16 juin 2014 | Temps de lecture : 4 minutes

Les citations d’Aldous Huxley

Certains lui font dire beaucoup de choses, surtout ce qu’il n’a pas dit !

Aldous Huxley est un formidable auteur qui a écrit de nombreux romans prévenant des dangers que fait peser le mariage du pouvoir, du progrès technique et des dérives de la psychologie telles le behaviorisme (Le Meilleur des mondes), contre la guerre et le nationalisme (La Paix des profondeurs).

Alors retrouver une des ces soit disant citations sur des sites nationalistes fascistoïdes nous a semble particulièrement dérangeant.

Exemple:

fausse citation Huxley

(NDLR: L’Union Républicaine » est un mouvement issu de la droite de la droite de l’UMP au lendemain de la défaite de Sarkozy)

On retrouve ce texte aussi sur des sites libertariens ou proches des mouvances bruns rouges, souvent sous cette forme:

fausse citation Huxley 2

Ce texte a tendance à ressortir en masse dernièrement pour dénoncer la manipulation des élites sur un faible peuple, et devrait être tirée soit disant d’Aldous Huxley et son ouvrage « Le meilleur des mondes ».
En réalité, le seul livre d’huxley sorti en 1939 s’appelle « Jouvence » et est bien loin des considérations du meilleur des mondes, publié lui en 1932 (titre original : « Brave New World »).

Un tout petit peu d’esprit critique devrait pourtant suffire pour constater que ce texte n’a en aucun cas pu être écrit en 1939.
A l’époque, la télévision ne diffuse rien massivement pour la bonne et simple raison qu’en 1939, une télé ressemble à ça , et n’est absolument pas un outil grand public:

poste radio huxley

De plus, pour ceux qui l’ont lu, on se rends assez vite compte que le style est assez éloigné de l’œuvre originale.

En réalité (et vous pourrez aisément le vérifier sur google), le texte est de Serge Carfantan.

Et l’on retrouve ce texte sur son site qu’il dirige depuis 2000.

Le livre de Huxley est paru en 1932. Son caractère visionnaire est stupéfiant. Presque inquiétant. Tous les ingrédients du roman sont aujourd’hui effectivement réunis pour que le scénario soit… en passe d’être réalisé. Si nous devions formuler dans un discours une prosopopée du cynisme politique incarné par le personnage cynique d’Huxley, cela donnerait quoi ?

    « Pour étouffer par avance toute révolte, il ne faut pas s’y prendre de manière violente. Les méthodes du genre de celles d’Hitler (texte) sont dépassées. Il suffit de créer un conditionnement collectif si puissant que l’idée même de révolte ne viendra même plus à l’esprit des hommes. L’idéal serait de formater les individus dès la naissance en limitant leurs aptitudes biologiques innées (cf. les individus de type alpha, bêta, gamma). Ensuite, on poursuivrait le conditionnement en réduisant de manière drastique l’éducation, pour la ramener à une forme d’insertion professionnelle. Un individu inculte n’a qu’un horizon de pensée limité et plus sa pensée est bornée à des préoccupations médiocres, moins il peut se révolter. Il faut faire en sorte que l’accès au savoir devienne de plus en plus difficile et élitiste. Que le fossé se creuse entre le peuple et la science, que l’information destinée au grand public soit anesthésiée de tout contenu à caractère subversif. Surtout pas de philosophie. Là encore, il faut user de persuasion et non de violence directe : on diffusera massivement, via la télévision, des divertissements flattant toujours l’émotionnel ou l’instinctif. On occupera les esprits avec ce qui est futile et ludique. Il est bon, dans un bavardage et une musique incessante, d’empêcher l’esprit de penser. On mettra la sexualité au premier rang des intérêts humains. Comme tranquillisant social, il n’y a rien de mieux. (cf. le rôle de la drogue et du sexe dans le roman de Huxley). En général, on fera en sorte de bannir le sérieux de l’existence, de tourner en dérision tout ce qui a une valeur élevée, d’entretenir  une constante apologie de la légèreté ; de sorte que l’euphorie de la publicité devienne le standard du bonheur humain et le modèle de la liberté. Le conditionnement produira ainsi de lui-même une telle —————intégration, que la seule peur – qu’il faudra entretenir – sera celle d’être exclus du système et donc de ne plus pouvoir accéder aux conditions nécessaires au bonheur. L’homme de masse, ainsi produit, doit être traité comme ce qu’il est : un veau, et il doit être surveillé comme doit l’être un troupeau. Tout ce qui permet d’endormir  sa lucidité est bon socialement, ce qui menacerait de l’éveiller doit être ridiculisé, étouffé, combattu. Toute doctrine mettant en cause le système doit d’abord être désignée comme subversive et terroriste et ceux qui la soutienne devront ensuite être traités comme tels. On observe cependant, qu’il est très facile de corrompre un individu subversif : il suffit de lui proposer de l’argent et du pouvoir (la proposition est dans le roman!) ».

 

2) Bien sûr, c’est une caricature et toute ressemblance avec des faits avérés est pure coïncidence ; nous n’allons pas verser dans le conspirationnisme. N’empêche que l’outrance de la paranoïa-critique permet de mieux cerner une tendance. L’idée selon laquelle l’individu serait, dans le modèle occidental, aplati sous le rouleau compresseur d’un prêt à penser stérilisant par avance toute velléité de révolte est loin d’être sotte. On a même forgé le concept de « loftisation » des esprits pour désigner la tendance postmoderne à dévaler la pensée dans un reality-show permanent !

http://www.philosophie-spiritualite.com/cours/sagesse_revolte.ht

Pour finir, ce texte a même été attribué à un autre auteur, Günther Anders, sur certains sites web: Günther Anders dans son livre : « Die Antiquiertheit des Menschen 1» (L’Obsolescence de l’homme, t. 1) 1956 – P.122 . mais c’est aussi Serge Carfantan qui en parle dans cet article.

 

Encore une fois les fascistoïdes aiment bien attribuer des citations aux gens qui les arrangent.

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