti, De l’esprit des lois, écrit au soir de sa vie, ambitionne de mettre en lumière ce qu’il y a de commun dans la diversité des lois malgré leurs variations d’un pays à un autre.
Adepte du cosmopolitisme, concept forgé par Diogène qui préconisait avant l’heure une vie proche de la nature et le monde pour patrie, Montesquieu s’est voulu, ce que Kant théorisera quelques années plus tard, un citoyen du monde.
Diogène le Cynique à la question d’Alexandre lui demandant de quelle cité il était originaire répondit :
« Je suis un citoyen du monde (kosmopolitès) ».
Cette revendication apparaît comme un défi adressé non seulement à la puissance du conquérant, mais encore aux classifications politiques en usage dans la Grèce antique. Le cosmopolitisme de Diogène est d’essence individualiste et anarchiste : pour lui, être « citoyen du monde » signifie d’abord n’appartenir à aucune cité, n’être soumis à aucune grandeur d’établissement.
Pour Rousseau au contraire, si il existe bien une identité de nature entre les hommes, mais elle est incapable de motiver des institutions légitimes puisque seules les contradictions consécutives à la vie sociale (dégénérée) rendent indispensable le contrat social. En un mot, l’appartenance de l’espèce humaine au monde ne dicte aucune conduite, elle ne rend légitime aucun projet collectif et, surtout, elle n’est à la source d’aucune volonté politique.
Dès les premières heures de la révolution française, ses acteurs dirigerons ce pays vers un universalisme et en même temps un individualisme issu des travaux des philosophes des Lumières, dont Montesquieu. Mais cela ne s’arrêtera pas là.
Hegel exposera dans un passage ce que l’on pourrait appeler l’idéologie de la société civile, à savoir la théorie universaliste et libérale des droits de l’homme. À l’intérieur des sociétés modernes,
l’homme vaut parce qu’il est homme, non parce qu’il est juif, catholique, protestant, allemand, italien, etc. Cette conscience pour laquelle c’est la pensée qui vaut est d’une importance infinie, — elle n’est déficiente que lorsqu’elle se bloque en une opposition à la vie concrète de l’État, par exemple en tant que cosmopolitisme (Hegel, Principes de la philosophie du droit, § 209, Remarque. ).
Selon Hegel, le principe de la liberté et de l’égalité individuelles constitue une découverte historique parfaitement légitime pour autant qu’il soit circonscrit à une institution déterminée : la société civile moderne en tant qu’elle organise juridiquement la sphère des échanges et de la satisfaction des besoins.
On pourrait dire que, dans la société civile, les individus sont citoyens du monde au sens où ils possèdent les mêmes droits originaires, quelle que soit leur appartenance nationale.
Hegel voit très bien qu’il y a une dimension mondiale dans le capitalisme et que celle-ci favorise la prise de conscience de l’universalité du genre humain.
Bien sûr pendant ce temps là, des philosophes d’extrême droite comme Edmund Burke ou Joseph de Maistre, continuent à perpétuer l’idée de sociétés immuables. Tout accommodement avec la loi naturelle est considéré comme une transgression, une trahison de celle-ci.
Mais l’idée d’inverser la logique humaine sera reprise et développée régulièrement au cours du 19ème siècle et 20ème siècle. Et nous en finirons justement sur cet inventaire (qui ne se veut pas exhaustif) de cette façon de voir le monde, par Gilles Deleuze qui lui la voit (en substance) comme la pensée de gauche.
Pour Deleuze, la perception de droite, c’est partir de soi, puis considérer ensuite la rue, la ville, le pays, et élargir, mais à partir de soi. Etre de gauche, c’est l’inverse, c’est percevoir d’abord le monde, puis le continent, puis le pays, jusqu’à soi. Etre gauche, c’est d’abord “voir à l’horizon”. Et donc sentir que les problèmes à régler sont d’abord les problèmes du monde (dans lesquels on pourrait mettre, non seulement les problèmes de pays lointains auxquels pense Deleuze, mais aussi les problèmes du monde, qui affectent tout le monde, comme les questions écologiques). Percevoir donc que “les agencements sont mondiaux”.
Ensuite, être de gauche, c’est “ne pas cesser de devenir minoritaire”. Etre de gauche c’est donc ne pas se reconnaître dans l’étalon de la majorité ici en France qu’est l’homme blanc urbain, mais dans les minorités : les femmes, les jeunes, les non-blancs, les homosexuels. La gauche “c’est l’ensemble des devenirs minoritaires”.
Cette définition donnée dans le documentaire « Abécédaires » fut tourné entre 88 et 89 et diffusé en 95 sur Arte.
CONCLUSION
De la scolastique théologique à la réflexion philosophique, nous avons pu constater à travers cet article l’opposition fondamentale (on ne le répétera jamais assez) entre les deux directions opposées que peuvent prendre ces deux logiques. L’une mène à l’enfermement sur ce qui vous ressemble le plus, et à un rejet de l’autre. L’autre veut prendre en compte le groupe le plus large comme base de réflexion et d’action politique. Dans tous les cas aux USA comme en France, les extrêmes droites ne se sont pas trompées sur l’importance de ce sujet. De Boulevard Voltaire à TVL en passant par Fdesouche, ils y sont tous allés de leurs commentaires:
Gabrielle Cluzel, pour Bd Voltaire, a su repérer la convergence avec les propos passés de JM Le Pen. Mais pourtant proches des milieux ultra cathos, issue d’une famille ultra catho, elle est passée complètement à coté des exégèses de St Augustin ou de St Thomas. Pour elle, comme pour toutes les extrêmes droites mondiales, l’important, c’est LEUR analyse toute personnelle. Une fois de plus:
« Être un utopiste c’est vouloir que son imaginaire devienne une réalité ; être d’extrême droite c’est croire que son imaginaire est une réalité. »
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