
Cependant, le RS ne se réduit pas à un art de propagande, à une « bibliothèque rose », selon l’expression de Camus, ce n’est pas non plus un style ou un courant littéraire traditionnel : sa fonction première est de produire une nouvelle réalité, appelée socialisme, de nouvelles valeurs symboliques, au moyen de procédés esthétiques (romantisation, typisation, enjolivement, idéalisation, etc.) De fait, si l’on évacue le RS de l’époque soviétique, si l’on élimine les romans sur l’enthousiasme des grands chantiers, la joie au travail, les films sur la vie heureuse, les chansons et les tableaux peignant la grandeur et l’abondance du pays, que reste-t-il ? – demande de nos jours un chercheur – La grisaille et la peur du quotidien, les difficultés de la vie matérielle. « Le RS est une machine de transformation de la réalité soviétique en socialisme ». Il déréalise la réalité pour en créer une nouvelle. L’avenir radieux est montré comme présent. Les nostalgiques actuels de l’époque stalinienne se nourrissent précisément des chansons et des films de cette époque, et se réfugient dans cette autre réalité créée par le RS, qui est un simulacre au sens de Baudrillard.Les régimes fascistes et nazis n’ont pas fait autrement.Et aujourd’hui, le régime poutinien qui s’enfonce progressivement dans la dictature et le totalitarisme ne fait pas exception.

I)Une réécriture de la réalité
1)Négationnisme au pouvoir
Depuis quelques jours, on commence à entendre parler d’inquiétantes impressions de livre d’histoire en Russie. Ce n’est pas nouveau, c’est une tendance générale depuis l’avènement de Poutine. Et cette propagande est relayée en France par les comptes proxy du Kremlin qui relayent les faux exploits de sa tsaricité Vlad 1er, que ce soit ses « exploits économiques« , la Grande Guerre Patriotique, les soit-disant citations du grand homme Poutine, etc… C’est une propagande tous azimut; et de façon remarquable, certains propagandistes français transforment la réalité russe pour la rendre conforme à la visions française, par exemple sur l’Islam. La dépense de la Russie sur la propagande est tout simplement colossale et en 2018, la propagande dirigée vers l’extérieur atteignait 1 milliard d’euros par an! Elle s’élèverait à 1,7 milliard aujourd’hui, pour des résultats assez médiocres. Et aujourd’hui, on assiste à une réécriture totale de l’histoire dans les manuels scolaires.Bien entendu ce nouveau programme scolaire est accompagné de menaces à qui tenterait de s’en extraire, caractéristique des vrais régimes totalitaires.Disons le c’est une application à grande échelle d’une notion présente dans les extrêmes droites françaises: le roman national.
2) Le « clash civilisationnel russe »
Huntington affirme que la confrontation idéologique mondiale entre le capitalisme et le communisme (une ligne de fracture qui traverse les sociétés et les continents) a été remplacée par un retour au jeu ancien et quelque peu oublié dans lequel les peuples et les cultures se battent pour leurs intérêts naturels. La guerre froide, en tant que confrontation idéologique entre deux blocs, appartient au passé et le moment est venu de réévaluer le rôle des institutions internationales créées à l’époque précédente. Alors la question : « De quel côté êtes-vous ? est remplacé par « Qu’est-ce que tu es ? » L’OTAN devrait donc se transformer d’une organisation militaire du « monde libre » en un bloc défendant les intérêts d’une seule des civilisations, à savoir l’Occident. Il ne sert à rien que l’Union européenne envisage l’intégration de pays appartenant aux civilisations orthodoxe ou islamique – et leur adhésion créerait des problèmes majeurs à l’avenir. Pour déterminer un nouvel équilibre des forces, chaque civilisation doit s’adapter à son « pays parent », une sorte de frère aîné. Pour l’Occident, ce sont les États-Unis ; pour le monde orthodoxe, la Russie. Tout au long de son existence, le régime Poutine a été l’élève vedette d’Huntington.En construisant une « verticale du pouvoir » autoritaire, dès le milieu des années 2000, l’administration de Poutine a proclamé que sa « démocratie souveraine » ne ressemblait à aucune autre démocratie et n’était pas du tout comparable aux autres normes démocratiques en raison d’une culture politique russe distincte. . Le régime politique répressif, la rhétorique cléricale, l’obscurantisme dans la vie culturelle et la pression militaire sur les pays voisins : tout cela ne sont que des points sur la voie du retour d’une civilisation à sa vraie nature. Ce destin ne peut être modifié, il peut seulement être soumis. On retrouve ici la rhétorique classique de TOUTES les extrêmes droites sur une vision légitimiste organiciste de la société. Le monde, comme les nations vivent dans un ordre naturel conçu divinement, et il est vain de lutter contre cette organisation.Le récit poutinien tend à décrire la Russie comme le centre d’une civilisation eurasienne distincte avec sa propre voie souveraine, distincte du reste de l’Europe. Selon cet argument, la Russie est séparée et différente du reste de l’Europe et ne devrait pas s’y intégrer dans des conditions purement européennes. Cet argument reflète une longue tradition de discours eurasistes parmi les intellectuels russes qui remonte au début du XXe siècle et renvoie également à un débat encore plus ancien sur l’identité russe entre slavophiles et occidentalistes qui remonte à l’époque tsariste.Les responsables qui se sont concentrés sur ce récit ont discuté de la nécessité de former une grande Eurasie pour sauvegarder la voie distincte de la région, souvent en contradiction avec les valeurs européennes décadentes. Par exemple, en avril 2019, Youri Ouchakov, conseiller du Kremlin, a déclaré :« Nous pensons qu’il est nécessaire d’aspirer à une Grande Eurasie, qui comprend l’Union européenne, notre Union eurasienne et diverses initiatives chinoises. »Cette déclaration souligne l’importance accordée par les responsables russes à l’approfondissement des relations entre la Russie et la Chine et souligne en particulier le rôle de la Russie en tant que canal du commerce chinois avec l’Europe.Selon ce récit, la Russie possède une civilisation distincte qui incarne et promeut des valeurs religieuses, sociétales et autres « traditionnelles », contrairement à l’Occident plus libéral et « décadent ». C’est un cliché commun à Vladimir Poutine. Par exemple, en novembre 2018, il a déclaré :
« Il y a une chose dont je ne doute pas : la voix de la Russie sera digne et confiante dans le monde futur, qui est prédéterminé par notre tradition, notre culture spirituelle nationale, notre conscience de soi et, enfin, l’histoire même de notre pays en tant que civilisation distincte, unique mais qui ne revendique pas d’exclusivité avec assurance et grossièreté. «Ce récit a été particulièrement soutenu par les hauts dirigeants de l’Église orthodoxe russe, comme le patriarche Cyrille, qui a déclaré ce qui suit en novembre 2018 :
Le paradigme étroit des Temps Nouveaux parle de la mondialisation comme d’un processus inévitable. Derrière le mot « inévitable » se cache le principe occidental du développement mondial, qui caractérise la laïcité libérale et les formes modernes de colonialisme. . Cette erreur constitue une rupture avec la tradition, le système de valeurs transmises de génération en génération qui forme le code civilisationnel des peuples avec ses paradigmes culturels, spirituels et religieux, s’appuyant sur les valeurs morales données par Dieu et donc invariables qui ont accompagné l’humanité tout au long de sa vie. histoire. L’expérience montre que le piétinement de ces valeurs a conduit à des tragédies et à des cataclysmes dans les relations personnelles, sociétales et internationales.Les dirigeants russes se sont concentrés sur les valeurs traditionnelles, en particulier dans leurs messages nationaux, afin d’opposer la Russie aux États membres soi-disant immoraux de l’Union européenne. Ce récit aide les dirigeants russes à justifier leur prudence quant au développement de liens étroits avec l’Europe occidentale et leurs politiques visant à réduire l’influence occidentale en Russie.

« Je ne pense pas que quiconque à Moscou ou à Minsk contesterait l’existence de relations spéciales et alliées de facto et de jure entre les deux pays ».Les responsables ont également déploré la destruction des liens fraternels avec l’Ukraine par les « fascistes » et les « nationalistes » déterminés à arracher l’Ukraine à la Russie. Par exemple, en référence aux relations de la Russie avec l’Ukraine, Vladimir Poutine a déclaré :
« Quant à long terme, quoi qu’il arrive, peu importe qui est au pouvoir à Kiev aujourd’hui, les peuples russe et ukrainien ont toujours été et seront toujours frères. et très proche. . . Cette racaille politique va disparaître, reculer. »De même, Peskov a déclaré en mai 2019 que:
« [Poutine] a toujours déclaré que les relations entre les dirigeants des deux pays ne devraient en aucun cas être projetées sur les relations étroites et fraternelles de longue date entre les peuples des deux pays. »Ces déclarations mettent en évidence la tendance des dirigeants russes à continuer de considérer les anciens États soviétiques, en particulier l’Ukraine et la Biélorussie, comme appartenant « naturellement » à la sphère d’influence culturelle et politique de la Russie.
3)Les moyens mis en oeuvre
Pour appuyer ses théories, le régime russe met donc en place toute une batterie de propagande:- rééducation des enfants, que ce soit au niveau intellectuel (les nouveaux manuels scolaires), ou physique/politique: les « camps de jeunesse » du régime poutinien :
- répression politique
- médiatique « mainstream » et sur les réseaux sociaux:
- L’Eurasie contre l’Europe
- La Russie, bastion des valeurs traditionnelles
- Russophobie
- Whataboutisme
- Les « pays frères »
- Relations avec les alliés de l’ère soviétique
- Intervention extérieure dans les affaires souveraines
- La Russie, partisane de la stabilité dans le monde
- La Russie, partisane de la multi polarité dans le monde
- Promotion des structures internationales dans lesquelles la Russie joue un rôle de premier plan

II) La Russie, bastion des valeurs traditionnelles
Il y a un peu plus d’un an les ambassades russes diffusaient une curieuse invitation:Pas de chance la femme censée illustrer la « beauté russe » est une mannequin/artiste ukrainienne qui publie un clip de contre-propagande :Toute une flopée d’autres vidéos l’accompagnent, une famille occidentale mourant de froid en hiver, faute de gaz russe; la famille russe émigrant et réalisant COMBIEN la vie en Russie en meilleure; le « wokisme » etc… Bref, tout un arsenal de clips censés monter la supériorité de la vie en Russie.
2)Vivre en Russie
a) La religion- La propagande d’état présente la Russie comme le paradis de Dieu. La réalité est tout autre:
Son patriarche, ancien du KGB maudit l’occident, mais adore la Suisse. Mais c’est aussi un richissime corrompu.Alors qu’en Russie, selon les sondages, 80% des croyants se déclarent orthodoxes, seuls 3% fréquentent régulièrement l’Eglise, relève l’archiprêtre Nicolas Emelianov, vice-recteur de l’Institut de Théologie de l’Université orthodoxe Saint-Tykhon de Moscou.
- Les prêtres de l’Église orthodoxe russe bénissent les soldats avant leur envoi à la guerre en Ukraine. C’est leur façon de dire: « Tu ne tueras point. »


- La Russie est probablement un des pays les plus inégalitaires du monde. 1 % de la population russe concentre 74,5 % des richesses nationales – et 10 % détiennent 89 % des biens.
le revenu médian par adulte est inférieur à 1 000 dollars par an… Bien que la richesse globale de la Russie rivalise avec celle de la Norvège, de Hongkong, de Singapour ou de la Turquie, l’écart se creuse nettement quand elle est rapportée à sa population, plus nombreuse. Le Norvégien est ainsi trente fois plus riche que le Russe. « Le niveau actuel de la richesse des ménages russes par adulte est à peine supérieur à celui d’il y a dix ans », note l’institut de recherche de Credit Suisse.Le top 0,001% des plus riches (soit 1441 personnes) capte 17% des richesses. Selon une étude recensée par l’Observatoire européen de la fiscalité, le 0,01 % des Russes les plus riches détiendraient 60 % de leur fortune à l’extérieur de la Russie. Le PIB par habitant y est particulièrement bas:

- Selon les statistiques officielles, publiées mardi 30 juillet par l’institut Rosstat, le nombre de pauvres est en nette augmentation.
Il s’établit à 20,9 millions de personnes pour le premier trimestre, soit 14,3 % de la population, contre 20,4 millions (13,9 %) à la même période de 2018 – soit 500 000 nouveaux pauvres en un an. Ces niveaux sont comparables aux taux observés ailleurs en Europe, mais cette forte dégradation reflète l’aggravation de la situation économique nationale.
c) Famille, vie courante- Le niveau de vie n’augmente pas et même régresse et les perspectives démographiques sont noires. Le taux de fécondité en Russie n’est que de 1,5 (il est de 1,83 en France). Selon l’ONU, la population russe diminuera de son actuel niveau de 143,5 millions pour atteindre entre 121-133 millions d’ici 2025. Depuis 1991, elle a déjà baissé de près de 5 millions de personnes dont près d’un million sont mortes par suicide.
- En Russie, le taux de suicide chez les adolescents figure parmi le plus élevé du monde, et n’est dépassé que par le Kazakhstan et la Biélorussie. Selon les chiffres de l’ONU, 22 jeunes pour 100.000 se suicident. Par comparaison la moyenne mondiale est d’à peine 7.
- 70% des mariages russes se terminent par un divorce (contre 46 en France).
- L’alcoolisme ronge toujours la Russie.
- La violence intra familiale n’est pas réprimée. 1 femme russe sur 5 subit les violences de son conjoint, toutes les soixante-trois minutes une femme meurt sous les coups de son conjoint ou de son ex-conjoint, soit plus de 8 300 victimes par an.
- Idem dans le système éducatif:
Dans le système éducatif, la violence est également bien ancrée. En 2014, Human Rights Watch a présenté un rapport édifiant sur les nombreux cas de maltraitance et de négligence. Le système russe d’institutions publiques hébergeant les jeunes handicapés et orphelins est qualifié de « ségrégationniste » par l’ONG. Le rapport s’appuie sur plus de 200 entretiens de jeunes et de leurs parents. Certains enfants décrivent les traitements inhumains et dégradants appliqués dans ces institutions. « Le personnel […] a isolé de force des enfants, leur a refusé tout contact avec leurs proches et les a parfois forcés à subir une hospitalisation psychiatrique en guise de punition », décrit les auteurs du rapport, Human Rights Watch. En plus des obstacles à l’adoption, de nombreux orphelins ‘valides’restent dans ces institutions fermées jusqu’à leur majorité. « Ils sont ensuite intégrés dans des écoles militaires et l’armée constitue souvent pour ces adolescents la seule voie de sortie », souligne la maitresse de conférences Anne Le Huérou.
- La pédopornographie y prospère et la pédophilie y est pléthorique.
- Théoriquement, chacun des Russes a accès aux services de santé publics car ils ont tous droit à l’assurance médicale obligatoire, qui se compose de 2% a 3% du salaire et qui est déduit par les employeurs dans un impôt social qui se verse vers les Fonds russe de santé. Pratiquement, faute de financement du secteur médical, l’assurance obligatoire ne couvre pas la plupart des traitements et les patients doivent payer de leur poche presque tous les services médicaux qui leur ont été fournis, sauf en cas d’urgence lorsqu’une ambulance est nécessaire. En Russie, les dépenses réelles de santé du PIB sont de 5,3 %, ce qui est inférieur aux dépenses de santé des pays d’Amérique du Sud et d’Afrique du Sud. A côté, les grandes villes, comme Moscou et Saint Petersbourg, où les établissements de santé dépassent tous les autres établissements de santé du reste du pays et certains d’entre eux sont même répertoriés dans le classement mondial des meilleurs, tels que l’hôpital pour enfants de Moscou sur la 250e place et Bakulev Center for Cardiovascular Surgery à la 291e place, généralement, les hôpitaux sont obsolètes. En raison du manque de financement dans le secteur médical, plus de 17.500 villages et villes (soit 56%) n’ont aucune infrastructure médicale. La Russie est l’un des rares pays où l’espérance de vie diminue.
- La vie y est arriérée:
- Le système pénitentiaire
- La criminalité

- La corruption
- Augmentation de la criminalité en col blanc
- La Russie: état mafieux
- Corruption à tous les étages en Russie
- Sans compter V. Poutine lui-même
- Un dirigeant qui serait l’homme le plus riche du monde (trois fois plus que Bill Gates)
- … ou un peu moins