02 juin 2022 | Temps de lecture : 3 minutes

2000 mules et un bourricot

Un documentaire plein d’âneries !

Aujourd’hui, petite recension du documentaire 2000 mules du réalisateur Dinesh D’Souza. Inutile de vous dire que ça  agite le Landerneau conservateur Américain (mais aussi la complosphère francophone).

Affiche officielle 2000 mules

Quelques éléments de contextes pour commencer

Le 3 novembre 2020, les Américains étaient appelés aux urnes pour voter pour les grands électeurs (les représentants au Congrès et les sénateurs). Il s’agit d’un scrutin indirect, c’est à dire que ces grands électeurs votent à leur tour pour le futur président des USA.

Avec une participation historique, les démocrates l’emportent sur le fil dans plusieurs « swinging states » (ces états indécis qui font pencher la balance). Donald Trump n’est pas réélu, après un mandat ponctué d’un nombre incroyable de mensonges et d’âneries.

Le 6 janvier, à Washington DC, alors que le Congrès finalise l’élection, Donald Trump donne un discours véhément que l’on pourrait qualifier de « mauvais perdant ». Il « invite » alors ses affidés à se présenter au Capitole. Résultats des courses, les milices suprémacistes et de l’alt-right, tentent d’envahir ce haut lieu du pouvoir. Bilan : 5 morts, au moins 150 blessés et 600 arrestations. La pilule est dure à avaler dans le camp pro-Trump et autres sympathisants de QAnon.

1h27 d’ennui

Les faits

Dinesh D’Souza est très déçu de la défaite de Trump. Tellement déçu qu’il soupçonne un truc louche. Il contacte le collectif « True The vote« , qui lui montre tout un tas de gadget pour borner les téléphones de citoyens au comportement louche. La (trop) longue enquête du collectif montre que des personnes ont voté pour d’autres. Ça s’appelle le vote par procuration et c’est légal aux usa. D’autant qu’on ne sait jamais pour qui ces gens votent, seulement des images de personnes mettant plusieurs enveloppes dans la boite (et parfois, ils utilisent des gants, on est en plein covid, mais c’est pour éviter les empreintes).

Pour Dinesh, c’est illégal ; il y a baleine sous gravillons ! Et ce ne sont pas des sénateurs assis autour d’une table qui apporteront la contradiction : c’est la faute aux gauchistes et aux antifas. Pire ! Les démocrates ont mené une campagne électorale pour pousser les gens susceptibles de voter pour eux, de s’inscrire et de voter.

Effectivement, c’est un scandale!

Ceci n’est pas une preuve

L’essentiel de 2000 mules consiste à démontrer que le système de vote par procuration permet finalement de faciliter l’accès au vote pour des populations précaires, noires, pauvres, etc… Et forcément, ils seraient tentés de voter démocrate. Ce qui n’arrange pas Dinesh D’Souza, un fervent conservateur.

  • Le bornage des téléphones ne démontrent que la présence de personnes à un endroit.
  • Le vote multiple est légal (même si il semble y avoir des abus, cela ne fait pas « système »)
  • A qui les bulletins sont-ils destinés? Quid de leur validité au dépouillement?
  • Qui serait le bailleur ? (un rapide « name dropping » à la fin : Zuckerberg, Soros, Warren Buffet … Ouf, Bill Gates n’est pas là! )

L’ensemble des éléments apportés font office de mille feuille argumentatif. La somme de tous ces éléments ne constituant pas une preuve de fraude électorale massive.

Le documentaire a déjà été debunké, inutile de revenir en long en large et en travers dessus.

Un réalisateur expert en déontologie

Dinesh D’Souza est un réalisateur Américain. En tant que politologue, il devient conseiller de Reagan à la fin de son mandat. Prolifique auteur, il s’illustre par un grand nombre d’ouvrages depuis les 80’s. Finalement, il passe à la vidéo et devient réalisateur de documentaires. Il commet 5 films en dix ans, avec un succès tout relatif.

En parallèle, Dinesh D’Souza est condamné en 2014 pour fraude au financement d’une campagne électorale. Il plaide coupable, et sera gracié par Trump.

Donald Trump soutient 2000 mules. La complosphère française aussi.

Donald Trump avait misé en désespoir de cause, sur la dénonciation de fraudes (nous en avions parlé ici ou ici). Nous ne sommes pas tombés de bien haut en apprenant que l’ancien président avait apporté son soutien publique au documentaire via un communiqué de presse.

Évidemment, un malheur n’arrive jamais seul et il fallait bien que la complosphère Française se mettent à relayer l’information. Peu difficiles en matière de preuve, les principaux acteurs de la scène complotiste francophone adhèrent sans réserve à l’idée d’une fraude massive orchestrée par les Antifas et George Soros.

Pas de fumée sans feu !

C’est ce qu’on peut en conclure à la fin de 2000 mules. Si on est bon public, a minima. On peut résumer le raisonnement fallacieux ainsi : « Il y a un faisceau de présomptions. Nous avons relevé plein d’éléments. Aucun de ces éléments seuls ne suffit à prouver quoi que ce soit. Tous ces éléments ensemble prouvent que nous avons raison. »

Sauf qu’en fait, non.

Ce que nous propose 2000 mules, c’est une argumentation bancale. Choisir de prendre un argument et d’en faire une preuve n’est pas rigoureux, c’est surtout malhonnête. Mais surtout, une posture opportuniste. Dinesh D’Souza est un surfeur, et il glisse sur une tendance initiée Donald Trump, auquel il est lié.

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