31 mai 2013 | Temps de lecture : 4 minutes

« 1 million de manifestants contre le mariage homo, la preuve en photo  » : encore un bidonnage

Après leur dernière manifestation du 26 mai, nouvel avatar de l’inflation des chiffres dans la catho/droito/facho – sphère.  Vu chez « Manche Bleu Marine », sur Facebook :

 


On appréciera aussi le sens de la  nuance des commentaires :  

Ber Bebert il va falloir lui payer des lunettes au nazillon valls ?

 

 

 

En réalité, …  la photo provient du site « Dushow »  et a été  prise en septembre 2008 lors du séjour  du Pape en France . 

« Dushow » est une entreprise qui assure la logistique et mise en scène  de grands évènements, concerts et autres. La photo est publiée sur le site de l’entreprise, page « nos réalisations »  

Un bon point pour nos faussaires lepénistes : effectivement , leur montage illustre l’Esplanade des Invalides.  Mais patatras … il s’agit des Invalides en 2008, pas en 2013!   Rien à voir avec leur « Printemps français » ou « Manif pour tous »  contre la loi Taubira.

La photo date en réalité du 13 septembre 2008, où une messe avait été célébrée sur cette place, à l’occasion  du voyage du pape Benoit XVI en France  pour le  150e anniversaire des apparitions de la Sainte Vierge à Lourdes … ( soyons précis !)

 

« 200 000 personnes en 2008, la place était bondée »

Cette photo, (l’authentique, celle de 2008, pas celle des truqueurs) montre effectivement une Esplanade des Invalides bondée par la foule.  Combien de personnes peuvent-elles s’y masser dans ce cas-là ? …

Laissons la réponse au  journal La Croix,  qu’on ne peut suspecter de « cathophobie »   : « À 9 heures, (soit 30 minutes avant l’arrivée de la papamobile) la place était saturée avec près de 200 000 personnes. » 

Précisons que le titre parle de 260 000 personnes, sans en donner l’origine : sans doute le chiffre communiqué à l’époque par l’Archevêché. 

Cet article publié par La Croix le 14 sept. 2008 nous rappelle par ailleurs que participait à la messe le gratin gouvernemental de l’époque :  le premier ministre François Fillon, les ministres de l’intérieur, Michèle Alliot-Marie, de la justice, Rachida Dati, du logement, Christine Boutin, ou encore de l’éducation, Xavier Darcos…

En tout cas , on voit mal comment  la même place, « bondée » en 2008,  pouvait accueillir  200 000 ou 260 000 personnes,  et  pourrait s’agrandir le 26 mai 2013  pour que 5 fois plus de manifestants puissent s’y masser.

Le Canard Enchaîné a fait la même comparaison que les Debunkers, entre la manif de 2013 et   la messe du pape en 2008. A  l’époque, la police avait compté 140000 personnes et l’archevêché de Paris, 260000… Le Canard rappelle qu’un million, cela signifie 8 personnes au mètre carré, alors qu’un métro archi-bondé représente 4 à 5 personnes au m² à la limite de l’étouffement.  Rappelons  aussi que la Police a estimé le nombre des manifestants de 2013 à 150 000.

 

Avant la publication de ce trucage-photo, les Debunkers s’était livrés à un petit calcul.
L’Esplanade des Invalides aune dimension de 487 m sur 275,  comme nous le rappelle gentiment Wikipédia (http://fr.wikipedia.org/wiki/Esplanade_des_Invalides). Ce qui nous donne une surface de 133 925 m2.
En général (article à l’appui http://www.lesinrocks.com/2010/05/03/actualite/societe/comptage-des-manifestants-une-science-pas-tres-exacte-1131103/) la police compte UN manifestant au mètre-carré, tandis que certains syndicats comptent 1,5 manifestant au m2.
Donc le calcul est simple:
-fourchette basse: 133 925 manifestants
-fourchette haute: 200 887 manifestants.

Pour arriver au score estimé par les sites d’extrême droite (1 million) il faudrait… 7,5 manifestants par mètre-carré  !!!  

Soyons généreux et estimons que chaque mètre-carré abritait 2 manifestants, on arrive au score de 267 850 manifestants.

Reste que  leur chiffre (1 million) est doublement démenti : par ceux de la messe pontificale de 2008 et par les dimensions de l’Esplanade des Invalides.

Derrière l’habituelle querelle de chiffres et les trucages , la tentative de légitimer une « insurrection » des droites

Certes, la querelle de chiffres entre la Police et les organisateurs de manifestations est traditionnelle.  Mais cette fois, avec les manifestants anti-loi Taubira, on atteint des proportions et des méthodes très inhabituelles. 

Ainsi, après la manif contre le mariage pour tous du 24 mars 2013, où des groupes d’extrême-droite avaient tenté de déborder la police pour atteindre les Champs Elysées, on avait assisté à de nombreux trucages.  Juste un exemple, avec cette photo censée prouver le 1,8 million de manifestants du 24 mars , (alors que la Police avait compté 300 000 personnes) , qui est en réalité une photo prise lors de la victoire française à la Coupe du Monde de football en 1998.

Bobards et intox s’étaient multipliés, comme les fables sur les « photos secrètes de la police confisquées par la police », sur les « rapports secret des militaires » , ou sur la « sauvagerie de la police qui gaze les enfants« . Christine Boutin s’était distinguée, en parlant des « escadrons de la mort » du gouvernement Hollande. Etc… Intox en série  que les Debunkers avaient démontées :  » « A la manif anti-mariage pour tous, la police gaze les enfants, écrase une femme » : nombreux bobards mais vraie tentative de coup de force

Ainsi  cette autre  fable : « La police a truqué les photos de la manif » : les anti-mariage gay en plein complotisme

 

Cette obstination à gonfler et à truquer les chiffres, ces multiples bobards sur la brutalité dont aurait fait preuve la police à l’égard des manifestants anti-mariage,  sur le complot de la Préfecture de Police,  ont pour but de tenter de faire croire que l’opposition à la loi Taubira est largement majoritaire, et que l’adoption de la loi n’est qu’ un « coup de force »,  que nous vivons en dictature.  Alors que 65 % des personnes interrogées sont favorables au mariage pour tous …

Par cette campagne d’intox, la nébuleuse très « droites extrêmes » des « Printemps français » et « Manif pour Tous » veulent légitimer l’opposition violente à cette prétendue dictature et leurs appels à « l’insurrection » : harcèlements d’élus comme Esther Benbassa ou le député rapporteur de la loi, Erwan Binet, de Caroline Fourest, de ministres dans leurs vies privées,  saccages de locaux associatifs ou de partis politiques,  sans parler des agressions homophobes … Un petit air de « 6 février 1934 » rampant,   un remake modernisé de la tentative de coup de force des partis fascistes qui voulaient renverser le gouvernement et le parlement.

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